Dans le n° 46-juin 2014  -  Pour une entrée réussie  4034

Accepter la vie en institution

Il faut du temps pour qu'une personne âgée puisse accepter la vie en institution.

Chacun vivant différemment cette entrée, il est bien difficile, à l'avance, de savoir comment la personne va réagir sur le long terme. Certaines semblent bien s'adapter dès le début, vivre cette entrée comme un passage vers une nouvelle vie, alors que d'autres sont littéralement effondrées et pensent que leur vie s'est arrêtée sur le palier de l'institution. Or, à 6 mois les choses sont souvent fort différentes. Les personnes que l'on pensait voir s'intégrer rapidement ne le sont pas forcément, et les personnes qui pouvaient être effondrées en arrivant ne le sont plus. D'autres ont glissé rapidement vers la dépression ou la désorientation, d'autres enfin sont décédés très rapidement.

S'intégrer dans la vie de l'Ehpad

Si on s'est rendu compte qu'un accueil en institution préparé et accompagné était un véritable facteur de prévention de certaines pathologies ou troubles psychologiques on sait aussi que cette attention particulière à la personne ne peut se réduire aux simples premières semaines de son séjour en institution : il faut bien plusieurs mois pour s'adapter à cette nouvelle vie située parfois aux antipodes de l'univers dans lequel elle évoluait jusque-là.

Il faudra du temps, de l'énergie et parfois beaucoup d'angoisse, pour s'intégrer et tenter d'accepter ce qui avait souvent paru jusque-là comme inacceptable. Entre 3 et 6 mois seront au minimum nécessaire pour vivre le temps de l'aménagement, pour se recréer des habitudes, découvrir de nouvelles activités, de nouvelles relations, connaître les équipes, les roulements, les rituels institutionnels.

Tumultes intérieurs

Il nous arrive souvent de penser, que pour les personnes qui choisissent et planifient elle-même leur entrée en institution, l'intégration sera plus facile et moins violente. Nous risquons d'oublier que la personne peut être elle aussi confrontée à des tumultes intérieurs parfois aussi violents que si elle avait subi la situation : le choix d'entrée en institution, malgré les apparences, pouvant être effectué par défaut, par peur d'y être contraint par les enfants ou son état de santé, par devoir ou par désir de contrôler un avenir en fait redouté. De ce fait, nous pouvons passer à côté des personnes sensées avoir choisi de vivre en institution : d'autant plus que leurs atermoiements peuvent paraître difficilement partageables avec un entourage qui a perçu ce choix comme un signe de force, de détermination ou de courage.

S'il est vrai que le non-consentement de la personne peut représenter un obstacle indéniable à un accueil de qualité, l'acceptation préalable de la personne, ne représente pas pour autant un gage d'intégration. Au-delà des habitudes de vie qu'il faut réinventer, cette période représente aussi et surtout un temps de réaménagement intérieur, un temps de confrontation à soi, un temps d'intégration de ses propres limites d'une violence insoupçonnée, que la dimension matérielle de l'aménagement et les inquiétudes de l'entourage vont souvent occulter.

Abandon contraint du domicile

Au travers de l'entrée en institution, ce n'est pas seulement du deuil du domicile dont il est question, mais aussi d'une véritable expérience existentielle, d'une prise de conscience parfois brutale de la finitude, d'une confrontation à sa solitude intérieure qui prend sens en fonction des évènements qui ont engendré ou accéléré l'abandon plus ou moins contraints du domicile. L'entrée en institution, qu'on la subisse ou non, est non seulement une expérience de dépossession matérielle, mais aussi une expérience de dépouillement en terme d'apparence et d'image de soi.

Les 6 premiers mois représentent donc une période clé dans lequel se joue l'avenir du séjour dans l'institution et c'est sans doute pour cela qu'aujourd'hui il est devenu indispensable d'élaborer des projets d'accueil, des protocoles d'accueil pour les résidents et des projets individualisés qui aideront à l'intégration de la personne dans l'institution. Bien sûr, ce ne sont pas seulement de protocoles ou de projets bien ficelés dont la personne à besoin, mais aussi d'attention, d'oreilles et de regards indispensables pour faire face à une multitude de deuils dont nous n'avons pas forcément conscience : le changement de lit, les horaires et exigences institutionnelles, la vie collective, la confrontation à l'autre, miroir d'un devenir non souhaité, les remarques inévitables, les déceptions quant à des attentes plus ou moins exprimées, mais aussi le deuil d'une vie passée indispensable pour envisager la vie en institution comme une nouvelle période de sa vie, .

Chemin de paix avec soi-même

Il est donc indispensable, quand une personne entre en institution, de mettre en place des démarches de soins relationnels coordonnées et réfléchies. En étant attentif, tout en étant discret, à la personne qui débute son séjour, l'institution peut représenter une véritable chance pour la personne, en lui offrant un espace d'accompagnement dans un chemin unique à chacun mais qu'il est indispensable de ne pas faire seul. Un espace qui peut aider la personne à affronter les affres du dépouillement qui se seraient de toute façon manifestés à domicile. Une opportunité pour trouver une présence inattendue qui permette de l'aider à se redécouvrir dans sa vieillesse, à mieux s'accueillir comme telle; un espace d'accompagnement dans un chemin de paix possible avec soi-même; une possibilité inattendue de renouer les liens avec les proches que la dépendance a distendus; en fin de compte, une opportunité pour trouver en soi la dignité que l'être humain a trop tendance à chercher en dehors de lui.

L'enjeu de nos institutions est donc bien celui de continuer la vie. Non pas de maintenir artificiellement une vie " comme avant " mais de permettre à la personne de trouver un espace qui permette de continuer à inventer sa vie, c'est en ce sens que les premiers mois ne doivent pas être ratés.

Yves Clerq, Psychologue.

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