Dans le n° 41-février 2014  -  Louis Ploton  3874

Quelle place pour le psychologue en établissement ?

Louis Ploton, psychiatre et professeur émérite de gérontologie à l'université Lyon-2, fait un point sur le rôle et la position des psychologues en établissement. Il note des ressources mal exploitées, des volumes d'heures restreints et constate les pertes de chance pour les résidents. Il commente aussi la prise en charge des malades psychiatriques et des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée.

Quelle est la place de la psychologie dans les structures qui accueillent des personnes âgées dépendantes ?

Les équipes ne sont pas formées à la psychologie du point de vue psychodynamique. Elles croient trop à la rééducation, à la stimulation des malades. Je n'ai pas peur de dire que cette approche persécute les patients fragiles. Il faudrait tenter de les motiver en s'appuyant sur les ressorts affectifs mais ce type d'approche existe trop peu que ce soit dans les services gériatriques ou dans les Ehpad.

Les psychologues n'ont pas la place qu'elles méritent dans les établissements ?

Les psychologues ne sont effectivement pas traités comme des cadres. Les Ehpad tournent autour du directeur, du médecin-coordonnateur et du cadre de santé ou de l'infirmière-référente. Les psychologues sont membres de l'équipe pluridisciplinaire, mais rarement de l'équipe de direction.

Toutes les personnes entrant en Ehpad doivent-elles voir le psychologue ?

Tout le monde n'a pas besoin d'une psychothérapie toutefois le soin psychologique fait partie intégrante du soin aux vieillards dépendants.

L'absence d'évaluation psychologique empêche de comprendre la souffrance dès l'entrée en établissement, ainsi que les conflits familiaux. En conséquence, trop souvent, les responsables de structures ne savent pas repérer les besoins psychiques. De fait on ne montre aux psychologues que les personnes qui dérangent...

La psychologue n'assure pas que des thérapies. Elle peut apporter beaucoup sur la compréhension des besoins psychoaffectifs. Ainsi, l'estime de soi d'un patient est en partie liée à l'attitude du soignant. Selon qu'on l'approche avec respect ou pas, la personne âgée se sent persécutée ou pas. Je crois beaucoup à la valeur de mots simples comme : bonjour, merci, excusez-moi...

J'ajouterai que je crois aussi aux effets néfastes de la directivité, comme par exemple en empêchant des résidents d'aller dans leur chambre, sous prétexte qu'ils seraient mieux ici ou là ?

Les façons de faire devraient pouvoir s'améliorer. Dans les écoles de vente, on apprend à " valider ", " reformuler " ce que dit le client... autant de choses que beaucoup de soignants ne savent pas faire, ou plus faire pour ceux qui les auraient appris.

Le psychologue est un médiateur, il a reçu une formation de haut niveau et peut faire évoluer les pratiques. Mais, pour progresser, chacun doit pouvoir s'approprier un rôle propre, dans le respect des principes et des objectifs de l'établissement, de sa ligne directrice. On investit beaucoup plus dans ce cas, quand on fait à sa façon que quand on est exécutant.

Pourquoi les psychologues ne sont-elles pas plus écoutées ?

D'une part, avec 10% d'ETP, on ne peut pas se faire entendre.

D'autre part, tout le monde croit être psychologue et pouvoir prendre en charge les personnes...

Les approches non-médicamenteuses sont très en vogue et obtiennent de bons résultats. Qu'en pensez-vous ?

Les approches non-médicamenteuses ne me dérangent pas. Elles améliorent la qualité de vie des résidents ou patients. Mais attention ! Si elles font du bien, comme voir un ami, jouer avec son petit-fils, si elles remplissent une fonction thérapeutique toutes ne sont pas pour autant qualifiables de thérapie.

Les approches non-médicamenteuses sont utiles. Mais à un moment ceux qui les utilisent doivent réfléchir au sens que leurs pratiques ont pour eux même et pour la personne âgée, tout comme à la fonction qu'elles remplissent. Sans cela, le risque d'un activisme stérile existe.

A ce propos et d'une façon générale, je crois qu'il faut réintroduire de la pensée dans les milieux gériatriques.

Les directeurs hésitent à accueillir des personnes âgées atteintes d'une maladie psychiatrique.

Les malades psychiatriques âgés sont les grands déshérités du système de prise en charge actuel !

Les personnes qui ont décompensé une maladie psychiatrique lors du grand âge trouvent des solutions, mais celles qui ont une maladie chronique ont du mal lorsqu'arrive le grand âge. Il n'y a pas de place pour elles dans les services de psychiatrie, où on exerce une psychiatrie aigue, pour des malades jeunes aux comportements violents.

Ce qui pose problème en Ehpad, c'est le nombre de malades psychiatriques accueillis. Si un Ehpad en accueille un ou deux, tout peut bien se passer. Ils bénéficient d'un accompagnement personnalisé, ils travaillent avec la psychologue. Ce sont même des résidents utiles, puisqu'ils obligent les soignants à se former !

Si chaque EHPAD en accueille un ou deux, ce serait plus de 10 000 malades accueillis et bien traités. Mais si un Ehpad en accueille plus de deux, il peut y avoir un vrai problème de cohabitation et une réaction des équipes.

Les psychologues ont-elles vraiment du temps pour ces résidents ?

Non ! Là encore, quand on a 10% d'ETP de psychologue, c'est pour moi une restriction de soins. On peut même parler de perte de chance. Le soin psychiatrique est aujourd'hui impossible en gériatrie.

Comment changer la donne ?

Quand un Ehpad accueille un résident issu d'un service psychiatrique de l'hôpital, il faudrait qu'il puisse le retransférer dans ce service en cas de besoin. Par exemple pour une semaine, le temps de rééquilibrer le traitement. Cela rassurerait les équipes, éviterait leur stress et leur épuisement. Et ce serait mieux bien sûr pour la personne.

Cela demande une collaboration entre les acteurs, un lien de confiance, et éventuellement la signature d'une convention. Il faut se pencher sur le sujet. On soigne de mieux en mieux les patients atteints d'une maladie psychiatrique, aussi leur espérance de vie augmentent, à l'instar de celle de la population.

Quelles autres solutions sont envisageables ?

La formation pluridisciplinaire pour tous, médecins, infirmières, aides-soignantes. Et à l'entrée dans les écoles et dans les facultés, je souhaiterais un mode de sélection qui prenne plus en compte les qualités humaines et moins les aptitudes en mathématiques...

A l'issue d'une hospitalisation psychiatrique, pour des malades âgés insuffisamment autonomes, on pourrait imaginer des unités spécialisées, en Ehpad ou non. A Lyon, il y a un projet de création de trois petites structures hors les murs du CHU. Et par le passé, on a déjà eu des expériences réussies avec des appartements de transition ou des domiciles collectifs.

Les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée sont-elles selon vous bien prises en charge ?

Il faudrait que les établissements adoptent de vraies politiques " Alzheimer " ces résidents qui représentent 75% de la population accueillie. Les PASA devraient être la règle, avec un point de rencontre la nuit pour que l'angoisse et le vécu d'abandon puissent être soulagés.

De même, la liberté d'aller et venir pourrait s'améliorer en s'appuyant sur les nouvelles technologies. C'est ainsi qu'un résident pourrait entrer dans sa chambre mais pas dans celle d'un autre et disposer ou non de la possibilité de sortir de l'établissement. Il suffit pour ça d'une puce électronique comme pour les clefs de voiture sans contact.

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