C'est la question que nous avons posée à Michel Billé, sociologue, auteur de "La société malade d'Alzheimer" (Erès, 2019) et co-auteur du "Dictionnaire impertinent de la vieillesse" (Erès, 2018).
Soignant, manager, gestionnaire, commercial, tout à la fois... qui est le directeur d'Ehpad ?
Les directeurs d'Ehpad se trouvent actuellement dans une situation paradoxale où nous, société française contemporaine, leur demandons tout et le contraire de tout. S'ils se comportent comme des gestionnaires, on leur reprochera un manque d'empathie. S'ils passent beaucoup de temps avec les résidents, on mettra en doute leur rigueur budgétaire. S'ils se positionnent dans un rôle de soignant, on regrettera qu'ils ne soient pas plus attentifs aux équipes, etc. Nous exigeons d'eux un rôle à facettes multiples et nous les attendons trop souvent sur un registre où ils ont cru utile de ne pas se situer. Malheureusement, la crise sanitaire n'a fait qu'amplifier le phénomène. Ne confondons pas responsabilité et culpabilité. S'ils sont par exemple responsables du confinement, ils ne sont pas coupables de ses effets délétères.
Des débats, pas des procès
Nous devons donc changer de regard sur l'Ehpad et sur ceux qui le dirigent. Dans leur très grande majorité, les Directeurs prennent la responsabilité d'un établissement avec la volonté d'apporter du mieux-être aux résidents et aux professionnels. Nous, citoyens imposables, devons considérer l'argent que la puissance publique consacre à l'accompagnement des plus âgés non comme une charge mais comme un investissement, porteur d'emplois directs et indirects, de relations sociales et d'échanges économiques. L'argent des vieux, c'est aussi l'emploi des jeunes ! Ce n'est qu'à cette condition que nous poserons sur le Directeur d'Ehpad un regard qui porte davantage de bienveillance que d'exigences. Nous devons comprendre qu'il doit avoir des moyens financiers pour accompagner, soigner, aider et soutenir les personnes accueillies et leurs familles. Ouvrons des débats, pas des procès.
Impulser un changement de culture
J'assignerai enfin au Directeur d'Ehpad un rôle d'impulsion pour faire évoluer les cultures professionnelles car penser l'accompagnement non pas pour, mais avec la personne concernée, n'est pas l'idée la plus spontanément partagée. Il doit donc davantage oeuvrer pour que la logique du collectif soit mise au service de chaque résident.