Dans le n° 101-février 2019  -  Santé au travail  10301

Conduites addictives en milieu professionnel : quelle responsabilité pour les employeurs ?

Les conduites addictives en milieu professionnel concernent tous les secteurs. Celui du médico-social n'est pas épargné, ce d'autant que nombre de ses établissements connaissent, en tant qu'organisations, des transformations qui peuvent fragiliser les professionnels qui y exercent. Rappel notamment sur la responsabilité des employeurs en la matière.

En milieu professionnel, les usages de substances psychoactives (SPA telles que tabac, alcool, cannabis, cocaïne, médicaments psychoactifs...) peuvent constituer une ressource pour faire face à des contraintes et souffrances multiples. Il s'agira ainsi tantôt de « gérer les douleurs liées aux troubles musculo-squelettiques (TMS - travail répétitif sous contrainte de temps, port de charge, maintien des salariés vieillissants) , pallier les conséquences d'horaires atypiques ou alternés (problèmes de sommeil, de réveil...) » ou bien encore d'« anesthésier la peur de l'accident, de ne pas tenir les cadences ou de perdre son emploi », a expliqué Marc Loriol, sociologue, directeur de recherche au CNRS (IDHES - Paris 1) lors d'un récent colloque sur le sujet1. Il s'agira aussi parfois d'« oublier la souffrance éthique (faire ce que l'on désapprouve) », de « combattre ou compenser l'ennui, la monotonie du travail, sa perte de sens... maintenir la vigilance dans les fonctions de surveillance », ou encore de « tenir le coup face aux "coups de bourre", aux exigences croissantes de résultats, à l'obligation d'être toujours au top... », voire « d'augmenter ses capacités, ses performances, son adaptabilité ».

Une problématique de santé au travail

De fait, les conduites addictives dans le cadre professionnel constituent une véritable problématique de santé au travail. Certes, cela n'est pas nouveau. Toutefois, les transformations profondes et actuelles des organisations peuvent, à l'heure de l'amélioration continue de leur performance globale, venir fragiliser les professionnels. C'est le cas, entre autres, en EHPAD où les conditions de travail sont souvent vécues comme difficiles notamment par les personnels soignants qui y exercent2. Depuis 2/3 ans, l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (Anpaa) y intervient d'ailleurs de plus en plus, sollicitée par « plusieurs portes d'entrée » en l'occurrence « le médecin du travail, le CHSCT ou les réseaux professionnels de direction » indique Jean-Michel Doyen, directeur d'établissement Anpaa 81. Et d'ajouter : « En Ehpad, le mésusage ou le détournement de médicaments peuvent se développer en lien avec la possibilité d'accès aux produits. La question du tabac va se poser tant sur l'organisation des temps de travail (pauses et emplacements) que sous l'angle de la santé publique (implication par exemple dans des événements du type "mois sans tabac"). [...] L'Anpaa y développe ainsi des programmes de sensibilisation qui vont toucher l'ensemble de l'organisation », soit les résidents, les personnels et la direction.

Responsabilité des employeurs

Pour rappel, les employeurs sont légalement tenus de préserver la santé et la sécurité de leurs salariés3. Ils ont ainsi l'obligation de mettre en oeuvre des actions de prévention. L'enjeu de prévention des pratiques addictives en milieu professionnels figure d'ailleurs « pour la première fois expressément dans le nouveau Plan santé au travail 2016-2020 [axe 2, objectif opérationnel 6, action 2.11 "Prévenir les pratiques addictives en milieu professionnel" - NDLR] », indique la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca)4.

En outre, ils doivent régulièrement évaluer les risques professionnels dans leur entreprise sous peine d'engager leur responsabilité civile (avec dommages et intérêts)5, et pénale6. Notons que le salarié qui consomme des SPA sur son lieu de travail peut engager également sa responsabilité s'il devait, à cette occasion, commettre des erreurs professionnelles ou infractions.

Au-delà, il faut rappeler qu'en entreprise la consommation d'alcool est limitée7 et le tabac y est interdit dès lors qu'il s'agit de lieux clos et couverts affectés à un usage collectif (locaux d'accueil et de réception, locaux et restauration collective, salles et espaces de repos...)8 . Quant à l'usage des stupéfiants (cannabis, cocaïne, amphétamines...), il est interdit par la loi, donc aussi de fait prohibé. « La consommation de médicaments est un vrai problème car elle n'est pas réglementée ; elle peut dès lors conduire à des comportements dangereux pour les salariés et les collectifs » relève pour sa part Me Jamila El Berry9, avocate à la cour, chargée de conférence à l'université Paris 1 - Panthéon la Sorbonne. Et l'experte en droit de la santé et sécurité au travail de poursuivre : « L'employeur doit promouvoir une politique de prévention des conduites addictives en se fondant, au besoin, sur la conformité réglementaire ». Le règlement intérieur et le document unique d'évaluation des risques professionnels constituent « les pierres angulaires du dispositif » pour amorcer une prise de conscience consensuelle du sujet et ainsi favoriser la mise en place d'actions concrètes et efficaces.

Danielle Julié/Richard Capmartin

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