Dans le n° 126-mars 2021  - Prendre soin  11670

Ode au care

Dans mes deux chroniques précédentes, j'évoquais combien la période de pandémie avait révélé la situation de grande faiblesse de notre pays, tant sur le plan économique - et en particulier sur le plan industriel - que sur la société du commun.

En même temps, remarquons qu'en dépit de la volonté de quelques personnalités et de l'éclosion de textes publics, le thème de l'opposition entre les générations qui serait renforcé par la pandémie, le « sacrifice » des jeunes générations au profit des plus âgés, ne prend pas vraiment. En tous cas, pour l'instant. L'infantilisation des plus âgés a en revanche encore de beaux jours devant elle...

Dans cette optique, ce sont les métiers du care dont il faut prendre... soin.

Rappelons que quand je soutiens une personne, je me mets à égalité avec elle : je lui prends la main, je l'aide, je l'accompagne et je suis en écoute. Et ce faisant, j'apprends réciproquement de l'autre. Ce lien est extrêmement riche et nécessaire. Il se retrouve dans les domaines de l'enseignement, de la psychologie, du contact, de l'aide aux personnes en situation de handicap ou de fragilité. A titre d'illustration, un informaticien contribue aux métiers du care s'il crée une solution, simple d'utilisation, permettant à des personnes malvoyantes d'utiliser un ordinateur et d'accéder au savoir de manière relativement simple. Il s'agit qu'ensuite des personnes accompagnent à la prise en main de l'outil et que la société et ses administrations s'y adaptent.

Au-delà des professionnels, il convient de souligner le rôle capital des aidants.

Ils sont la preuve que le care existe ! Les 8,5 à 11 millions d'aidants démontrent au quotidien que la puissance et la nécessité du care, comme levier de solidarité mutuelle et de proximité, n'est pas qu'un concept théorique. C'est une critique que j'ai fréquemment entendue au cours des dernières années. Tous ces aidants qui épaulent un enfant touché par un handicap, une compagne ou un compagnon souffrant, un proche, parent ou ami, dépendant, font tenir le système de soins français. Sans eux, il s'écroulerait complètement ! Le care met de l'huile dans les rouages. Un des enjeux d'une futur loi engageant la séniorisation de la société et s'appuyant sur la création d'une cinquième branche de solidarité sociale, sera de soutenir concrètement les aidants. Je rappelle que la première manière d'aider les aidants, c'est de développer l'emploi de professionnels de l'accompagnement bien formés, valorisés, soutenus et rétribués...

Avec l'Agence des médecines complémentaires et alternatives (A-MCA), nous cherchons à mobiliser ce soin relationnel au profit du soutien aux soignants en Ehpad comme à domicile. Ces médecines « douces » peuvent améliorer la qualité de vie et l'harmonie des personnels de celles et ceux qui accompagnent au quotidien les plus fragiles.

Qu'en est-il de l'environnement ?

Le lien entre solidarité sociale, soin mutuel et écologie est robuste. La situation catastrophique de l'environnement nous oblige à modifier notre relation à l'autre et à la nature. A prendre de la distance avec la société du tout technique. A avoir une approche holistique du monde. Un exemple : les personnes qui se placent dans une logique de prévention globale en matière d'alimentation agissent de façon bénéfique pour leur santé, pour les producteurs et pour la planète. C'est notamment le cas lorsqu'elles décident de consommer des produits locaux qui abîment moins la terre, qui font travailler des maraîchers et des agriculteurs, dans des conditions dignes, qui respectent la nature et les bêtes et émettent moins de CO2.

@Guerin_Serge

Professeur de sociologie à l'Inseec GE, directeur du MSc « Directeur des établissements de santé », président de l'Agence des MCA, auteur de Les quincados, Calmann-Lévy

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.