Dans le n° 99-décembre 2018  -  Lutte contre les TMS  10198

« La manutention des résidents est un soin »

En 2014, les EHPAD rattachés aux cinq établissements hospitaliers des Côtes d'Armor (Bretagne) et les quatre EHPAD territoriaux du groupe Césames se sont associés pour combattre les troubles musculo-squelettiques (TMS) et les accidents du travail. Ce projet porté par le Centre hospitalier (CH) de Tréguier pour le Groupement hospitalier de territoire (GHT) d'Armor a reçu, en juin dernier, le prix ANFH 2018* dans la catégorie "Management et organisation du travail". Présentation.

« Soulever une masse inerte n'est pas la même chose que de porter, tirer, retourner un résident ou encore le rehausser dans son lit. Pour tous ces gestes, ce sont à chaque fois des contraintes biomécaniques différentes subies par le système musculo-squelettique », souligne Bruno Gezequel, directeur des soins et directeur de la qualité et de la gestion des risques du CH Paimpol et du CH Tréguier. « Les aides-soignantes en EHPAD subissent trois fois plus d'accidents du travail que les salariés du régime général de la CNAM [Caisse nationale d'assurance maladie], et 1,5 fois plus que les travailleurs du bâtiment. Mais on a constaté qu'il n'y avait pas de corrélation entre le nombre de personnes formées aux gestes et postures et le nombre d'arrêts de travail », poursuit-il.

Partant de cet état des lieux, l'Agence régionale de santé (ARS) Bretagne et la Caisse d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) se sont associées, en 2014, au Groupement hospitalier de territoire (GHT) d'Armor et au groupe d'EHPAD Césames1 pour mettre en place quatre solutions conjointes, afin de protéger le personnel des troubles musculo-squelettiques (TMS) et prévenir la survenue des accidents du travail : intégrer davantage le "relationnel" dans la manutention des résidents, former le personnel à l'échauffement, former des référents TMS et tenir compte du collectif.

"Mobilisation relationnelle"

Tous les agents des EHPAD, soit 1200 personnes, ont été formés à la "mobilisation relationnelle". De quoi s'agit-il ? « Le terme de manutention se limite aux ports de charges inertes, nous préférons le terme de mobilisation pour les résidents. Selon des études, plus de 90% des résidents en EHPAD, tous états de dépendance confondus, peuvent se tenir debout une dizaine de secondes. Même pour les résidents les plus dépendants ou confus, on peut donc utiliser leurs capacités restantes. Nous sommes partis de ce constat pour faire participer le résident plutôt que de le transférer de manière passive et tout porter nous-même. Les soignants entrent en contact avec la personne âgée, grâce au visage, à la vue, au toucher, pour l'accompagner dans le mouvement, le déplacement, le transfert », explique Bruno Gezequel. Et d'ajouter : « La manutention est un soin. Il y a un volet technique pour se protéger des TMS avec les bases biomécaniques mais également un volet accompagnement, relationnel, avec le résident. Ce qui participe à la culture de la bientraitance ».

Si les équipes craignaient au départ que la "mobilisation relationnelle" demande plus de temps, il en est finalement tout autrement. « Les transferts se font plus rapidement, plus facilement car il n'y a plus de refus, d'opposition de la part des résidents au moment des soins. Les aides-soignantes n'en reviennent pas de la facilité de la technique », insiste le directeur de soins.

Le réveil corporel

En quantifiant la pénibilité des postes de travail, le GHT d'Armor est arrivé à des charges physiques évaluées entre 7 et 12 tonnes par jour et par poste d'aide-soignante. « Cette profession essentiellement féminine se classe dans la même catégorie que des métiers masculins également très exposés aux TMS comme les métiers du BTP, les manutentionnaires, les caristes, les éboueurs. Par ailleurs, chez les soignants en EHPAD, les pics d'accidents de travail ont lieu en début de matinée et en début d'après-midi, lors de la prise de poste. Les accidents du travail représentent un coût de 1,8 million d'euros par an pour le CH Tréguier et les EHPAD Césames. N'importe quel sportif s'échauffe avant de commencer une activité physique, mais l'échauffement, ou plus exactement le réveil corporel, psycho-moteur, ne fait pas partie des habitudes des soignants avant de commencer leur activité professionnelle », rappelle Bruno Gezequel, qui est kinésithérapeute de formation. Si l'ensemble des soignants de ces EHPAD ont été formés et sensibilisés à l'échauffement des articulations, des muscles, à l'équilibre, aux appuis, les pratiques peinent toutefois à évoluer. Selon l'évaluation du programme de formation établie en mars 2018, les résultats entre les 11 EHPAD engagés dans cette démarche sont très inégaux, allant de 10 à 85 % du personnel soignant qui s'échauffe vraiment. « Prendre soin de soi, représente une véritable révolution culturelle chez les soignants qui, par nature, sont d'abord là pour les autres, sans forcément faire attention à eux. Il faudra du temps pour faire changer les habitudes. On a emmené avec nous dans ce programme les instituts de formation des aides-soignants du département des Côtes d'Armor. Depuis les élèves aides-soignants s'échauffent tous les jours à l'école », explique Bruno Gezequel.

Référents TMS

Dernier étage de ce programme de formation : les référents TMS. Pas moins de 182 agents ont suivi la formation en prévention des risques liés à l'activité physique (PRAP) de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). « Ces référents TMS sont essentiellement des aides-soignantes et quelques infirmières qui deviennent des "lanceurs d'alerte" pour analyser les conditions du travail et signaler les risques avant que les accidents ne se produisent.
Les cadres de santé sont un maillon indispensable et doivent porter le projet mais ils ne sont pas forcément en première ligne pour repérer les risques. Les premiers travaux de réorganisation dans les EHPAD ont concerné les étagères de stockage qui étaient trop hautes. Qui d'autres que les professionnels directement concernés sur le terrain auraient pu nous faire remonter ce point ? », explique Bruno Gezequel.
Enfin, la réussite du programme de formation de lutte contre les TMS repose sur la prise en compte du collectif. « Dans les établissements, il y a des aides techniques à la manutention (lève-personnes, verticalisateurs, rails plafonniers...) qui ne sont pas utilisées parce que les équipes ne les ont pas adoptées. Pendant longtemps, on formait quelques personnes dans un service en supposant qu'elles allaient "passer la bonne parole" et aider les autres à se protéger. Des recherches en ergonomie ont montré que pour être pratique un matériel doit être validé par le collectif. La première étape fondamentale a donc été de former l'ensemble du personnel afin que tout le monde ait le même niveau d'information et que chacun puisse déclencher une émulation, une réflexion sur les pratiques », conclut Bruno Gezequel.

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