Depuis des années, les professionnels du grand âge attendent la « loi Grand âge », plusieurs fois annoncée, jamais concrétisée. En cette rentrée 2025, six grands opérateurs du secteur - le groupe SOS, l'Unccas, Emeis, le groupe VYV, DomusVi et la Fédération hospitalière de France - ont décidé de ne plus subir l'immobilisme.

Un Pacte de confiance pour briser l'immobilisme
Ensemble, ils lancent un Pacte de confiance « Bien vieillir », décliné en dix engagements. Leur ambition : redonner une boussole à un secteur fragilisé, et rétablir le lien entre les Français, les pouvoirs publics et les établissements.
Une alliance inédite
Dans un paysage souvent fragmenté entre acteurs publics, privés et associatifs, cette démarche collective frappe par son originalité. « La nature a horreur du vide, souligne Luc Carvounas, président de l'Unccas, lors d'un point presse organisé ce lundi 29 septembre. Si l'État n'agit pas, nous prendrons nos responsabilités. Mais notre objectif est de permettre au gouvernement de se saisir de nos propositions ».
Ce front commun est né d'un triple constat : une crise de confiance (post-Covid et scandales médiatiques), une crise des ressources humaines (métiers en tension et difficulté de recrutement) et une crise financière (établissements sous pression permanente).
« Ce Pacte ne repose pas sur une revendication. Il s'agit d'un contrat d'engagement pour préparer l'avenir, rétablir la confiance et simplifier les règles. Nous voulons proposer des solutions et montrer que le secteur a des réponses », insiste Stéphane Junique, président du Groupe VYV. « Mais nous avons besoin d'un cap, une boussole, afin de jouer pleinement notre rôle ». Pour Luc Carvounas, Président de l'Union des CCAS, « la vraie question aujourd'hui est de savoir pourquoi les gouvernements successifs ne prennent pas à bras le corps cette question du vieillissement de la population. Si nous n'avons pas un état stratège, ce sont les opérateurs que nous représentons qui vont prendre le sujet en main. Mais avec un objectif : que le gouvernement s'en saisisse, les évalue. »
Trois axes pour changer de cap
Le Pacte repose sur trois piliers stratégiques :
Préparer l'avenir : planifier les besoins à horizon 2030-2035 (places en établissements, services à domicile, personnels à former). « Rien n'est plus prévisible que la démographie, ajoute Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS. Or construire un Ehpad prend 4 à 5 ans. Il y a urgence. Nous avons besoin de visibilité, et de connaître les ressources dont nous disposons pour fonctionner correctement. Nous n'avons plus de temps à perdre ».
Restaurer la confiance : rendre visibles les contrôles, garantir une égalité de traitement et associer les familles. Pour Laurent Guillot, directeur général d'Emeis, « il faut continuer de contrôler avec une grande transparence et valoriser les résultats. Seuls 0,7% des contrôles réalisés après le scandale Orpéa ont révélé des dysfonctionnements, soit 53 établissements sur 7500. C'est très peu. Il faut valoriser les progrès et garantir l'égalité d'accès entre tous les citoyens. »
« Nous devons également prévoir la place de l'État. L'idée d'avoir une classification par les pouvoirs publics permet aussi à l'état de conserver une place régalienne.
Enfin, il faut continuer de valoriser nos engagements sociétaux et sociaux, sur la santé et la qualité de vie au travail, la formation de nos collaborateurs, et les mettre davantage en valeur pour montrer ce qu'on fait, au national et sur les territoires ».
L'ambition dépasse la technique. Pour les signataires, il s'agit surtout de restaurer un lien mis à mal. « Nos professionnels sont découragés par l'absence de débats. Ce Pacte vise aussi à leur redonner espoir », souligne Sylvain Rabuel, PDG de DomusVi.
Simplifier les règles : revoir la tarification, alléger la gouvernance et digitaliser les outils. « On a l'impression que le gouvernement est tétanisé par la vague démographique qui arrive », ajoute Marc Bourquin, Fédération Hospitalière de France. « Et sa paralysie rejaillit sur tout. Or certaines décisions peuvent se prendre rapidement, par décret notamment, sans ressources supplémentaires. Il faut simplifier le quotidien des gestionnaires. »
Citons par exemple : l'avancement de la généralisation des forfaits soin et dépendance dès l'an prochain (et non en 2029), la revisite des frontières entre les différents tarifs, et notamment le tarif hébergement, la digitalisation de l'outil pathos pour gagner du temps et l'attribution des crédits dans les trois mois suivant la validation, l'assouplissement des CRT. « On pourrait aussi simplifier les mécanismes d'autorisation, comme la gouvernance et favoriser un accord entre ars et départements pour programmer l'avenir et tarifer les établissements.
Mais nous réclamons aussi l'ouverture de groupes de travail pour travailler sur des sujets un peu plus techniques avec la DGCS », confirme Marc Bourquin.
Une interpellation adressée à l'État
En mettant leurs propositions « dans le panier commun », ces six acteurs veulent créer une dynamique que l'État devra s'approprier. Le Pacte de confiance « Bien vieillir » n'est pas seulement un document de travail. C'est une feuille de route collective, conçue comme une boussole pour préparer l'inévitable. Un appel à anticiper, plutôt que subir, le choc démographique qui s'annonce.
Dix engagements pour transformer le secteur
Les professionnels réunis ont listé dix chantiers prioritaires :
1- Programmer l'offre à 2035, avec un groupe de travail interministériel et territorial.
2- Soutenir l'investissement, via un plan de modernisation, un « livret intergénérationnel » et des capitaux privés.
3- Miser sur l'innovation et la transition écologique, en transformant les EHPAD actuels en lieux connectés, durables et ouverts.
4- Agir pour l'attractivité des métiers, avec des campagnes de recrutement, de nouvelles formations et un observatoire du bien-être au travail.
5- Retisser la confiance avec les Français, en publiant les résultats des inspections et en garantissant une égalité de traitement.
6- Repenser les contrôles, pour qu'ils deviennent un levier d'amélioration, pas une sanction bureaucratique.
7- Refondre la tarification, notamment la fusion soins/dépendance et la révision des SAAD.
8- Moderniser l'évaluation, en digitalisant et en révisant les outils AGGIR et Pathos.
9- Transformer l'Ehpad en plate-forme, ouverte sur son territoire et proposant une gamme élargie de services.
10- Créer un choc de simplification de la gouvernance, en clarifiant les rôles de l'État et des départements.