L'Agence des médecines complémentaires adaptées (AMCA) organise le premier Congrès national de santé intégrative fin juin à Paris. L'occasion notamment d'aborder l'évaluation des pratiques. Le point avec le Pr Antoine Bioy, responsable scientifique de l'AMCA.

« Il faut se libérer des contraintes d'un jugement exclusivement scientifique »
Quels sont les enjeux d'une table-ronde sur l'évaluation des pratiques complémentaires ?
Lorsqu'on aborde la question des pratiques complémentaires en santé, on touche non seulement au capital humain, mais également à la valorisation de l'expérience vécue, c'est-à-dire tout ce qui permet à un individu de se développer et de progresser. La santé affecte de multiples dimensions de l'identité personnelle. Bien que l'évaluation des pratiques complémentaires soit essentielle, elle ne doit pas se limiter à la recherche d'effets indésirables, comme c'est le cas pour les médicaments. Toutefois, il est nécessaire de vérifier que ces pratiques atteignent les objectifs qu'elles revendiquent, pour comprendre leur mécanisme d'action, et orienter de manière adéquate les personnes qui souhaitent y recourir, en fonction de leurs besoins et attentes. Ces discussions revêtent une importance particulière pour les professionnels de la gériatrie, car la population senior a souvent été négligée dans ce domaine. Les pratiques complémentaires peuvent offrir des bénéfices spécifiques pour cette tranche d'âge, en raison de leur caractère « maturant », contribuant ainsi à prévenir ou à réduire le recours aux traitements médicamenteux.
Quel est votre regard sur les pratiques en Ehpad, non validées scientifiquement telles que l'art-thérapie par exemple ?
La science ne se résume pas aux tests utilisés pour prouver l'efficacité des médicaments. Elle repose avant tout sur une démarche rigoureuse, visant à répondre à une question précise. Dans certains cas, comme avec l'art-thérapie, la finalité de la démarche est de comprendre des processus, notamment en lien avec l'expression émotionnelle. La littérature scientifique témoigne de l'intérêt croissant pour cette pratique, dont son impact sur le vécu émotionnel. À mon sens, elle est déjà validée d'un point de vue scientifique. Cependant, il est important de dépasser une vision trop restrictive de la science. Lorsqu'une pratique ne génère ni effets secondaires ni risques, et qu'elle contribue au bien-être des individus, il faut se libérer des contraintes d'un jugement exclusivement scientifique. Au contraire, il faut encourager ces pratiques dès lors qu'elles permettent à une personne de ressentir de la joie et d'améliorer sa qualité de vie.
L'absence d'évaluation des pratiques n'empêche pas leur déploiement en Ehpad, ce qui nécessite, pour les acteurs, d'être au fait de la formation des praticiens. Comment s'y retrouver ?
Les animateurs d'ateliers de pratiques complémentaires doivent impérativement être formés, car leur rôle va bien au-delà de l'animation d'une activité thérapeutique. Ils doivent comprendre les spécificités des populations qu'ils accompagnent, en tenant compte de leurs dimensions cognitive, physiologique et émotionnelle. Au sein du Collège universitaire de médecines intégratives et complémentaires (CUMIC), un travail de réflexion est en cours pour établir des normes claires. Il est crucial de distinguer les professionnels médicaux et paramédicaux, qui allient pratique clinique et thérapie, des thérapeutes qui se consacrent exclusivement à l'animation. Il est essentiel, dans ce domaine, de se renseigner minutieusement sur la formation des intervenants, leur expérience, ainsi que sur la reconnaissance de la pratique qu'ils proposent. La littérature scientifique disponible sur le sujet constitue également un indicateur clé. Pour des informations plus précises, l'AMCA (Agence des médecines complémentaires adaptées) réunit de nombreux experts qui peuvent apporter des éclairages sur ces questions.
Lien vers le congrès : https://www.cn-si.com/