Dans le n° 24-septembre 2012  -  Groupe de parole  967

Accompagner le processus de deuil des soignants

Face aux décès soudains ou successifs, Charlotte Costantino, psychologue clinicienne, coordinatrice du Collège des Psychologues Orpéa-Clinea et Elisabeth Ferreira, psychologue clinicienne, Village de retraite de Saint-Rémy-lès-Chevreuse, prônent une pratique essentielle : le groupe de parole dédié pour les équipes*.

Dans un EHPAD, la relation entre les soignants/aidants et les résidents prend un sens tout à fait singulier. S'il est un lieu de vie et d'accompagnement par essence, il est aussi inéluctablement le lieu de la fin de vie à plus ou moins long terme. Le soignant dans sa pratique au quotidien est donc confronté à un exercice psychique particulier : celui d'accueillir, d'accompagner dans la vie, tout en se préparant à une fin inéluctable de la relation. Ainsi, il lui revient de trouver un juste équilibre entre un investissement bienveillant et professionnel de la relation, et un détachement suffisant compte tenu de la séparation à venir. La question du deuil émerge donc sans cesse dans la pratique des équipes soignantes et l'impact du décès d'un résident ou de la répétition des vécus de séparation sur le soignant, invite à une attention particulière sur les espaces d'élaboration nécessaires pour une vie institutionnelle harmonieuse.

Dans la majorité des cas, la séparation peut être élaborée et préparée en équipe : la mort d'un résident est anticipée et parlée parce qu'elle est prévisible, qu'elle fait suite par exemple à une maladie. Ici l'impact du décès sur les équipes est amorti par le fait que suffisamment de temps a permis que l'approche de la mort soit perçue par les membres de l'équipe et donc qu'elle ne soit pas vécue comme " un coup de tonnerre dans un ciel serein ". Travail d'équipe, temps de partage de ce vécu commun, et aussi la liberté de parole entre collègues constituent autant de rituels de passage qui ouvrent la voie du deuil, aident à symboliser la séparation. C'est ainsi que comme dans le deuil normal, l'équipe éprouve le besoin de parler du résident décédé, de faire vivre les souvenirs des relations entretenues avec lui.

Mais les choses se compliquent dans le cas de décès subis et imprévus, voire qui surviennent dans un contexte violent (suicides). Ce sont ces cas de séparations brutales et effractantes qui génèrent le plus de retentissements délétères dans les équipes : des questionnements se font jour, de l'incompréhension, voire une culpabilité ou un sentiment d'échec, une mise à mal de la confiance en sa " capacité soignante ". La vie institutionnelle est alors secouée et pour un temps arrêtée par la séparation brutale qui laisse les protagonistes de l'institution sidérés et isolés.

La succession de décès dans un service peut également être source d'épuisement pour les équipes tant elles sont conduites à travailler dans une sorte d'anticipation anxieuse du décès à venir. Les relations aux résidents en viennent à être redoutées et " désaffectées " comme pour se préserver de la blessure de la séparation. L'usure professionnelle se manifeste alors par différents signes : absentéisme, irritabilité, isolement dans l'équipe, troubles du sommeil, surinvestissement du travail, manifestations somatiques, refus d'accepter le déclin des patients, résignation, démotivation, indifférence affective, perte de distance face au vécu d'autres résidents mourants.

Pour cette raison nous avons mis en place des groupes de parole plus formalisés que les temps habituels de rencontre en équipe, et avec un psychologue extérieur à l'établissement pour que puisse réellement être accompagné ce temps du deuil nécessaire dans les cas de décès soudains et mal vécus par les équipes.

Les effets cliniques repérés sur les équipes sont multiples :

- qu'un tiers extérieur puisse entendre et se faire le témoin d'une situation vécue comme un moment hors du commun de la vie institutionnelle habituelle est vécu comme une reconnaissance implicite des difficultés rencontrées face à l'événement.

- le dispositif groupal proposé permet l'amorce d'un deuil ou la reprise d'un processus élaboratif collectif dans ce temps passé ensemble.

- le groupe de parole aide à recréer un mouvement de solidarité et de soutien entre les membres du personnel, là où certains risquent sinon de s'enfermer dans un repli défensif.

- les équipes se racontent à nouveau une histoire collective, sortent de l'isolement.

- dans tous les cas, elles sont souvent remises implicitement dans une position d'être acteurs du processus institutionnel.

- cet espace de parole constitue souvent l'occasion d'une reprise d'événements plus anciens non-élaborés, mais tout aussi blessants dans l'histoire institutionnelle, agissant comme des grains de sable dans la dynamique de soin (décès non parlés dans une équipe).

L'accompagnement du processus de deuil des équipes en EHPAD constitue un processus qui oeuvre à préserver l'institution du silence autour du décès qu'il soit " prévisible ", soudain, voire brutal dans le cas de suicide. Il est essentiel aussi parce qu'il oeuvre à remettre sur " les rails " la vie institutionnelle momentanément interrompue. De surcroît, parler individuellement et collectivement de la perte, de l'onde de choc et de l'effet vécu, constitue pour l'institution l'opportunité de retrouver ses potentialités soignantes et contenantes alors mises à mal.

* En savoir plus : Costantino, C. Laforêt, N. Siles, A. M. 2011. Urgence Institutionnelle, l'institution face à l'événement traumatique in revue Cliniques numéro 2 " de l'effraction au traumatisme ", éditions Erès.

Le groupe de parole, mode d'emploi

- quand ? En cas de décès imprévus

- durée ? 1h30 à 2h. Selon l'intensité des difficultés rencontrées par l'équipe, le groupe pourra être reconduit jusqu'à trois fois.

- pour qui ? Toute l'équipe et sans obligation. Les échanges restent confidentiels.

- qui l'anime ? Des psychologues extérieurs à l'établissement et formés à la démarche

- Objectifs principaux :

- Accueillir le ressenti et la perception des équipes confronté au décès soudain d'un résident

- Permettre une bonne circulation de la parole dans l'équipe

- Restaurer leur " capacité soignante " auprès des résidents

- Repérer les risques psycho-sociaux ou les personnes en grandes difficultés

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