16/11/2020  -  Suite de l'article publié dans Géroscopie n°122  11384

Journal d'une anthropologue en Ehpad...

Penser les enjeux éthiques du vieillissement et leur prise en charge pour impulser une démarche commune passe par l'observation des pratiques sur le terrain. Un travail d'anthropologie, mené par Delphine Dupré-Lévêque et partagé lors du Congrès de la Fnadepa, le mardi 6 octobre.

Pour demain, on peut tout imaginer ... Le rêve et les croyances sont le propre de l'homme. Il y aura bien un après mais aujourd'hui c'est l'avec. C'est maintenant qu'il faut continuer de soutenir les résidents, ces vieilles personnes vulnérables, malgré le manque de moyens. Comment faire ? Demander aux personnels de se sur-investir encore ? Impossible et nous le savons tous. Alors peut-être faut-il accompagner différemment.

De quels éléments disposez-vous ? Qui peut vous aider aujourd'hui ?

Des professionnels, quelques bénévoles, des familles et des résidents constituent votre équipe. Chacun d'entre eux peut être force de proposition, source de solutions. Les résidents font totalement partie de l'équipe. Vulnérables ne veut pas dire incapables. Je sais bien que loin de vous cette idée mais malgré tout, malgré nous, nous n'encourageons pas toujours ces capacités restantes. L'établissement est un lieu où l'on prend soin des résidents et de leur santé. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils viennent. Dès l'accueil, les familles doivent se sentir rassurées. Il y a un médecin coordinateur, des infirmières, des aides-soignantes pour veiller à la bonne santé du résident et c'est vrai. Ce sont les problèmes de santé et de perte d'autonomie qui conduisent 86% des résidents à entrer en Ehpad. Votre rôle est d'accompagner les résidents dans leur vie quotidienne et de rassurer les familles quant aux prises en charge.

Mais ne pourrait-on pas voir les choses un peu différemment ? Je voudrais vous livrer des résultats d'études socio-anthropologiques et d'expérimentations mises en place qui semblent effectivement apporter des éléments de réponses.

Au moment de l'accueil, dans une grande majorité des situations, une infirmière et a minima une aide-soignante le plus souvent en blouse, sont présentes. Elles récupèrent les médicaments « Ici au moins pas de risque de les oublier ». Clairement, vous accueillez un malade et non un résident et sa famille. « Vous êtes ici chez vous, mais ici on s'occupe de tout. De votre petit-déjeuner, de votre repas, de votre ménage... » alors que certaines de ces personnes réalisaient encore tous ces actes la veille au soir...

Vous imaginez le changement ?

Savez-vous que sur 24h, le temps de paroles d'un professionnel avec un résident est estimé à 10% (cf étude Pr Stéphane ADAM) ? et sur ces 10%, 90% des paroles sont liées aux gestes techniques. « Levez le bras, baissez le bras... »

Et pourquoi parler plus fort dès qu'on s'adresse aux personnes âgées. En réalité, tout cela conduit à une perte de la confiance en soi.

Alors regardez comment ils peuvent s'investir dans la vie de l'établissement (balai, couvert, épluchage, pliage des serviettes, distribution du courrier, jardinage etc.). Certains Ehpad nomment ces activités « ateliers thérapeutiques », d'autres les organisent au sein des PASA mais peu les mettent en place dès l'accueil et de manière systématiquement. Imaginez désormais que les résidents font partie de l'équipe et qu'il suffit de les solliciter...

L'autre partenaire à bord du vaisseau, ce sont les familles, les aidants familiaux. Chaque famille a son histoire et entre les membres d'une même famille, les attentes peuvent varier. Mais pour tous, l'entrée en Ehpad marque un nouveau temps de vie dont chacun sait qu'il sera le dernier. Dès lors, l'entrée en Ehpad interroge chaque membre de la famille sur la finitude et la mort, des réflexions encore plus criantes depuis l'arrivée de la covid-19.

Pour la plupart des directeurs et des professionnels des Ehpad, les familles sont encore perçues comme une « charge » supplémentaire. Certaines bien sûr ne font pas de bruit. D'autres « sont toujours en train de nous poser des questions, de vérifier si on fait bien notre travail et d'immédiatement nous agresser s'il y a une tache sur un vêtement ou si la personne n'a pas voulu son goûter ».

Sur ce thème la Fondation Médéric Alzheimer vient de publier, en partenariat avec France Alzheimer, un guide pratique accessible en ligne « Renforcer le rôle et la place des familles en établissement d'hébergement », Repères Alzheimer n°1 (2019).

