Delphine Dupré-Lévêque
01/07/2025  - Théâtre - Alzheimer  18107

Plus fort que l'oubli, une comédie pour comprendre la vie avec Alzheimer

Colette Roumanoff a accompagné son mari Daniel atteint de la maladie d'Alzheimer. Elle nous livre conseils pratiques et témoignages, et nous donne RDV au théâtre pour découvrir sa nouvelle pièce "Plus fort que l'oubli".


Le jour où je me suis aperçue que mon mari, Daniel, perdu dans ses papiers de banque, n'arrivait pas à faire une soustraction, je me suis dit que le neurone qui servait à faire ce calcul était grillé. Ma première réaction a été de le rassurer : « oui, il y a assez d'argent sur le compte ».

J'ai senti qu'il paniquait et ne comprenait plus les chiffres étalés devant lui. Je l'ai invité à prendre le thé et j'ai pris rendez-vous avec un neurologue. Alors c'est moi qui ai commencé à avoir peur, je ne savais pas comment agir ni réagir. C'est petit à petit et au bout de plus d'un an que j'ai fait des découvertes fondamentales sur la bonne manière de gérer cette maladie.

Le malade confond des choses qui se ressemblent

On peut dire bien sûr que c'est un problème de mémoire, ou que c'est une perte de repères. Une porte ressemble à une autre porte. Alors le malade confond la porte des toilettes et la porte d'entrée, c'est juste naturel pour lui. Il faut pouvoir anticiper ce genre de situation : une réponse pratique et efficace consiste à mettre un code à la porte d'entrée. La plupart du temps le ou la malade cherche les toilettes ou quelque chose à manger. Il ne fait pas une « fugue ».

Crier sur le malade ou lui faire des reproches est terriblement contre-productif.

Tout se passe comme si le cerveau, pour protéger les neurones qui lui restent, réagissait par une réaction de défense : « Qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas ! » On pourrait dire aussi que c'est une manière de préserver l'affection qu'il porte à son proche, il ne conçoit pas qu'il puisse manifester une telle hostilité à son encontre, donc c'est quelqu'un d'autre.

Depuis que Daniel a oublié une fois mon prénom, je ne suis jamais plus énervée contre lui, je sentais à chaque fois que la conséquence serait trop dure à supporter, et que je n'avais pas les moyens de m'offrir le luxe de crier sur lui.


Témoigner pour partager

Quand, en mai 2009, le docteur Drunat, qui suivait Daniel à l'hôpital Bretonneau, nous a demandé de faire un témoignage devant des étudiants et des soignants, Daniel a intitulé cette prise de parole « Peut-on vivre heureux avec Alzheimer ? ». C'était bien la première fois que quelqu'un osait mettre en lien ces deux mots. A la suite de ce premier témoignage, nous avons a été sollicités pour en faire d'autres. Daniel a souhaité que je continue seule, il restait dans la salle, puis il a préféré ne pas venir. Mon désir était de partager ce que j'avais découvert pour que les aidants, les soignants et les malades également puissent être soulagés dans cette aventure très particulière où nous emmène la maladie d'Alzheimer.

Il m'est arrivé alors de me sentir souvent bien seule à défendre mon point de vue. J'ai été critiquée vivement par des bénévoles d'association, par des médecins : « Madame je suis directeur d'Ehpad, je suis médecin, je peux vous affirmer qu'un jour votre mari ne vous reconnaîtra pas, vous serez pour lui une parfaite étrangère ! ».

Je ne savais pas quoi répondre, je ne pouvais pas savoir ce qui allait se passer par la suite, je sais aujourd'hui que ce pronostic était faux. Daniel m'a reconnue jusqu'à la fin et il n'a jamais oublié mon prénom. J'ai beaucoup réfléchi à cette question et j'ai remarqué une chose étonnante : c'est l'entourage qui commence à ne pas reconnaître le malade et non pas l'inverse. Tant qu'on le reconnaît et qu'on accepte les changements qu'il traverse, le malade nous reconnaît, c'est tout simple.

Je n'ai jamais refusé de faire une conférence et d'expliquer ce que j'avais compris sur la gestion de cette maladie que j'ai redéfinie comme « une maladie de la gestion de l'information ». Je voyais bien que mes explications étaient insuffisantes et j'ai commencé en 2010 à proposer des ateliers-théâtre, pour pouvoir aller dans les détails d'une relation à réparer ou à recréer avec les personnes ayant des difficultés cognitives.


Témoigner au théâtre

Je dirige une compagnie de théâtre parisienne depuis 1993, et avec ma fille Valérie, qui a joué tous les grands rôles du répertoire, nous nous sommes dit que si on pouvait écrire une pièce qui montre les situations à éviter et celles qu'il faut privilégier, le public pourrait comprendre ce que ressent le malade et ainsi trouver la bonne manière d'entrer en relation avec lui. Et c'est ainsi qu'en 2014 nous avons écrit La Confusionite et nous l'avons jouée pour la première fois le 19 septembre 2014 à l'hôpital Bretonneau, en présence du docteur Drunat. Parallèlement je suis mise à écrire des livres et à tenir le blog bienvivreavecalzheimer.com.

