Dans son rapport publié le 28 octobre 2025, la Cour des comptes dresse un bilan contrasté de la politique de prise en charge des accidents vasculaires cérébraux.
AVC : la Cour des comptes appelle à une refonte de la prise en charge
Avec 120 000 victimes et près de 30 000 décès par an, l'AVC reste la première cause de handicap acquis de l'adulte en France. Face à cet enjeu de santé publique qui mobilise 4,5 milliards d'euros chaque année, les magistrats formulent 10 recommandations pour améliorer l'efficience du système.
Une prévention à renforcer d'urgence
Premier constat : la prévention demeure insuffisante. L'hypertension artérielle, principal facteur de risque de l'AVC, voit son dépistage et sa prise en charge stagner, voire régresser chez les femmes. La France accuse un retard significatif par rapport aux autres pays développés. La Cour pointe également une connaissance encore trop limitée des symptômes par le grand public et un réflexe d'appel au 15 qui tarde à se généraliser. Or chaque minute perdue coûte deux millions de neurones.
Des inégalités persistantes dans l'accès aux soins aigüs
Malgré les progrès accomplis depuis le plan AVC 2010-2014 - déploiement des unités neuro-vasculaires (UNV), développement de la télémédecine et de la thrombectomie -, les résultats restent en-deçà des attentes. Seuls 50 % des patients bénéficient d'un passage en UNV, loin de l'objectif fixé à 90 %. Les délais de prise en charge demeurent élevés et la couverture territoriale reste inégale. Les UNV sont confrontées à des difficultés majeures de recrutement, entraînant fermetures de lits et refus d'admission.
La phase post-aiguë, parent pauvre du parcours
C'est sur l'après-hospitalisation que le rapport se montre le plus critique. Les demandes d'admission en soins médicaux de réadaptation (SMR) ne trouvent pas de réponse adaptée : 17 000 patients avec handicaps lourds n'y accèdent pas, tandis que 10 000 patients avec handicaps légers y sont admis. En médecine de ville, 20 000 victimes n'ont pas de médecin traitant et 7 000 n'ont consulté aucun médecin dans les 18 mois suivant leur AVC. L'hospitalisation à domicile de rééducation reste marginale.
Les Ehpad, futurs pôles de proximité médico-sociaux ?
Face à ces difficultés, la Cour propose de repenser le rôle des Ehpad. Aujourd'hui, 70 % des victimes d'AVC présentant des séquelles sévères sont orientées vers ces établissements, soit plus de 10 500 personnes en 2022. Cette situation résulte largement de la saturation des structures pour adultes handicapés.
Plutôt que de la subir, la Cour invite à transformer cette contrainte en opportunité. Avec leurs 7 500 établissements, les Ehpad offrent un maillage territorial unique assurant une accessibilité géographique incomparable pour les familles.
La Cour souligne toutefois l'insuffisance des moyens actuels : avec une dotation soins moyenne de 48 € par résident et par 24 heures en 2023, les établissements peinent à couvrir les besoins de soins de nursing importants requis par les victimes d'AVC. Le rapport préconise donc de soutenir les Ehpad acceptant ces prises en charge complexes, avec des moyens financiers complémentaires leur permettant de recruter des professionnels qualifiés comme les ergothérapeutes ou psychomotriciens, professions non conventionnées et majoritairement salariées.
Pour organiser cette mission, les ARS pourraient lancer des appels à manifestation d'intérêt en direction des Ehpad volontaires, en les soutenant financièrement. L'argument économique est sans appel : le coût pour l'assurance-maladie d'une place en Ehpad reste quatre fois inférieur à celui d'une maison d'accueil spécialisée. Cette ouverture permettrait aux établissements de diversifier leur valeur ajoutée médico-sociale comme pôle de proximité sanitaire, social et médico-social.
Cette évolution doit s'accompagner de partenariats : amplification de l'HAD au sein des établissements, interventions d'équipes mobiles de SMR avec formation du personnel, séquences de réadaptation en structures spécialisées. Une approche qui permettrait aussi d'accueillir les 437 victimes d'AVC de moins de 60 ans orientées vers les Ehpad ou Ssiad en 2022, faute de places dans le secteur du handicap.
200 millions d'euros d'économies potentielles
L'analyse des parcours révèle qu'une meilleure organisation pourrait générer 200 millions d'euros d'économies : optimisation des durées de séjour, développement de l'HAD de rééducation, transferts plus rapides, déploiement des équipes de soins coordonnées en ville. Ces gains d'efficience permettraient surtout d'accueillir davantage de patients face à une hausse attendue de 35 % des AVC liée au pic démographique à venir et au vieillissement de la population.
La Cour appelle à un nouveau plan AVC pour reconquérir la maîtrise globale de cette politique publique, avec un pilotage renforcé aux niveaux national et régional. Un enjeu crucial pour réduire les 30 000 décès annuels et améliorer la qualité de vie des 800 000 personnes vivant avec les séquelles d'un AVC.
