La question de l'alimentation et de la lutte contre la dénutrition ne sont pas des sujets nouveaux. Loin d'être ignorés des professionnels, ils méritent toutefois qu'on continue de s'y attarder, à domicile comme en établissement.
Dénutrition : Domicile-établissement, même combat
Des chiffres inquiétants à domicile
À l'occasion de la Semaine Bleue, l'Institut Nutrition a présenté les résultats de son 1er Baromètre de l'Alimentation des seniors à domicile, mené en partenariat avec Worldpanel by Numerator (ex Kantar). Il révèle que 88 % des déjeuners et 76 % des diners des personnes les plus autonomes sont réalisés à la maison. La volonté de conserver une autonomie alimentaire se heurte néanmoins aux effets du vieillissement et peut se fragiliser avec le temps. Les seniors aidés sont quant à eux contraints d'être plus pragmatiques. Ils trouvent un équilibre entre les repas maison et des solutions toute prêtes, plus pratiques. 71% des personnes interrogées déclarent consommer des repas cuisinés à base de produits bruts plusieurs fois par semaine, 42% consomment des repas préparés par un aidant et 59% ont recours à l'achat de plats tout prêts type lasagnes à réchauffer. On comprend dès lors que l'adaptation des offres de portage à domicile ou de plats à réchauffer devient stratégique pour séduire davantage de seniors et soulager les aidants.
Des attentes adaptées à la perte d'autonomie
Les seniors autonomes souhaitent majoritairement garder la main sur leur alimentation. Ils sont en recherche d'inspiration culinaire, de recettes, et veulent des produits frais, simples, digestes et accessibles financièrement. À l'inverse, les seniors moins autonomes ont surtout besoin, selon la voix des aidants, d'accompagnement pour faire les courses et préparer les repas : 42% disent avoir des difficultés pour couper, éplucher, ouvrir les emballages, 35 % pour se lever, rester debout ou se déplacer dans la cuisine. Enfin, les aidants sont 41% à déclarer que leur proche a moins d'appétit... Ils privilégient le confort et la praticité et sont davantage en attente de solutions alimentaires prêtes à consommer, saines, variées et personnalisables. Leur prise en charge repose sur une logique d'accompagnement global, permettant de répondre à leurs besoins de manière individualisée. Il devient dès lors primordial de repenser les dispositifs d'aide à domicile afin de préserver l'autonomie alimentaire aussi longtemps que possible, rempart contre la dénutrition.
L'impact de l'alimentation sous-estimé
94% des seniors déclarent limiter les produits gras, salés, sucrés. Mais 57 % d'entre eux pensent encore qu'il faut réduire sa consommation en vieillissant et 43% qu'il faut manger léger pour ne pas prendre du poids. Ces croyances erronées sur leurs besoins nutritionnels réels les exposent à une perte de poids involontaire et limitent l'impact positif de la nutrition dans la prévention des maladies (cancers, maladies cardio-vasculaires, etc.), la réduction du risque de dénutrition et le maintien de l'autonomie. Par ailleurs, 89% des seniors se déclarent satisfaits de leur alimentation actuelle, sans avoir toutefois pleinement conscience de leurs besoins nutritionnels spécifiques. Les aidants comme les seniors ont besoin de mieux comprendre ce qu'est la dénutrition, ses causes et conséquences, aujourd'hui largement méconnue.
Une semaine pour « mettre les bouchées doubles »
Placée sous l'égide du ministère de la Santé, la 6? Semaine nationale de la dénutrition, qui se déroule du 17 au 23 novembre 2025, entend bien jouer ce rôle. L'événement, désormais incontournable, ambitionne d'informer et de sensibiliser grand public et professionnels à cet enjeu de santé publique encore trop méconnu. Longtemps perçue comme un simple symptôme, la dénutrition est aujourd'hui reconnue comme une véritable maladie. Elle touche plus de 2 millions de personnes en France : personnes âgées, hospitalisées, enfants, mais aussi un nombre croissant de personnes en situation de précarité alimentaire. Pourtant ses conséquences sont multiples : aggravation de pathologies chroniques (cancer, diabète, obésité, hypertension, maladies cardio-vasculaires, ostéoporose), augmentation du risque de complications, impact négatif sur la santé mentale. Autant de signaux qui plaident pour une mobilisation nationale renforcée.
Des outils concrets pour agir
Le Collectif de lutte contre la dénutrition, présidé par le Pr Agathe Raynaud-Simon, cheffe du Département de gériatrie de l'hôpital Bichat-Beaujon, porte cette dynamique avec beaucoup d'énergie. « Depuis cinq ans, nous constatons que l'intérêt autour de la lutte contre la dénutrition n'a cessé de croître », souligne-t-elle. En 2024, la Semaine nationale avait rassemblé plus de 2 600 organisations labellisées et recensé 7 600 actions partout en France, dont 1 500 ateliers d'activité physique adaptée. Douze webinaires avaient réuni plus de 4 000 participants, tandis que 24 organisations signaient la Charte d'engagement des acteurs de la lutte contre la dénutrition. Cette année encore, les initiatives s'annoncent foisonnantes : stands d'information, ateliers culinaires et de dégustation, expositions, conférences, escape games pédagogiques, webinaires et actions de terrain. Afin de soutenir les initiatives locales, de nouveaux outils sont mis à disposition des acteurs : carnet de suivi du poids en oncologie, supports spécifiques pour la restauration collective, flyers d'accompagnement à la prescription de compléments nutritionnels oraux, documents dédiés aux troubles du comportement alimentaire, etc. Autant de ressources pour permettre aux professionnels, aux aidants et aux associations d'inventer des actions adaptées et accessibles à tous.
Juliette Viatte
Pour tout connaître : www.luttecontreladenutrition.fr
