3 questions à Benoît Calmels, fondateur de Calmels Conseil
Que pensez-vous de cette nouvelle focale ?
On ne peut que saluer le double travail de la Drees et de l'Institut des politiques publiques (IPP). Généralement, les statistiques sur l'offre médico-sociale portent sur les établissements et services ; l'angle choisi est nouveau et intéressant, même si au final on aboutit aux mêmes constats. En revanche, le critère des 60 minutes m'interpelle : à Paris ou dans le Berry, en bord de mer ou à la montagne, son utilisation comme outil d'aménagement m'inquiéterait ! Je conçois qu'il en faille un, mais cela me fait songer au découpage des départements de 1790 en fonction de la durée des trajets en carrosse... Il ne reflète pas la variété des territoires, telle qu'elle a été modelée, je pense notamment à la « spécialisation » entre hébergement et domicile.
Ne s'agit-il pas d'une photographie statistique à l'instant T ?
Effectivement. Mais alors, la contextualisation manque. Savez-vous par exemple pourquoi les Ehpad dans les Landes sont à 90 % publics ? Parce que le refus du lucratif est un choix politique d'Henri Emmanuelli à la tête du conseil départemental pendant trois décennies.
Après lecture de l'étude de la Drees, j'ai envie de dire « so what? ». Que fait-on derrière ? Le risque est de (faire) voir la diversité de l'offre médico-sociale comme un déséquilibre à corriger nationalement - notre vieille tradition jacobine - au lieu de la considérer comme une richesse des territoires. Ce qu'elle est, même s'il existe des manques. Va-t-on mettre de l'hébergement dans les territoires majoritairement pourvus de services à domicile ? Et inversement ? Du public ou de l'associatif dans le majoritairement lucratif ? Va-t-on le décider depuis l'avenue Duquesne ou laisser les territoires s'emparer de la seule question qui vaille : répondre aux besoins de la population et, mieux, à ses choix. À cet égard, le rapport de l'IPP me semble ouvrir plus de perspectives.
En quoi ?
Même si ce n'est qu'un début, il se place du côté de la demande et se projette dans le futur. Toutes les enquêtes montrent que les Français sont massivement favorables au maintien à domicile d'où l'orientation vers le virage domiciliaire. Mais comment faire à l'échelle des territoires ? Vingt ans après la loi de 2002, qui en avait pourtant l'ambition, la politique du grand âge oublie de mettre l'usager au centre. Comme dans le marketing, ne serait-il pas temps de mettre en place des panels clients ?