Solennellement votée à l'unanimité par les députés ce 27 mai, la proposition de loi Vidal garantit le droit de bénéficier d'un accompagnement et de soins palliatifs à toute personne dont l'état de santé le requiert.

Soins palliatifs : la proposition de loi votée à l'unanimité
La proposition de loi (PPL) relative aux soins palliatifs et d'accompagnement portée par Annie Vidal dont les députés ont fini l'examen en première lecture le 16 mai a été solennellement votée le 27 mai en début de soirée. Décryptage.
Une définition- Dans un article L. 1110-10 du Code de la santé publique précautionneusement (et considérablement) étoffé, la PPL redéfinit l'accompagnement et les soins palliatifs comme mettant en oeuvre le droit fondamental à la protection de la santé : « ils sont destinés et adaptés aux personnes de tout âge et de toute situation physique, mentale ou psychique en souffrance du fait de leur état de santé affecté par une ou par plusieurs maladies graves aux conséquences physiques ou psychiques graves et, en particulier, aux personnes approchant de la fin de leur vie. Ils ont pour objet, à la demande de la personne et à l'initiative et sous la conduite des médecins et des professionnels de l'équipe de soins, d'offrir une prise en charge globale et de proximité de la personne malade et de ses proches, dans un délai compatible avec son état de santé, afin de préserver sa dignité, son autonomie, sa qualité de vie et son bien-être ».
L'accès à l'accompagnement et aux soins palliatifs définis à l'article L. 1110-10 est assuré dans le cadre d'organisations territoriales spécifiques pilotées par l'agence régionale de santé.
Un droit opposable- Le texte garantit aux malades qui le nécessitent le droit à l'accompagnement et aux soins palliatifs. Les agences régionales de santé seront garantes de l'effectivité de ce droit « en tenant compte de l'ensemble des besoins de prise en charge de la personne malade et de l'ensemble des professionnels de santé requis à cette fin. L'examen de l'effectivité de ce droit tient compte de l'ensemble des acteurs de soins, y compris les professionnels de santé exerçant en ville, dans les établissements et services médico-sociaux et les autres professionnels concernés, au-delà des seuls professionnels spécialisés en soins palliatifs ».
Les députés ont créé un recours en référé devant le juge administratif afin de rendre ce droit opposable.
Une stratégie décennale- Le texte vise à mettre en oeuvre la stratégie décennale d'avril 2024, dotée d'1,1 milliard d'euros d'ici 2034, notamment pour que chaque département dispose d'une unité de soins palliatifs (USP). D'après un premier bilan présenté en mars 2025 par le ministère de la Santé, 19 départements n'ont toujours pas d'USP.
Elle prévoit une instance de gouvernance de la stratégie décennale, placée auprès du ministre chargé de la santé, dont l'organisation sera fixée par décret, et une loi de programmation quinquennale d'accompagnement et des soins palliatifs, dont la première devra être votée par le Parlement avant fin 2025 - mais rappelons le précédent de la loi bien vieillir du 8 avril 2024 instaurant une loi de programmation du grand âge avant fin 2024...
Les députés ont précisé que les crédits de la stratégie devront permettre l'ouverture d'au moins une USP, y compris pédiatrique, dans les départements qui n'en sont pas encore pourvus, avec l'objectif d'atteindre un minimum de deux unités par région avant fin 2030. Le texte ouvre la possibilité pour le Parlement de débattre chaque année de l'évolution de la mise en oeuvre de cette stratégie.
Maisons d'accompagnement et de soins palliatifs- La PPL crée par ailleurs une nouvelle catégorie d'établissement médico-social, les maisons d'accompagnement et de soins palliatifs, dont la phase de préfiguration débutera dès 2026 dans plusieurs territoires. Ces petites unités de vie, intermédiaires entre le domicile et l'hôpital, accueilleront et accompagneront les personnes en fin de vie dont l'état médical est stabilisé. Les députés demandent à l'Etat de mettre à l'étude les conditions dans lesquelles la création de 106 maisons permettrait « d'assurer leur déploiement dans chaque département et dans les collectivités d'outre-mer à l'horizon de l'année 2034 ».
