Dans le n° 169-juillet 2025  - Soins  17963

Le syndrome de Diogène : du diagnostic à la prise en charge

Les personnes atteintes du syndrome de Diogène vivent isolées, accumulant objets et détritus de manière compulsive et refusant toute aide. Un mode de vie extrême qui rend compliqué leur prise en charge en établissement.


Collectionner, accumuler, conserver des babioles... Des manies qui ne prêtent pas à conséquence pour beaucoup d'entre nous, mais qui, chez d'autres, deviennent problématiques. Le logement est envahi du sol au plafond de détritus jusqu'à nécessiter une évacuation d'urgence sur arrêté préfectoral en raison des dangers encourus pour le voisinage. Ces situations révèlent souvent un trouble méconnu : le syndrome de Diogène. Le terme a été introduit en 1975 par deux gériatres britanniques, Clark et Mankikar, en référence au philosophe grec Diogène de Sinope, célèbre pour avoir vécu dans un tonneau, rejetant toute forme de possession. Là où le penseur prônait le vide, les personnes atteintes du syndrome, elles, vivent dans le plein. Mais dans les deux cas, il s'agit d'un rejet des normes sociales, d'une affirmation d'autonomie radicale. Comme le rappelle Dr Jean-Claude Monfort, psychogériatre et directeur pédagogique de l'AFAR, le syndrome de Diogène n'est pas une maladie au sens médical, mais un mode de vie extrême. « C'est un ensemble de signes et comportements, le premier commun à tous, est le refus. La personne ne demande rien alors qu'elle aurait besoin de tout, à l'instar de Diogène qui aurait dit « Ôte-toi de mon soleil » à l'empereur Alexandre Le Grand venu lui offrir son aide. » Viennent ensuite les symptômes secondaires : un rapport aux objets extrême (accumulation ou vide), au corps (incurie ou obsession de propreté) et aux autres (isolement, misanthropie). Cette tendance à la syllogomanie (ou accumulation compulsive) peut conduire à un encombrement majeur de tout l'espace de vie, jusqu'à une impossibilité même de pouvoir y rentrer. « Un de mes patients possède cinq appartements. Comme ils sont remplis jusqu'au plafond, il vit dans la rue », expose Laurence Hugonot-Diener, psychogériatre à l'hôpital Broca et pour le DAC (Dispositif d'Appui à la Coordination) Paris Centre. À la différence d'un collectionneur, la personne Diogène est incapable de trier et jeter. Chaque objet est important et toute tentative d'enlèvement est vécue comme une mutilation. « Il existe également un rapport pathologique au corps et à l'hygiène avec le besoin de superposer des couches de vêtements et un manque de propreté », constate le docteur Monfort. Des troubles du comportement qui ne sont pas systématiques d'un patient à l'autre. D'où l'impossibilité de dresser un portrait-robot ni de connaître leur nombre. « Si l'on se limite aux cas extrêmes signalés aux autorités chaque année, ils seraient environ deux mille », estime le psychiatre.

Des origines souvent traumatiques

Les causes sont multiples, mais, bien souvent, le syndrome prend racine dans un traumatisme précoce. Laurence Hugonot-Diener en témoigne : « Beaucoup de mes patients sont des enfants de la Shoah, ayant été contraints de se cacher pour survivre. D'autres ont connu des abandons, des attentats, des guerres. » Ces blessures laissent des traces profondes qui s'expriment plus tard dans une relation de méfiance aux autres. Parfois, une pathologie psychiatrique (schizophrénie) ou neurologique (maladie d'Alzheimer) est identifiée. La plupart du temps, ces personnes doivent être hospitalisées lorsque des complications liées à leur mode de vie surgissent. Ce peut être à la suite d'une plainte du voisinage pour des odeurs nauséabondes, un effondrement du plancher ou des fuites d'eau, une invasion de punaises de lit, etc. Les Diogènes apparaissent dans le champ des institutions souvent très tard. L'arrivée en établissement médico-social est rarement anticipée, posant de nombreuses difficultés. Pour ces profils, il n'existe pas de protocole spécifique, constate avec regret Laurence Hugonot-Diener « Une fois qu'ils ont donné leur consentement pour l'Ehpad, c'est à eux de se plier aux règles de la collectivité. » La prise en charge est d'autant plus complexe que toute intervention brutale peut être fatale. Forcer une toilette, un nettoyage de la chambre ou jeter des objets sans leur consentement peut déclencher des angoisses profondes, voire mener au suicide. « Si on impose un tri, il risque de se braquer et d'accumuler encore plus », renchérit Jean-Claude Monfort qui partage vingt ans d'observations, de tâtonnements et parfois d'erreurs. « Ces objets remplissent un vide intérieur. Si on leur retire, on risque de les tuer. Alors qu'offrir quelque chose de symbolique, c'est parfois le début d'une alliance thérapeutique. À ce moment-là, on devient un soldat du plein. »

La dédiogénisation, processus au long court

Les directeurs d'établissement sont souvent démunis, et les soignants, livrés à eux-mêmes. L'accompagnement de ces personnes Diogène demande d'être formé. « Lui faire dessiner son arbre généalogique est un moyen d'ouvrir le dialogue, conseille Jean-Claude Monfort. On peut également réaliser sa ligne de vie sous forme de frise relatant les évènements heureux et malheureux. » Dans le cadre de thérapies cognitives et comportementales, Matthieu Piccoli, gériatre et coauteur d'un ouvrage sur le syndrome de Diogène, utilise la réalité virtuelle. Le patient, muni d'un casque, est amené à jeter et trier ses affaires et visualiser le résultat dans son propre espace reconstitué en image de synthèse. Quand il n'y a pas de traitement médicamenteux, les médiations thérapeutiques comme l'art thérapie sont des aides précieuses. Ce que les psychiatres appellent la dédiogénisation est un processus qui demande du temps et de la patience. Dans ce chemin d'accompagnement, certains jouent un rôle clé. Ce sont les porteurs de paniers, ces soignants, proches ou voisins qui, sans juger ni brusquer, maintiennent un lien, apportent un repas, une présence, une parole. À l'image du réalisateur Jean-Luc Cesco qui a filmé sa voisine Muguette, dont l'appartement déborde d'objets ramassés dans la rue. Dans ce documentaire, elle confie son amour indéfectible pour son père, ses souvenirs d'enfance quand elle ne rigole pas d'elle-même en voyant le capharnaüm de son 90m2 dont elle occupe seulement le tiers. L'accumulation compulsive prend sens et la relation à l'autre devient soin.

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