Dans le n° 170-septembre 2025  - Fin de vie  18159

Soins palliatifs et aide à mourir, deux droits pour la fin de vie

Mise en chantier par Emmanuel Macron, la proposition de loi sur la fin de vie serait, si elle aboutit, la réforme sociétale la plus importante depuis le mariage pour tous voté en 2012. Les deux textes doivent désormais poursuivre leur parcours législatif au Sénat, avec un examen à l'automne. Décryptage.


Pour certains, il s'agit d'une rupture anthropologique ; pour d'autres, elle inaugure un « nouveau modèle français de la fin de vie ». Défrichée par une convention citoyenne en 2022, elle est perçue soit comme une menace pour les plus vulnérables, soit comme une avancée majeure en faveur de la liberté de choisir sa mort. Après cinquante ans de débats, et malgré l'interruption causés par la dissolution de l'Assemblée nationale, les députés ont finalement adopté en première lecture les deux propositions de loi encadrant la fin de vie. La première, portée par Annie Vidal, députée de Seine-Maritime, vise à garantir l'égal accès de tous aux soins palliatifs et à l'accompagnement en fin de vie. La seconde, défendue par Olivier Falorni, député de Charente-Maritime, introduit un droit à l'aide à mourir. Une dissociation souhaitée par le Premier ministre, François Bayrou, afin de désamorcer les tensions en permettant aux parlementaires de soutenir l'un des textes sans nécessairement approuver l'autre. Ce vote n'est pas un aboutissement, c'est une étape importante, a salué Emmanuel Macron. Il marque le début d'un long parcours législatif : le texte sur l'aide à mourir doit encore être examiné par le Sénat, amendé, retravaillé, puis renvoyé à l'Assemblée, avec pour horizon une adoption définitive avant l'élection présidentielle de 2027.

La proposition de loi relative aux soins palliatifs et d'accompagnement

Solennellement votée à l'unanimité par les 560 députés et seulement trois abstentions, la proposition de loi portée par Annie Vidal définit clairement les soins palliatifs en référence à la définition qu'en donne l'Organisation mondiale de la santé et garantit le droit de bénéficier d'un accompagnement à toute personne dont l'état de santé le requiert. Cette avancée est d'autant plus saluée qu'un patient sur deux éligible aux soins palliatifs décède sans pouvoir en bénéficier, selon le dernier rapport de la Cour des comptes. Une insuffisance d'offre de soins palliatifs malgré une augmentation de la dépense publique de 24,6% depuis 2017, pointe également le rapport. Ainsi, le texte vise à mettre en oeuvre une stratégie décennale, dotée d'1,1 milliard d'euros d'ici 2034, notamment pour que chaque département dispose d'une unité de soins palliatifs (USP). Alors qu'actuellement, ce sont 19 départements qui en sont dépourvus, relève le ministère de la Santé. « Cette stratégie aura du mal à rattraper l'immense retard existant et à répondre au défi démographique des vingt prochaines années », estimait la docteure Claire Fourcade, présidente de la SFAP (Société française d'accompagnement et de soins palliatifs). « Le texte n'en est pas moins conçu comme un levier législatif pour obliger les gouvernements successifs à respecter l'engagement financier pris dans le cadre de la stratégie décennale. Et qui devra se concrétiser chaque année dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Les députés ont précisé que les crédits alloués à la stratégie doivent servir à ouvrir au moins une USP, incluant une USP pédiatrique, dans les régions où il n'y en a pas déjà. Ils visent ainsi à atteindre le nombre minimal de deux USP par région d'ici la fin de 2030.

Le texte de loi introduit également la création de maisons d'accompagnement en soins palliatifs, de nouveaux établissements médicaux sociaux, conçus pour accueillir des malades en fin de vie qui ne peuvent rester chez eux, mais dont l'état ne requiert pas une hospitalisation. Elle crée, en outre, un droit opposable aux soins palliatifs et prévoit des voies de recours pour qu'il soit effectif. Les agences régionales de santé seront garantes de l'effectivité de ce droit « en tenant compte de l'ensemble des besoins de prise en charge de la personne malade et de l'ensemble des professionnels de santé requis à cette fin. » Enfin, les députés ont complété le texte pour exiger du gouvernement l'organisation de campagnes nationales d'information et de sensibilisation sur les soins palliatifs, l'accompagnement des aidants, le deuil et les directives anticipées. Si l'objectif principal de cette loi est de renforcer l'accès aux soins palliatifs et de combler le retard de la France, il reste tributaire de la capacité à former des professionnels pour exercer dans cette filière. Lors de l'examen de la PPL en première lecture, les députés demandaient la suppression de l'article 8 créant un diplôme universitaire spécifique pour former aux soins palliatifs. Une suppression consécutive au tollé qu'avait provoqué le vote d'un amendement prévoyant que les étudiants en formation en soins palliatifs se voient dispenser des cours sur l'aide à mourir. « Si ce rejet était nécessaire, parce que les médecins de soins palliatifs ne peuvent pas être les experts de l'euthanasie, il entraîne aussi la suppression de dispositifs utiles, et notamment l'obligation législative de former les professionnels de santé et l'ensemble des médecins aux soins palliatifs », estimait la SFAP. Le débat devrait rebondir lors de l'examen du texte au Sénat.

La proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir

Portée de longue date par le député Olivier Falorni, la proposition de loi fin de vie a été adoptée en première lecture par 305 voix contre 199. Elle introduit dans le Code de la santé publique un droit à l'aide à mourir. Cinq critères cumulatifs doivent être remplis pour ouvrir ce droit. La première est d'être majeur. Il faudra ensuite être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France. La personne doit aussi être atteinte « d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée » ou « terminale ». La notion de « phase avancée » a longtemps questionné les députés, certains la jugeant trop floue. Le gouvernement a fait adopter un amendement calqué sur une définition retenue par la Haute Autorité de santé (HAS) caractérisant la « phase avancée » par « l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie ». Pour être éligible, la personne doit aussi « présenter une souffrance physique ou psychologique » qui est « soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne » lorsqu'elle a choisi de ne pas recevoir ou d'arrêter un traitement. Enfin, la personne doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Le patient doit formuler une demande écrite ou par tout autre mode d'expression adapté à ses capacités. Selon la proposition de loi, une personne demandant à accéder à une aide à mourir devra le faire auprès d'un médecin « qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit. » Un collège composé d'au moins un soignant et d'un spécialiste statue dans un délai de 15 jours. Un délai de réflexion de 48 heures est également imposé avant validation. Le texte prévoit que le médecin propose à la personne et ses proches de les orienter vers un psychologue ou un psychiatre. Le patient devra s'auto-administrer la substance létale, ou être aidé par un médecin ou un infirmier s'il est dans l'incapacité de le faire. Tout soignant pourra faire valoir une clause de conscience lui permettant de refuser de pratiquer l'acte, à condition d'assurer une continuité de la prise en charge. Un délit d'entrave à l'aide à mourir a également été introduit, passible de deux ans de prison et 30 000 € d'amende. Parmi la question encore non résolue par la proposition de loi, figure celle des directives anticipées. La loi Leonetti de 2005 permet d'exprimer ses volontés sur « sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'actes médicaux. » Or, selon la version actuelle de la loi, toute personne se retrouvant dans l'incapacité de formuler sa demande de « façon éclairée » à un médecin ne pourra solliciter l'aide à mourir, même si elle l'a fait dans une directive anticipée qui a pu être réaffirmée et complétée au fur et à mesure que sa maladie évoluait. La proposition de loi exclut de fait les personnes atteintes de maladies neurodégénératives avancées.

Quelle différence entre euthanasie et assistance au suicide ?

Euthanasie et assistance au suicide peuvent être considérées comme des déclinaisons de la notion d'aide active à mourir, pourtant elle recouvre deux pratiques distinctes. D'après le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), l'euthanasie est un « acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d'une personne atteinte d'une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu'elle juge insupportable ». À la différence de l'euthanasie, l'assistance au suicide, parfois confondue avec le suicide assisté, consiste à « donner les moyens à une personne de se suicider elle-même en absorbant un produit létal qui lui a été préalablement délivré », définit le CCNE. Ces deux actes impliquent l'intervention d'un tiers, mais à un degré très différent, note le CCNE. Dans le cas de l'assistance au suicide, cette intervention peut se limiter à la prescription médicale d'un produit létal tandis qu'en cas d'euthanasie, un médecin administre lui-même le produit. Selon une étude Ifop pour l'ADMD, 92 % des Français sont favorables à l'euthanasie et 89 % approuvent le recours au suicide assisté.

Une frontière floue pour les soignants

La loi Claeys-Leonetti, en vigueur depuis 2016, autorise la sédation profonde et continue jusqu'au décès (SPCJD) pour les malades en phase terminale et en très grande souffrance, dont la vie est menacée à court terme. Cette pratique consiste à endormir le patient de manière irréversible, généralement par injection de midazolam, et à mettre fin aux traitements considérés comme inutiles, disproportionnés ou qui ne font que maintenir artificiellement sa vie, selon la loi. Si la SPCJD est un droit légal, elle reste rarement mise en oeuvre, notamment à domicile ou en Ehpad, faute de médecins disponibles pour son suivi. Une enquête pour le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) souligne que de nombreux professionnels de santé perçoivent une frontière « relativement floue » entre SPCJD et euthanasie. Outre les questionnements éthiques sur cette pratique, il leur est difficile d'évaluer le moment opportun de la SPCJD, en raison de l'imprévisibilité de la survenue de la mort. Malgré cela, sept médecins sur dix considèrent la SPCJD comme un soin de fin de vie, au même titre que l'aide active à mourir : 74 % d'entre eux souhaitent sa légalisation, révèle une étude récente de l'ADMD.

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