Dans son rapport publié le 3 octobre 2025, la Cour des comptes dresse un constat préoccupant : le système français de reconnaissance des maladies professionnelles est complexe, inégal et saturé. Et c'est dans le secteur du grand âge que ses limites apparaissent avec le plus d'acuité.

Maladies professionnelles : la Cour des comptes alerte, le médico-social en première ligne
Des TMS omniprésents dans le grand âge
En 2023, plus de 85 000 maladies professionnelles ont été reconnues, dont près de 90 % de troubles musculo-squelettiques (TMS). Ces pathologies touchent particulièrement les personnels des Ehpad et des services à domicile, exposés à des gestes répétitifs, à la manutention des résidents et à des rythmes intenses.
Le tableau n° 57 du régime général, qui encadre la reconnaissance de ces affections, est jugé trop rigide. La Cour recommande de le simplifier pour réduire le recours au système complémentaire, désormais saturé avec près de 30 000 dossiers par an.
Une sous-déclaration massive
Le phénomène de sous-déclaration reste considérable : entre 2 et 3,6 milliards d'euros de coûts liés à des maladies professionnelles non reconnues, selon la Cour.
Dans le médico-social, la situation est aggravée par la culture du dévouement et la peur de fragiliser les équipes. Beaucoup de soignants renoncent à faire reconnaître leur pathologie, par méconnaissance ou découragement face à des procédures longues et techniques.
L'invisibilité des troubles psychiques
Les troubles psychosociaux - stress chronique, épuisement professionnel, dépression - représentent une part croissante des dossiers soumis aux comités régionaux (CRRMP). En 2024, plus de la moitié des demandes « hors tableaux » concernaient ces pathologies, mais les taux de reconnaissance varient de 18 à 69 % selon les régions.
Pour les personnels du grand âge, souvent en tension depuis la crise du Covid, cette inégalité territoriale ajoute une forme d'injustice silencieuse.
Une réforme urgente
La Cour préconise plusieurs mesures :
- actualiser le tableau n° 57 sur les TMS ;
- simplifier et dématérialiser les démarches d'ici 2027 ;
- rendre publique la liste des examens médicaux nécessaires à la reconnaissance ;
- et mieux publier les données sectorielles pour orienter la prévention.
Valoriser les métiers du soin
Pour le secteur du grand âge, cette réforme serait aussi un levier de reconnaissance et de fidélisation des professionnels.
Car derrière les chiffres, c'est tout un modèle de travail qui vacille : usure physique, charge émotionnelle, sous-effectifs, départs anticipés.
En rappelant que la prévention et la réparation doivent aller de pair, la Cour des comptes souligne une évidence : protéger la santé des soignants, c'est garantir celle des aînés.