Dans le n° 158-avril 2024  - Partie III  16561

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.

Car, améliorer l'organisation des soins et le partage des informations seraient gages de gains de temps, d'argent et de qualité de la prise en compte des soignés. Il importerait aussi de renforcer, comme cela se pratique en Espagne ou au Québec, la délégation vers les professions infirmières de tâches traditionnellement dévolues aux médecins. Le mouvement vers des formations complémentaires pour élever les compétences des infirmières et leur permettre d'effectuer des actes médicaux va dans ce sens. Comme la création de la formation d'infirmier en pratique avancée (IPA).

Estime du soin, estime de soi

Mais il faut aller plus loin dans la valorisation des professionnels du soin, et pour favoriser l'évolution au sein des métiers. L'estime du soin par une société va de pair avec l'estime de soi de celles et ceux qui pratiquent ces métiers ou qui, de façon bénévole, y contribuent en tant qu'aidants. L'âme a besoin de reconnaissance, rappelait Simone Veil[1]. Cette attention, ce respect, serait aussi un moyen de réduire le taux d'abandon de la profession qui nuit largement à l'efficacité des soins, à la couverture santé des territoires et à l'équilibre économique du secteur. Cependant, l'enjeu majeur reste bien celui de la qualité du management humain, de la capacité à entraîner le collectif[2]. Avec des effets directs en termes de qualité du service rendu. La valorisation, la qualification et l'accompagnement des professionnels du soin, et d'abord de celles (ultra majoritaires) et de ceux qui se situent aux échelons les plus modestes, devrait être une priorité. Un coup de chapeau à Maxime Aiach, fondateur de Shiva, spécialisé dans les services à domicile, qui depuis 2020 a créé un partenariat avec le mythique studio photo Harcourt pour photographier en noir & blanc des salariées. Ces dernières se retrouvent fièrement et élégamment à poser dans le métro et sur les bus de nos villes.

Il importe aussi de cimenter le lien avec le « pays » où interviennent les professionnels du prendre soin, en rapprochant lieux d'habitation et lieux d'exercice, en aidant à l'accès à un parc automobile « propre » et moins coûteux, en facilitant le quotidien des personnels, en particulier les femmes vivant seules avec des enfants.

Prendre soin de ceux qui prennent soin

Une autre piste féconde consiste à marquer de l'attention et de l'affection par des actes simples favorisant la qualité de vie des professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles : les « petites bontés » évoquées par le philosophe Emmanuel Levinas. On peut penser pour soutenir et remercier les personnels, par exemple, à la mobilisation des médecines complémentaires adaptées sur le lieu de travail, au soutien à l'activité physique, aux conseils en nutrition, à l'offre gratuite de produits alimentaires de qualité et cultivés en proximité ou un accès à des pratiques culturelles...

Mais au-delà de ces attentions, c'est aussi la question du logement et des transports qui est posée. En Île-de-France, l'AP-HP s'est lancée dans une politique d'aide à l'accès à des logements peu onéreux et situés à proximité des lieux d'exercice d'infirmiers ou d'aides-soignants. Les bailleurs sociaux, qui accueillent nombre de personnes âgées fragilisées ou touchées par le handicap et aussi une grande partie des professionnels du domicile et du soin, développent des politiques spécifiques. Il faut prendre soin de ceux qui prennent soin.


01/07/2024  - Billet

La victoire appartient au plus opiniâtre

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01/06/2024  - Toucher

Découvrir le corps

Toucher des corps qui ne sont ni les nôtres ni ceux des proches aimés. Les couvrir et les découvrir, au gré des soins et des besoins de chacun. Les toucher avec pudeur et respect, dans l'intimité d'une chambre. C'est notre quotidien de soignants, qui prenons soin de ceux qui ont besoin d'assistance pour les actes simples de la vie.
01/06/2024  - Partie I

Virage domiciliaire: Les risques du tête à queue...

Le « virage domiciliaire » est une formule qui sent bon la novlangue administrative et le poncif bureaucratique. Voici des années que ce virage est annoncé, que de nombreuses caravanes publicitaires stationnent sur les aires d'autoroute de la seniorisation... Pour autant, le bilan est maigre.
16/05/2024  - Billet

Éloge du temps

Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles. ...
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...