Aujourd'hui, il y a un véritable changement de société par rapport à cette maladie qui n'apparaît plus systématiquement comme le cauchemar suprême. Il est facile de comprendre pourquoi cette maladie fait tellement peur aux gens parce qu'elle nous oblige à nous positionner à l'inverse de toutes les valeurs sociales qui sont le plus appréciées : la compétition, la rapidité, le culte de la performance et des records battus. Il vaut mieux commencer par renoncer à toutes ces valeurs dès que l'on est en rapport avec quelqu'un qui a des difficultés cognitives.

Aujourd'hui quand je fais des conférences, plus personne ne conteste mon approche, au contraire, on me fait un reproche inverse : « Comment ça se fait que ce que vous dites n'est pas plus connu ? Comment ça se fait que je ne vous connaissais pas, que je ne savais pas tout ça, cela m'aurait tellement aidé ! »

Aujourd'hui, je sens qu'il y a un mouvement de fond, des initiatives de toutes sortes, des recherches de solutions, une approche différente des personnes fragiles. C'est pourquoi, je me lance dans cette aventure un peu folle, celle de jouer 60 fois à Paris La Confusionite rebaptisée Plus fort que l'oubli pour pouvoir inscrire cette pièce aux Molières, et donner une chance à cette nouvelle approche de toucher un nouveau public

Plus fort que l'oubli vient du titre de mon de mon best-seller : « Le bonheur plus fort que l'oubli » publié d'abord chez Michel Lafon en 2015 et en poche à Point Seuil, qui sert de « bible » à de nombreux aidants et soignants.

On trouve dans la pièce des scènes racontées dans le livre, par exemple celle d'une pierre posée sur un muret en pierres sèches dans un jardin provençal. Le malade est profondément perturbé par ce minuscule changement de décor, qu'il est le seul à percevoir. Il faut écouter ce qu'il dit. Cette pierre le dérange et fait fuir sa bonne humeur. Tout se passe comme s'il avait en mémoire une photo du jardin tel qu'il était la veille. Cette petite pierre brise la photo qu'il a mémorisée et il se sent complétement perdu dans un environnement qu'il ne reconnait plus. La solution, changer la pierre en lui demandant son avis, lui permet de modifier la photo mémorisée et de rétablir le calme de la relation. Résumer la maladie à une perte de mémoire fait passer à côté de beaucoup de phénomènes qui restent inexpliqués et incompréhensibles.

La pièce fourmille de situations vécues insérées dans une intrigue, qui ressemble à celles de la majorité des pièces de Molière. Au début, des amoureux fort sympathiques se trouvent dans une situation désespérée, à la fin, contre toute attente, ils ont l'amour et l'argent. Dans l'intervalle le public aura fait la connaissance de personnages très étonnants et très vivants montrés sous toutes leurs facettes.

Le scénario de la pièce

C'est la veille du mariage de Chloé et Jérôme que les parents de Jérôme débarquent d'Australie pour rencontrer la future belle famille. Marco, le père de Chloé semble vivre sa maladie d'Alzheimer avec le sourire. Odette, sa femme, met tout en oeuvre pour préserver son mari de toute situation porteuse de stress. C'est sans compter sur la belle-mère de Chloé, une femme exubérante qui, à peine arrivée, annonce à son fils qu'il doit renoncer à son mariage sous peine de perdre un million d'euros. Chloé stresse, Jérôme doute, Marco ne reconnait plus personne. Perdue entre affolements, quiproquos, et retournements inattendus, Chloé arrivera-t-elle à célébrer son mariage ?


Ce spectacle est une comédie qui peut être vue par des familles au grand complet, accessible aux enfants à partir de 8 ans. Il s'adresse également aux soignants, proches-aidants, et à toute personne concernée par les relations bousculées que cette maladie - ou une autre - peut amener. Au dire des spectateurs, c'est une leçon de vie.

Apollo Théâtre - salle 360 (18 rue Faubourg du Temple 75011 Paris)

Les séances commencent toujours à 15h30 :

Septembre : Samedi 20 et dimanche 21 Samedi 27 et dimanche 28

Octobre : Samedi 4 et dimanche 5 Samedi 11 et dimanche 12 Dimanche 19. Samedi 25 et dimanche 26

Novembre : Samedi 1er et dimanche 2 Samedi 8 et dimanche 9 Mardi 11 Samedi 15 et dimanche 16 Samedi 22 et dimanche 23

Deux autres tranches prévisionnelles de 20 dates sont prévues jusqu'en mars 2026 et seront affermies en octobre.

Tarif premium 35 € | Placement libre 25 € | Moins de 26 ans hors Premium 15 €

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