Douleur et souffrance, deux petits mots si souvent prononcés dans l'accompagnement des personnes en Ehpad. Deux mots qui se ressemblent, qui se confondent parfois. Deux mots qui n'ont pourtant pas le même sens, et qui résonnent de façon bien différente à nos oreilles de soignants.

Mater dolorosa
J'ai mal. J'ai mal quand je lève le bras, j'ai mal quand je baisse le bras, j'ai mal quand je plie le bras, j'ai mal quand je tends le bras. La douleur est dans l'épaule, dans le coude, dans le poignet, dans les doigts. La douleur est dans tout le bras, du haut jusqu'en bas. J'ai mal mais il faut bien que je fasse mon travail. J'aide Henriette à se lever, je grimace. Je refais son lit, je gémis. Je pousse le chariot de linge, je geins.
Henriette me regarde en silence, et je tente de faire bonne figure.
- Ce n'est rien, j'ai sans doute dormi dans une mauvaise position. Demain ça ira mieux.
Mais la résidente n'est pas dupe. Elle a surpris mes rictus de douleur depuis plusieurs jours déjà.
- Pourquoi ne prenez-vous pas quelques jours de repos ? me demande-t-elle gentiment.
- Je ne peux pas. Et puis je ne veux pas embêter les collègues, les vacances approchent, elles ont besoin de leurs congés.
- Vous dites toutes la même chose ! rétorque la résidente facétieuse.
Je ris. C'est vrai qu'on dit toutes la même chose. Martine vient travailler avec une ceinture lombaire, et Sofia a toujours une attelle quelque part. Quand vient l'heure de la pause, Julie aux doigts de fée masse mes épaules douloureuses et nous sirotons avec espoir...