Avec 150 000 décès annuels en établissements, dont 77% survenant au sein même des Ehpad, la question des soins palliatifs s'impose comme un défi central pour les directeurs et cadres de santé.

Soins palliatifs en Ehpad : un enjeu majeur pour les établissements
Le Dr Odile Reynaud-Levy, présidente de MCoor et médecin coordonnateur dans un Ehpad public de 85 lits entre Aix-en-Provence et Salon-de-Provence, a partagé son expertise lors du congrès Age 3 à Beaune.
Un constat sans appel
Sur les 650 000 décès annuels en France, 23% surviennent en Ehpad, représentant près d'un quart des décès des personnes âgées vivant en maisons de retraite. Plus significatif encore : 87% de ces décès étaient attendus, ce qui pose la question de l'anticipation et de la préparation de l'accompagnement de fin de vie.
Selon les données présentées, 130 000 résidents d'Ehpad pourraient bénéficier chaque année de soins palliatifs adaptés. Un chiffre qui interroge sur les moyens mis en oeuvre et la formation des équipes.
Le rôle central du médecin coordonnateur
Le Dr Reynaud-Levy a rappelé le cadre réglementaire du métier de médecin coordonnateur, seul métier du secteur médico-social réglementé par le Code de l'action sociale et des familles. Malgré l'obligation légale d'avoir un médecin coordonnateur en Ehpad à hauteur de 0,4 ETP, un tiers des établissements n'en disposent toujours pas, et le temps de travail requis est rarement atteint.
Parmi les 14 missions du médecin coordonnateur figurent la rédaction du projet de soins, l'organisation de la permanence des soins, la mise en place des bonnes pratiques ou encore la gestion du parcours du résident. Depuis décembre 2023, une évolution législative permet au médecin coordonnateur d'être également médecin traitant des résidents, et depuis septembre 2025, les Idec bénéficient d'une reconnaissance officielle.
Acculturer et former aux soins palliatifs
"Parler soins palliatifs, c'est acculturer et former", a insisté le Dr Reynaud-Levy. Cette acculturation passe par plusieurs axes essentiels :
- Reconnaître et nommer le moment de l'entrée en fin de vie
- Améliorer la préparation en amont et l'anticipation
- Favoriser les espaces d'échanges formels et informels entre soignants
- Clarifier le rôle des accompagnants
- Travailler sur les représentations de la mort et le sens du soin
Le secret d'un Ehpad accompagnant repose sur le travail d'équipe, la communication, l'ouverture vers les familles et les proches, ainsi que la capacité à reconnaître et respecter ses limites. L'intervenante a souligné que l'accompagnement peut parfois s'avérer plus difficile en Ehpad qu'à l'hôpital en raison des liens créés avec les résidents, tout en rappelant l'importance de garder des réflexes cliniques rigoureux.
Les outils pratiques au quotidien
Sept actes constituent le socle de l'accompagnement palliatif au quotidien : la gestion de la douleur, les gestes de nursing, les soins de bouche, le traitement des symptômes gênants, l'alimentation et l'hydratation, le soutien psychologique et la prise en charge du refus alimentaire.
L'ARS Île-de-France, via Corpalif, a développé des kits d'anticipation pour les soins palliatifs en Ehpad, comprenant notamment :
- Un rappel sur la réglementation et la traçabilité des stupéfiants
- Une dotation médicamenteuse
- Des dispositifs médicaux
- Des protocoles thérapeutiques pour les événements urgents
- La fiche urgence pallia, à remplir pour chaque patient en soins palliatifs
Cette fiche urgence pallia, téléchargeable sur sfap.org, permet d'anticiper les décompensations nocturnes en précisant la conduite à tenir, les directives anticipées et les dernières doses administrées.
Un cadre législatif en évolution
Le 27 mai 2025, une loi sur les soins palliatifs a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Elle vise à redéfinir les soins palliatifs, mettre en place une organisation territoriale pilotée par les ARS, garantir un droit aux malades et créer une instance nationale de gouvernance dotée de crédits pour déployer les soins palliatifs dans tous les départements.
Parallèlement, la loi sur l'aide à mourir a été adoptée. Elle s'adresse aux personnes majeures, françaises ou résidant en France, capables de donner un avis libre et éclairé, atteintes d'une maladie grave et incurable engageant le pronostic vital. La demande doit être formulée auprès d'un médecin, suivie d'une décision collégiale sous 15 jours. L'auto-administration ou l'aide par un médecin ou IDE est possible, avec clause de conscience pour les professionnels.
Le Dr Reynaud-Levy a tenu à rappeler la distinction essentielle : selon la loi Clayes-Léonetti, la sédation profonde et continue n'est pas l'euthanasie, même si dans la pratique elle est plutôt discontinue. L'obligation demeure : soulager la souffrance.
Des résidents de plus en plus complexes
Le profil des résidents accueillis en Ehpad évolue : 60% présentent des troubles cognitifs sévères, 37% ont des pathologies chroniques non stabilisées, 15% des pathologies aiguës, et 50% des admissions interviennent après une hospitalisation. On observe également une augmentation des patients psychotiques.
Face à cette complexité croissante, le Dr Reynaud-Levy a conclu sur une formule sans ambiguïté : "Tout résident est un malade qui s'ignore. On n'est pas dépendant parce qu'on est vieux, mais parce qu'on est malade." Un rappel salutaire qui positionne les équipes des Ehpad comme des professionnels devant être parmi les mieux formés à l'accompagnement des personnes malades et dépendantes.
Conférence animée par le Dr Odile Reynaud-Levy, présidente de MCoor (société appartenant à la Société française de Gériatrie), lors du congrès Age 3 à Beaune le 16 octobre 2025.