En Bretagne, les « Jardins d'Élise » réinventent la colocation senior : cinq résidentes pilotent leur quotidien dans un habitat partagé qui bouscule les frontières entre domicile et établissement. Un modèle hybride qui mise sur l'autonomie collective et le sur-mesure.
Habitat partagé : cinq « drôles de dames » dans un petit collectif breton
Créer une structure d'accueil de petite taille, centrée sur le rythme du résident et économiquement accessible : c'est le pari d'Aude Boyenval.
Cette auxiliaire de vie sociale, qui a longtemps travaillé en Ehpad, a donné naissance, en 2022, aux « Jardins d'Élise », à Ploufragan, dans les Côtes d'Armor. Aude Boyenval a eu l'idée de faire construire une maison adaptée de plain-pied de 140 m². Elle n'accueille pour l'instant que des femmes, au nombre de quatre, du GIR 2 au GIR 5. Ces résidentes disposent chacune d'un appartement privé de 25 m². Salon, salle à manger, cuisine sont communs.
Un règlement intérieur garantit l'intimité de chacune. Une maison adjacente permet un accueil temporaire, actuellement occupée par une personne, avec l'appui d'un cabinet infirmier extérieur. Ces résidentes, qu'Aude Boyenval surnomme les « drôles de dames », ont rejoint la structure, souvent pour se rapprocher de leur famille, après avoir quitté un Ehpad ou un domicile devenu inadapté. « Ici, nous prenons le temps et nous nous adaptons à la personne. Si elle n'a pas envie de prendre immédiatement la douche, elle la prendra plus tard. On n'impose rien. C'est comme à la maison », assure Aude Boyenval.
Les résidentes sont appelées à participer activement à la vie de la maison, pour la confection des repas par exemple ou décider ensemble du planning des activités et des animations.
Entraide entre colocataires
Au côté des « drôles de dames », une équipe de trois professionnelles : la fondatrice des Jardins d'Élise, une aide à domicile et une assistante de vie aux familles.
Cette équipe gère tout de A à Z : courses, ménage, aide à la toilette, préparation des repas, accompagnement chez le médecin, au restaurant, au cinéma...
Comme à domicile, elles interviennent seules, chacune sur sa plage horaire et par roulement : de 8 heures à 10h30 pour l'aide au lever et le petit-déjeuner, de midi à 13h30 pour le déjeuner et de 16 heures jusqu'à l'heure du coucher. Il n'y a donc pas de présence nocturne, même si l'équipe peut être amenée à intervenir.
Un service de téléassistance est aussi proposé. « En Ehpad, la nuit, il n'y a que deux professionnels pour 120 résidents, ce n'est pas plus sécurisé », justifie Aude Boyenval.
Par ailleurs, cette vie en petit collectif peut donner lieu à des épisodes d'entraide, comme une nuit, quand l'une des résidentes a fait un malaise cardiaque. L'appel au secours des colocataires a permis un sauvetage très rapide. Côté tarifs, Aude Boyenval a réussi à les contenir à un niveau de 1 600 euros par mois, avant déductions fiscales. « Les résidentes peuvent cumuler les APL et l'APA au titre de leur GIR et payer les auxiliaires de vie en chèque emploi service universel », explique-t-elle.
Après le lancement de cette première colocation, la créatrice des Jardins d'Élise envisage d'utiliser le terrain de 800 m² adjacent pour créer d'autres colocations pour seniors. « C'est une solution intéressante pour les communes rurales qui souhaitent garder leurs aînés sur leur territoire », plaide cette professionnelle du médico-social. Une approche saluée en 2022 par le concours Irréductibles Talents du Conseil départemental des Côtes d'Armor.