Plan personnalisé- Dans le cadre de l'annonce d'une maladie grave ou d'aggravation d'une pathologie chronique ou de début de perte d'autonomie, le patient se verra proposer un plan personnalisé d'accompagnement après discussions au cours desquelles il peut être assisté des personnes de son choix. Ce plan est consacré à l'anticipation, à la coordination et au suivi des prises en charge sanitaire, psychologique, sociale et médico-sociale du patient et de son entourage, y compris après le décès. Il comporte une partie relative à la prise en charge de la douleur et de la perte d'autonomie.
Directives anticipées- Lors de l'élaboration et des révisions du plan personnalisé d'accompagnement, le médecin ou un professionnel de santé de l'équipe de soins informe le patient de la possibilité de produire ou d'actualiser, s'il le souhaite, ses directives anticipées et il lui propose de l'accompagner pour le faire s'il le souhaite et de désigner une personne de confiance. Les conditions dans lesquelles les directives anticipées peuvent être formulées sont améliorées. Les bénéficiaires d'un plan personnalisé d'accompagnement pourront l'annexer à leurs directives anticipées. Toute personne pourra, en outre, enregistrer ses directives anticipées dans l'espace numérique de santé. Elle pourra également accorder un accès à cet espace à sa personne de confiance ou un parent ou un proche afin d'enregistrer un document nécessaire à la coordination de ses soins. Le code de la santé publique a été complété par les députés pour préciser explicitement que si plusieurs directives anticipées existent, les plus récentes prévalent, quel que soit leur format.
Sédation profonde- Des dispositions instaurent une recherche alternative du consentement éclairé du patient ne pouvant pas s'exprimer (par exemple dans les cas d'autisme ou de paralysie cérébrale). La procédure collégiale pour l'application d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès est légèrement modifiée. Sauf refus préalable du malade, la personne de confiance et sa famille pourront participer à cette procédure collégiale.
Enfin, les députés ont complété le texte pour exiger du gouvernement l'organisation de campagnes nationales d'information et de sensibilisation sur les soins palliatifs, l'accompagnement des aidants, le deuil et les directives anticipées.
Le vote solennel est le début d'une navette parlementaire à la durée très incertaine. Le texte a deux ans pour achever deux passages à l'Assemblée et deux passages au Sénat. Tout comme celui sur l'aide à mourir.
La réaction de la Sfap
Dans un communiqué du 16 mai, à l'occasion de la fin de l'examen de la proposition de loi, la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs « se réjouit que la prise en charge palliative des personnes en fin de vie fasse l'unanimité dans une Assemblée nationale pourtant divisée et sans majorité », mais appelle aussi le Gouvernement et le Sénat à rétablir l'article 8 dans sa version initiale lors de la première lecture au Sénat. L'intégration de « l'aide à mourir » dans un alinéa concernant la formation des médecins spécialistes de soins palliatifs a, en effet, conduit les députés à rejeter le dispositif de formation dans son intégralité pour préserver le sens du soin. « Si ce rejet était nécessaire, parce que les médecins de soins palliatifs ne peuvent pas être les experts de l'euthanasie, il entraine aussi la suppression de dispositifs utiles, et notamment l'obligation législative de former les professionnels de santé et l'ensemble des médecins aux soins palliatifs », commente la Sfap.
Enfin, la Sfap prend acte des articles visant à offrir un droit opposable aux usagers, assorti de tableaux de financements et d'un renvoi à une future loi de programmation mais « ces outils symboliques n'ont à ce stade aucun caractère contraignant et n'offrent donc aucune garantie concrète et pluriannuelle de l'amélioration de la prise en charge de nos concitoyens » regrette-t-elle. Elle « restera chaque année extrêmement vigilante sur les engagements budgétaires alloués à la prise en charge palliative ».
Texte (provisoire) résultant des délibérations de l'Assemblée nationale à l'issue de la troisième séance du 16 mai 2025.