Dans le n° 142-septembre 2022  - Qualité  13033

Clients mystères : et si votre Ehpad était visité ?

Des enquêteurs « incognitos » prennent l'apparence d'un visiteur classique pour « tester » les établissements. La question de leur légitimité renvoie à celle, épineuse mais désormais capitale, des méthodes d'évaluation.

L'étau se resserre sur les Ehpad. En mars dernier, la Haute Autorité de santé présentait la nouvelle grille nationale d'évaluation de la qualité des 40 000 ESSM. Quelques mois après le scandale Orpea et le contrôle des établissements par l'Igas, la question de l'évaluation vient donc augmenter les multiples charges des directeurs.

Le secteur privé s'y est déjà mis. Depuis quelques années, aux avis Google s'ajoutent ceux du moteur de recherche de maisons de retraite, mazette.fr, qui en recense des dizaines de milliers. Et en 2016, le site web Papyhappy a innové. Son fondateur, Joachim Tavares, a en effet l'idée d'appliquer aux résidences seniors le système adopté par Le Petit Futé, celui du client mystère.

L'impact des réseaux sociaux

Pour compléter les notations des plateformes, cet ancien directeur d'Ehpad souhaite proposer une investigation approfondie, professionnelle et indépendante : « Souvent, les seniors en perte d'autonomie et leurs proches manquent d'informations fiables sur leurs possibilités d'hébergement. » Les avis en ligne sont partiels, contradictoires, et la part de « fake » vient fausser la note générale.

Joachim Tavares souhaite aussi contrebalancer ces faux avis rédigés par les acteurs eux-mêmes ou les organismes de placement. D'après lui, les entreprises comme Cap Retraite adressent les seniors aux résidences partenaires, bénéficiant ainsi de rémunérations, proportionnelles au nombre de contrats signés. « De son côté, Papyhappy reste indépendant et ne déclare aucun lien financier avec personne », affirme-t-il.

« Serais-je prêt à confier mes parents à cette résidence ? »

Un client mystère est un « enquêteur » qui se fait passer pour un client potentiel auprès d'un Ehpad. Depuis 2016, les préposés envoyés par Papyhappy sillonnent le territoire, se présentant comme des proches d'une personne âgée en quête d'un établissement. En réalité, ils viennent observer... et critiquer.

Papyhappy recrute ses détectives à la mission ou en CDD. Le prérequis : appartenir à une profession du secteur médico-social. Dans le réseau de l'entreprise figurent ainsi des gérontologues, infirmières, aides-soignantes ou même d'anciens directeurs d'Ehpad. « Chaque client mystère a sa patte », revendique Joachim Tavares.

L'entrepreneur souligne qu'en très peu de temps, l'« inspecteur » incognito ressent l'atmosphère d'un lieu, notamment grâce aux odeurs et à la qualité du contact avec le personnel et/ou le directeur. « Malgré une procédure bien définie, l'évaluation conserve une part de subjectivité et de ressenti personnel, lit-on sur la plateforme. Mais les experts doivent toujours répondre à une question : "Serais-je prêt à confier mes parents à cette résidence ?" »

Sentiment de trahison

L'évaluation du client mystère est ensuite mise en ligne et rendue publique sur Papyhappy. Elle vient compléter et modérer celle des internautes. Les directeurs peuvent ne jamais savoir qu'ils ont été visités, surtout lorsqu'ils ne réalisent pas de veille spécifique sur la réputation de leur établissement.

Utilisé depuis longtemps par diverses organisations y compris en dehors de la restauration, le système des clients mystères crée des mécontents. Certains pointent une tentative de contrôle qui occulterait la complexité d'un domaine. En effet, une enquête peut être biaisée si elle se déroule le jour où une accumulation d'imprévus altère la qualité du service et des échanges.

D'autres pointent une forme de malhonnêteté. Certains directeurs expriment leur mécontentement auprès de Papyhappy. « Ils sont peu nombreux. Une grande majorité se dit satisfaite, car les établissements réalisent le plus souvent un travail de qualité, et obtiennent un avis positif », précise Joachim Tavares. « Certains toutefois sont en colère même si leur note est bonne », s'étonne l'ancien directeur d'Ehpad. « Ils s'estiment trahis par le procédé. »

Transparence, toute ?

Tout le monde ne s'oppose pas aux clients mystères. « Je ne connais pas un Français en quête d'un lieu correct où dîner, qui ne scrute pas les guides. Or, les hôtels et restaurants sont en partie évalués par des enquêteurs anonymes », relève Pascal Champvert. D'après le président de l'AD-PA, l'Association des directeurs au service des personnes âgées, si l'évaluation d'un établissement ne peut pas dépendre exclusivement de quelques heures d'attention d'une personne, il n'y a aucune raison que les personnes âgées ne disposent pas des mêmes dispositifs que dans la restauration.

Celui qui parle de maltraitance systémique dans les établissements défend tous dispositifs favorables à la transparence, dont le secteur a grandement besoin : « À en croire Victor Castanet, l'auteur des Fossoyeurs, Orpea vendait à des tarifs 5 étoiles des prestations qui ne les valaient pas. Les dérives en Ehpad doivent cesser. »

« Lorsqu'on ferme le robinet, la variable d'ajustement, c'est souvent la qualité », ajoute le patron de l'AD-PA, pointant le « cynisme » des pouvoirs publics qu'il rend en partie responsables de la maltraitance des seniors, avec des révisions budgétaires qui ont été fatales au ratio personnel/patientèle. « On ne peut pas demander aux établissements qu'ils fassent mieux avec moins. »

Pascal Champvert en appelle ainsi à une évaluation « indépendante et transparente » de la qualité des établissements. Elle prouverait d'une part que la qualité a besoin de moyens : celle-ci est beaucoup moins présente lorsque ces derniers manquent. Par ailleurs, elle exercerait une pression sans précédent sur les établissements disposant véritablement de moyens, ceux qui dégagent une plus-value. « Au final, chacun veillerait à la qualité des services, car c'est toujours désagréable de perdre une étoile, ou de n'en afficher que 3 sur 5 », relève le représentant. Pascal Champvert estime qu'un consensus entre pouvoirs publics, professionnels, résidents et familles sur des critères clairement définis pourrait contribuer à la fin de la « suspicion généralisée ».


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