Les relations entre les familles, le personnel et la direction sont loin d'être toujours simples dans les établissements. « On a l'impression qu'il y a une méfiance de la part des équipes. Il est vrai que nous pointons ce qui ne va pas... Quand dans la chambre de votre mère, le verre d'eau, le téléphone et le bracelet d'assistance ne sont pas à portée de sa main au prétexte qu'elle dérange souvent, ça induit de la méfiance », témoigne Bernadette Orjadias, présidente de l'association Familles de résidents en Ehpad, créée en 2020 lors de la crise Covid.

Le droit de visite, remis en question pendant la crise sanitaire, a cristallisé un besoin de transparence et d'implication des familles et résidents dans les décisions. L'affaire Orpea n'a fait qu'aggraver les suspicions et les inquiétudes, notamment pour les familles éloignées géographiquement. « Il y a une détresse, une peur que leur proche soit abandonné », souligne Jacques Rastoul, président de l'Inter-CVS 91. Les directions d'Ehpad, confrontées à des difficultés budgétaires et de recrutement, peinent parfois à répondre à ces attentes. La tentation de la rétention d'informations ou de l'autoritarisme peut être grande. Les familles, de leur côté, ne se rendent pas toujours compte qu'elles négligent de considérer le personnel. Alors comment sortir de cette spirale négative ? Vaste sujet.

Sortir d'une approche individuelle des dysfonctionnements

Pour Jacques Rastoul, restaurer de bonnes relations passe par une approche non plus individuelle, mais collective de la gestion des problèmes pointés par les résidents ou les familles. Dans cette quête, le rôle du Conseil de la vie sociale (CVS), instance consultative créée en 2002 pour renforcer les droits des résidents hébergés, est selon lui central. Exemple : une ridelle se défait d'un lit. Un résident se plaint par la voix de son proche. « Le CVS va chercher à comprendre si d'autres ridelles se défont et pourquoi », explique Jacques Rastoul qui croit beaucoup aux espaces d'échange et d'analyse des causes des dysfonctionnements, sans la direction. « On évite ainsi les échanges sur le ton du règlement de compte ».

Le CVS peut également jouer un rôle de médiation et de pédagogie auprès des familles : « Nous pouvons prendre le temps d'expliquer ce qu'est une escarre ou des troubles de la déglutition », souligne Jacques Rastoul. Le CVS peut aussi prodiguer des conseils pratiques : sensibiliser les familles à l'importance de parler à l'aide-soignante, inciter à sortir son proche dans le jardin car les équipes n'en ont pas toujours le temps.

Comment faire vivre le CVS ?

Mais pour que le CVS puisse jouer un vrai rôle, encore faut-il qu'il soit assez représentatif des familles et des résidents. « Une interprétation restrictive des textes peut conduire à une composition minimaliste. Mais le Conseil de la Vie Sociale perd alors tout son sens », juge Séverine Laboue, directrice du groupe hospitalier Loos Haubourdin dans le Nord de la France. Encore faut-il également le faire vivre, faire venir résidents et familles pour débattre des sujets délicats comme le linge, les animations, les repas. « Chaque réunion doit être précédée d'une préparation collective, avec des résidents, mais aussi des familles. Il faut donner la parole en premier aux résidents », préconise Jacques Rastoul.

Transformation du modèle des Ehpad

La réalité des budgets et du quotidien rattrape beaucoup d'établissements, regrette néanmoins Romain Gizolme, directeur de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Les CVS s'avèrent, selon lui, souvent insuffisants pour permettre l'exercice réel de la démocratie dans les Ehpad : « Ils sont trop peu portés par les personnes âgées elles-mêmes, car leurs vulnérabilités ne sont pas suffisamment compensées par les politiques publiques ». Au-delà des CVS, la question de la confiance passe, selon lui, par la transformation du modèle des Ehpad, « aujourd'hui basé sur une fausse promesse ».