06/01/2020  -  « Que retenir de l'année 2019 ? Qu'attendre de l'année 2020 ? »  10816

Mélissa Petit : "Comment ne pas évoquer l'aspiration à une réforme d'envergure ?"

Docteure en sociologie spécialisée sur le sujet du vieillissement, Mélissa Petit dirige Mixing Générations, un bureau d'études sur la longévité. Elle est également membre de la Commission pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance.

Quels ont été, selon vous, les événements marquants de l'année 2019 ?

L'année écoulée a été marquée par la multiplication des rapports publics : Casagrande-Piveteau pour « une action globale d'appui à la bientraitance dans l'aide à l'autonomie » ; Libault sur « la concertation Grand âge et autonomie », El Khomri pour un « plan de mobilisation nationale en faveur de l'attractivité des métiers du grand-âge » et Dufeu-Schubert pour « réussir la transition démographique et lutter contre l'âgisme ». Nous pouvons supposer que cette démarche témoigne de l'intérêt du gouvernement. Elle est aussi importante en ce qu'elle met en lumière un véritable besoin de coordination entre professionnels, l'importance de respecter le choix de la personne en perte d'autonomie et de considérer l'ensemble de l'écosystème. Cela étant précisé, ces rapports ne sont connus que d'un petit milieu alors que leurs préconisations devraient toucher la société dans son ensemble. Pourquoi par exemple Audrey Dufeu-Schubert n'a-t-elle pas interrogé des étudiants infirmiers, aides-soignants ou aides à domicile pour questionner au cours de leur formation leur perception des personnes vulnérables ? Il est urgent de toucher de plus en plus d'acteurs. J'aimerais également que nous retenions cette statistique révélée par le rapport des Petits frères des pauvres en septembre 2019 : 4,6 millions de Français de 60 ans et plus ressentent de la solitude. C'est un sujet à ne pas oublier.

Vous souhaitez également aborder quelques événements culturels de l'année 2019. Pour quelles raisons ?

Notre prise de conscience du grand âge est liée à notre expérience, laquelle peut être personnelle mais aussi culturelle. Les films et les livres ont aussi le pouvoir de faire « bouger les lignes ». Je pense par exemple aux gratitudes de Delphine de Vigan (Ed. JC Lattès) qui est certes un livre assez triste sur la perte mais qui nous dit qu'il faut accepter nos vulnérabilités. La vie, c'est un peu comme une reconfiguration perpétuelle, où l'on perd ou l'on arrête certaines actions pour ouvrir continuellement de nouvelles portes. J'ai aussi été marquée par le rôle de Maggie Smith dans Downton Abbey. A la fin du film, elle est malade, elle sait qu'elle va mourir et elle transmet le flambeau à sa petite-fille. Elle sait « lâcher » et accepter de prendre la responsabilité de donner. L'oeuvre traite particulièrement bien la dignité au cours du vieillissement et le fait que dans la vie, nous occupons différentes places. Nous retrouvons aussi ce partage dans « Les chroniques de San Francisco » d'Armistead Maupin. Anna Madrigal, qui à 90 ans, demeure en lien avec toutes les générations et elle est, elle aussi, dans une logique de transmission tout en vivant la vie qu'elle souhaite. J'aimerais terminer en citant la couverture du magazine Vogue UK, de mai 2019 : nous pouvions y voir Jane Fonda, qui a aujourd'hui plus de 80 ans avec ce titre « The non issue » ; l'âge n'est pas un problème. Nous devons donc sortir de nos auto-discriminations et surtout de nos microcosmes et valoriser l'ensemble de nos diversités. Ne nous focalisons pas uniquement sur l'âge, mais évoquons également nos origines culturelles, confessionnelles et sociales, et aussi nos vulnérabilités ...

Que souhaitez-vous en 2020 pour les personnes âgées ?

Comment ne pas évoquer l'aspiration à une réforme d'envergure ? Nous avons besoin d'une loi pour répondre aux besoins de chacun mais aussi, plus largement, d'une réflexion sociétale. Je viens d'évoquer l'isolement des personnes âgées. Lorsque je vois des start-up marchandiser l'aide à la promenade des seniors, je ne suis pas certaine que ce soit la bonne réponse. Notre préoccupation ne devrait-elle pas être de recréer du lien dans nos quartiers et dans la société de manière plus large. Comment faire en sorte par exemple que les activités développées en établissement (ehpad, résidence autonomie, résidence service senior, etc.) soient ouvertes à tous ? Comment multiplier des actions en lien avec nos affinités dans nos quartiers pour partager du temps avec des gens qui nous ressemblent, même dans le grand âge ? En 2020, sortons de la position de consommateur au profit de celle de citoyen. La question des aidants n'est pas non plus réglée car ceux qui occuperont cette position demain se trouvent aujourd'hui dans des situations d'emploi complexes et souvent plus éloignés géographiquement de leurs parents. Et je constate que nous oublions là aussi souvent les personnes d'origine culturelle différente. Un autre sujet majeur est celui de l'attractivité des métiers du grand âge qui questionne aussi l'orientation scolaire et professionnelle des lycéens et des jeunes adultes. Il faut rencontrer ces populations pour comprendre ce qui les bloque, les intéresse, les inspire. Nous pourrions aussi développer une autre vision de l'éducation civique qui soit plus pratique que théorique, et qui proposerait de passer du temps auprès de personnes âgées ou handicapées. Nous savons en outre que mener ce type d'actions auprès des enfants touche aussi leurs parents. J'aimerais enfin évoquer l'invisibilité des femmes dans le grand âge. Plus touchées que les hommes par l'isolement, elles sont aussi en situation plus précaire : n'oublions pas les 42% d'écarts de retraite. N'oublions pas non plus qu'elles sont aussi plus nombreuses à percevoir le minimum vieillesse. Les femmes sont également plus souvent touchées par la maltraitance dont il faut rappeler qu'elle se manifeste plus souvent à domicile qu'en établissement. Et je terminerai par une question : pourquoi les statistiques sur les violences faites aux femmes n'existent-elles plus après l'âge de 75 ans ?

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