Alors que les avancées scientifiques dessinent un avenir plus clair dans la lutte contre Alzheimer, aux Pays-Bas, une initiative, Dementalent, bouscule les représentations et invite à penser la maladie autrement.

Alzheimer autrement : l'expérience Dementalent aux Pays-Bas
Dementalent, programme né il y a plus de dix ans, replace les personnes vivant avec une démence au coeur de la société, en révélant leurs talents et leur désir d'utilité. Un modèle à découvrir, au croisement de la santé, du social et du vivre-ensemble.
Réinvention plutôt que redéfinition
Face à une pathologie neurodégénérative qui touche plus de 1,3 million de personnes en France - dont une majorité de femmes - et dont les effets s'étendent à plus de 3 millions de proches, les réponses se doivent d'être plurielles. Si la recherche progresse, grâce notamment à l'appui de la Fondation Recherche Alzheimer et ses appels à projets internationaux, le quotidien des personnes concernées appelle à un renouvellement des approches.
À ce titre, l'initiative néerlandaise Dementalent, portée par la Fondation dirigée par Dini Vantuile, apporte une bouffée d'air et un changement de paradigme. Plutôt que de se centrer exclusivement sur la perte, elle mise sur la reconnaissance des capacités restantes et sur l'inclusion active des personnes atteintes dans la société. Le message est clair : on ne devient pas "inutile" parce qu'on est diagnostiqué.
Redonner un rôle social à ceux qu'on croit fragiles
Aux Pays-Bas, environ 300 000 personnes vivent avec une démence. Parmi elles, 15 000 ont moins de 65 ans, explique Dini Vantuile lors de l'Agora du Grand âge organisée par la Fnaqpa et l'Ad-PA en juin 2025. Dans un contexte de tension sur le marché du travail, Dementalent propose un double levier : combattre l'exclusion sociale et révéler des talents souvent invisibles. « Le programme offre aux personnes diagnostiquées la possibilité de continuer à contribuer activement à la société - à travers du bénévolat et des projets collectifs ».
Ce modèle repose sur plusieurs piliers :
- Le placement bénévole personnalisé, adapté aux envies et aux compétences.
- L'engagement communautaire, par la création de communautés amies des personnes vivant avec une démence.
- La formation et le soutien, pour les proches, les structures d'accueil et les partenaires associatifs ou municipaux.
- L'ancrage territorial, avec le soutien actif des municipalités et d'un large réseau d'organisations partenaires (associations, établissements de santé, entreprises...).
Changer de regard, pour transformer la société
Derrière Dementalent, il y a une conviction : la personne ne se résume pas à sa pathologie. Même avec des troubles cognitifs, elle peut encore agir, transmettre, participer. Une ambition nourrie par une réalité : la peur du diagnostic reste très forte. Beaucoup refusent de consulter, faute de perspectives. Proposer une vision de l'après diagnostic qui donne sens, voilà le moteur du programme. Et les premiers retours sont très encourageants : regain d'estime de soi, retissage des liens sociaux, stimulation cognitive, apaisement des proches aidants...
L'objectif affiché est ambitieux : permettre à 50 000 personnes vivant avec une démence de bénéficier du programme. Pour cela, Dementalent s'appuie sur une large alliance d'acteurs publics et privés, dans une logique de co-construction.
Et si la France s'en inspirait ?
En miroir, la France avance sur plusieurs fronts. Les progrès scientifiques récents - notamment dans le domaine des biomarqueurs sanguins et de l'immunothérapie (Lecanemab) - laissent entrevoir une prise en charge plus précoce et ciblée de la maladie. Mais le quotidien, lui, reste lourd à porter. D'où l'urgence d'innover aussi en matière d'inclusion sociale.
Au-delà des traitements, l'avenir de la lutte contre Alzheimer passera par une société capable de faire une place à chacun. Dementalent en est l'illustration concrète. Une invitation à sortir du prisme déficitaire, pour redécouvrir la personne derrière le patient.
En résumé : ce que nous enseigne l'expérience néerlandaise
- La valeur sociale des personnes vivant avec une démence est un levier puissant d'inclusion et de mieux-vivre.
- Des programmes adaptés permettent de réactiver les compétences, de renforcer le lien social et de faire évoluer les représentations.
- La réussite repose sur une mobilisation collective : institutions, associations, collectivités locales et citoyens.
- Penser Alzheimer autrement, c'est aussi faire société autrement.
À retenir
Dementalent, c'est la force d'une société qui choisit de miser sur les capacités restantes des personnes malades, plutôt que sur leurs incapacités. Une philosophie à méditer, et certainement à essaimer.