"L'entrée d'un parent ou d'un conjoint en EHPAD est souvent vécue comme une séparation douloureuse, voire culpabilisante pour l'entourage qui a le sentiment de n'avoir pu poursuivre l'accompagnement à domicile. Elle constitue aussi une étape difficile pour la personne malade qui quitte son domicile et doit s'adapter à un nouvel environnement. Il arrive aussi que le proche, qui a acquis une réelle expérience dans l'accompagnement de son parent, souhaite continuer à avoir un rôle auprès de lui et aux côtés des professionnels de l'établissement. Si l'entourage familial continue d'accompagner la personne malade aux côtés des professionnels, la transition vers le nouveau lieu de vie que représente l'EHPAD sera réalisée avec plus de facilités. Il est donc indispensable que les relations humaines qu'entretenait la personne malade lorsqu'elle vivait à son domicile, soient pleinement prises en compte, facilitées et valorisées dans son nouveau cadre de vie.

S'il n'est pas toujours facile pour les familles qui le souhaitent de s'intégrer au sein d'un établissement d'hébergement, cela tient au fait qu'un EHPAD remplit au moins trois fonctions qui concernent inégalement les proches. Il constitue d'abord un habitat pour les personnes âgées dépendantes, ensuite un lieu de travail pour les professionnels et enfin un lieu de visite pour l'entourage. En outre, les conditions de fonctionnement des EHPAD ont beaucoup évolué ces dernières La médicalisation et la standardisation accrues de leur fonctionnement , s'est parfois faite au détriment des attentes et de l'accueil des familles. Or l'on sait que la qualité des espaces de vie, leur agencement, leur convivialité sont un facteur d'implication des familles à la vie de l'établissement. Ils influent sur leur envie de venir, de demeurer et de passer du temps avec leur proche tout comme ils conditionnent la qualité du contact qu'ils établissent avec lui.

Des améliorations et des solutions innovantes destinées à favoriser la continuité des relations familiales ont été mises en place au sein d'EHPAD. Il peut s'agir d'initiatives destinées à renforcer l'implication de l'entourage familial dans les activités proposées à la personne malade (activités physiques, de cuisine...) ou des sorties réservées aux résidents et à leur famille (piscine, musée, cinéma...). Cela peut aussi se traduire par des aménagements pour satisfaire le besoin d'intimité des familles ou encourager les visiteurs de toutes générations à venir voir leurs proches : des salons permettant aux couples de se retrouver le temps d'un repas, des salles aménagées et mise à disposition des familles permettant d'organiser des fêtes, des espaces de jeu pour les enfants...

A l'instar de leur participation au conseil de la vie sociale, l'implication des familles dans le quotidien de l'EHPAD présente de nombreux avantages. Elle favorise d'une part des relations de confiance avec les professionnels. Elle permet d'autre part à la famille de s'intégrer pleinement dans la vie de l'établissement. Ce faisant, elle renforce son « pouvoir d'agir » auprès de son proche et au sein d'un nouvel environnement dont elle connaît a priori peu le fonctionnement."

Le rôle des professionnels

Là aussi je vais m'appuyer sur des chercheurs en sciences sociales et économiques. C'est un trio de chercheurs toulousains qui travaillent sur 10 Ehpad. Ils ont réalisé une étude publiée en mai 2020 « Repenser le métier d'aides-soignantes dans les Ehpad par le soutien organisationnel perçu pour réduire l'absentéisme » .

Lorsque le soignant perçoit une volonté de sa direction de le laisser libre de s'organiser comme bon lui semble, il va en retirer un plus grand plaisir et il sera animé de comportements positifs révélateurs de motivation autonome.

« Je peux organiser ma journée comme je le souhaite et donc je suis satisfaite. Personnellement, ce qui est important pour moi c'est de respecter le rythme des résidents. Par exemple, on peut décider qui on va réveiller en premier, si on voit une personne très endormie on la laisse se réveiller, puis on lui réchauffe le petit déjeuner. On peut aussi décider de faire une toilette ou une douche suivant les cas. On peut décider de passer le relais d'un résident à une collègue si le contact ne passe pas bien, si on est agacé ou fatigué, tout simplement parce que c'est humain.»

A l'inverse, lorsque les salariés ne se sentent pas autonomes dans l'organisation de leur travail, leur niveau de motivation autonome s'en trouve dégradé.

« Notre direction nous dit voilà j'ai modifié le planning, à telle heure vous ferez ça. Mais elle ne nous consulte pas, elle ne consulte pas les infirmières non plus. Quand on en parle entre nous, on ferait plutôt comme ça et ça serait trois fois plus simple pour tout le monde. Avant de changer une organisation, ca serait intéressant qu'elle nous demande pourquoi on travaille comme ça et si on a des difficultés. Et si elle souhaite modifier une organisation, elle pourrait nous consulter au lieu de nous l'imposer. »

Il est important de bien réfléchir à la parole des équipes au-delà de AS ou de l'équipe soignante. Ce sont les agents de service qui passent le plus de temps avec les résidents.

Et que dire des animateurs ? Pendant le confinement certains se sont fait exclure, d'autres se sont vus imposer de nouvelles fonctions.

Il est essentiel donc d'associer chaque personne (familles, résidents, bénévoles) comme un partenaire ayant un talent potentiel, pour investir les lieux et s'investir dans ce lieu.

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