Depuis le début de l'année, la Fédération Hospitalière de France (FHF) a exprimé à plusieurs reprises de grandes inquiétudes sur les modalités d'application et les impacts financiers de la réforme budgétaire et financière des EHPAD. Retour sur la situation des établissements publics avec Annie Lelièvre, responsable du Pôle Autonomie de la FHF.
"Les EHPAD publics ont besoin d'une convergence tarifaire vers le haut"
La Fédération Hospitalière de France (FHF) a créé en mai 2016 un Pôle Autonomie consacré au secteur du handicap et du grand âge. Quel bilan un an après ?
Annie Lelièvre?: Le Pôle Autonomie de la FHF est désormais mieux identifié, plus visible auprès de nos adhérents médico-sociaux, des partenaires extérieurs et des instances ministérielles. Durant cette année, nos priorités et nos préoccupations ont été très en lien avec l'actualité de la réforme de la tarification des EHPAD. Nous avons par exemple mis en place et déployé courant mars un kit CPOM/EPRD pour renforcer l'accompagnement des établissements dans l'appropriation de ces outils. Le Pôle Autonomie permet de travailler sur la question du grand âge de manière transversale sur l'ensemble des dossiers (espace éthique de la FHF, ressources humaines, développement durable, innovation et nouvelles technologies, télémédecine, sécurisation des établissements avec le plan Vigipirate, groupements hospitaliers de territoire, etc.). C'est un moyen de sortir la réflexion de la scission sanitaire/médico-social, de semer des "petits cailloux" pour que le champ du grand âge ne soit pas oublié. Cela contribue à nourrir une vision globale, cohérente des parcours pour construire un dispositif complémentaire et contenu dans l'accompagnement des personnes âgées. D'ailleurs, cette même logique de déverrouillage entre le secteur hospitalier et le médico-social imprègne la plateforme politique de la FHF 2017-2022 portée auprès des candidats à la présidentielle et les propositions destinées au prochain ministre de la Santé.
Fin mars, le conseil d'administration de la FHF a exprimé son inquiétude au sujet des déshabilitations "contraintes" à l'aide sociale des EHPAD dans certains départements et le "contexte de convergence des dotations dépendance". Avez-vous pu faire avancer ces dossiers??
A.L. - La FHF mène, depuis février, une étude d'impact du point GIR départemental sur les budgets des établissements. Les premiers résultats qui nous reviennent confirment notre inquiétude exprimée dès l'an dernier sur les risques de baisse des dotations dépendance. Cette diminution des moyens qui atteint pour certains établissements 20 à 30?% aura un effet dévastateur sur les taux d'encadrement déjà bien en deçà du ratio 1 professionnel pour 1 résident. Les EHPAD publics ont besoin d'une convergence des financements vers le haut et non d'une diminution forte des moyens.
Je rappelle que la FHF a été la seule fédération à s'être opposée à la création d'un point GMP départemental au moment du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (Cnoss) en juillet?2016. Nous avions alors alerté sur le risque d'iniquité territoriale pour les établissements. Nous souhaitons pouvoir disposer d'une étude juridique sur l'ensemble des conséquences statutaires, juridiques et fiscales induites par ces déshabilitations à l'aide sociale. Lors du Conseil de la CNSA le 20?avril, les fédérations membres du GR31 ont demandé une transparence dans les modalités de calcul du point GIR départemental. La présidence du Conseil de la CNSA a accepté l'idée d'un groupe de travail CNSA/DGCS/ADF et avec les fédérations du secteur sur la déshabilitation à l'aide sociale. La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) devrait également préparer une note sur l'impact juridique. Ces travaux permettront d'identifier de façon claire l'exhaustivité des incidences sur les établissements à moyen et long terme et d'élaborer ainsi un certain nombre de propositions pour sécuriser les établissements.
Quelles démarches la FHF a-t-elle entrepris auprès de l'Assemblée des Départements de France (ADF) sur ces sujets??
A.L. - La FHF a rencontré l'ADF il y un mois pour aborder la question des prestations socles, les modalités de la mise en place des CPOM, les déshabilitations contraintes à l'aide sociale dans certains départements et le point GIR dépendance. Concernant le socle minimal de prestations, la FHF a alerté l'ADF sur les risques liés au retrait de la prestation du traitement du linge du résident du tarif hébergement dans le cadre des conventions d'aide sociale. Selon l'enquête menée en 2016 par la FHF, 97?% des Ehpad publics incluent le blanchissage du linge dans le tarif hébergement, 29?% les soins esthétiques, 17?% les prestations coiffure et 16?% les prestations de pédicurie. Sortir la prestation du blanchissage du linge du résident du règlement départemental d'aide sociale aura pour conséquence un transfert significatif de la charge financière sur les personnes accueillies et leurs familles. Comment des résidents bénéficiaires de l'aide sociale qui ne disposent que de 80?euros mensuels de reste à vivre pourront-ils s'acquitter du coût de l'entretien de leur linge personnel, de prestations chez le coiffeur même à minima et acheter, pour certains d'entre eux, leurs paquets de cigarettes?? Les départements doivent prendre conscience que réduire l'accessibilité financière des établissements publics aura un effet domino sur le champ de la prise en charge à domicile.
La FHF a annoncé, en février, la préparation d'un Livre blanc "pour l'avenir du secteur médico-social public". Où en est la rédaction de ce document??
A.L. - Le travail se poursuit durant cette période de transition politique avec les élections présidentielles et législatives. Le Livre blanc devrait paraître à l'automne. Cette réflexion sera alimentée par l'état des lieux issu du terrain, la plateforme politique de la FHF pour 2017-2022 qui traite de la tarification du secteur et par la campagne budgétaire et tarifaire en cours. Le Livre blanc de la FHF comprendra un certain nombre de propositions législatives pour le nouveau cabinet ministériel afin de fixer le cap d'une nouvelle politique de la dépendance.