Dans le n° 25-octobre 2012  -  Chronique juridique  1024

Le nouveau droit du licenciement économique

Les Conseils de prud'hommes et les Tribunaux de grande instance sont saisis de plus en plus par les salariés et les organisations syndicales pour contester les licenciements économiques qui ont pris un essor considérable depuis que la crise s'est installée en France.

Les licenciements économiques, collectifs ou individuels sont parfois justifiés par la situation des entreprises. Il y a, dans certains cas, un effet d'aubaine, l'employeur préférant utiliser le motif économique à un motif personnel en arguant de la crise, ce qui n'est pas suffisant... La loi est assez rigoureuse sur la définition du motif économique et la jurisprudence a eu l'occasion à de nombreuses reprises, et très récemment, de définir les termes de l'article L. 1233-3 du Code du travail.

La définition du motif économique

Selon la loi, deux éléments doivent exister pour que le motif économique soit réel et sérieux, un élément originel et un élément matériel.

L'élément original

Le motif économique doit être non inhérent à la personne du salarié. L'entreprise doit connaître des difficultés économiques ou des mutations technologiques. Le licenciement peut résulter d'une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité. Enfin, le licenciement économique peut logiquement résulter de la cessation d'activité.

Un employeur qui transformerait un motif inhérent à la personne du salarié, car il existerait un dossier disciplinaire qui serait transformé en motif économique, ne serait pas recevable. Les difficultés économiques relèvent de la mise en redressement judiciaire bien entendu, mais également de l'état de cessation de paiement, de pertes financières importantes, de baisse d'activité de l'entreprise ou de baisse de rentabilité. Cependant, des difficultés passagères ou une baisse minime du chiffre d'affaires ne sont pas suffisantes. De même, le seul souci de réaliser des économies ou une baisse du chiffre d'affaires sur une année ne seraient pas suffisants. On doit donc considérer que l'appréciation du motif qui se fait à la date du licenciement doit résulter de problèmes importants et durables.

Dans certains cas qui ont défrayé la chronique, la question s'était posée de savoir si la fermeture de l'Hôtel Ritz, par exemple, pour travaux pendant 27 mois, pouvait constituer un motif économique.

Le motif le plus délicat à apprécier est sans doute la réorganisation de l'entreprise, nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Il s'agit en effet d'un mélange de motifs structurels et de menace de difficultés que doit apprécier le juge saisi ; l'employeur n'ayant pas nécessairement de difficultés réelles, mais procède à des licenciements pour éviter des difficultés futures.

L'élément matériel

Le premier élément matériel ou objectif clair est la suppression de l'emploi. Le licenciement serait abusif si le salarié était remplacé par un autre salarié avec un coefficient moins élevé, un salaire moindre, ou simplement parce que, suite à une fusion de sociétés il y aurait des doublons... La modification du contrat de travail est également un critère matériel du licenciement économique. L'employeur peut proposer une modification du contrat au salarié et, si celui-ci refuse la modification, le salarié pourrait être licencié pour motif économique. L'employeur est obligé de proposer à chaque salarié une modification d'un élément essentiel par lettre recommandée avec avis de réception et, à défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. Le refus de la modification du contrat de travail autoriserait l'employeur à licencier pour motif économique.

La sanction des licenciements dit boursiers

En l'espèce, suite à une décision du 3 mai 2012, dans une affaire célèbre VIVEO, la Cour de cassation a considéré que la procédure de licenciement, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ne pouvait être annulée en considération de la cause économique du licenciement, la validité du plan étant indépendante de la cause du licenciement lui-même. La Cour de cassation avait sanctionné la décision de la Cour d'appel qui, pour dire nul le plan de sauvegarde de l'emploi, avait considéré qu'il n'y avait pas de cause économique alors que le texte lui-même n'autorisait pas cette interprétation audacieuse.

Le Conseil de prud'hommes est compétent pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, mais la validité d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut s'apprécier qu'au regard des conditions de forme. Aujourd'hui, différentes instances sont en cours pour tenter de faire évoluer la loi en utilisant notamment la notion de fraude. Il n'est pas certain que la Cour de cassation revienne sur sa position, mais les différentes décisions rendues pourraient amener le législateur à modifier la réglementation et à autoriser ces contrôles a priori par les comités d'entreprise notamment. Le tout nouveau législateur pourrait en effet être tenté, afin de limiter les licenciements collectifs, de permettre un contrôle a priori des juges. On se souvient qu'il y a quelques années, le licenciement économique n'était possible qu'après une autorisation administrative. Y aura-t-il bientôt une autorisation judiciaire ?

09/05/2024  - CNSA

ESMS Numérique: un nouvel atlas des projets

17 000 ESSMS sont embarqués dans 684 projets visant à généraliser l'utilisation effective d'un dossier usager informatisé.
01/05/2024  - Coups de coeur/coups de gueule

Du côté des fédés

Ils vivent et commentent l'actualité. Chaque mois, retrouvez les coups de chapeau ou cris d'alarme de ceux qui animent le secteur.
01/05/2024  - Résolution de conflit

La médiation, pour un management innovant

Outil de résolution de conflit amiable qui se développe en France depuis les années 1970, la médiation aide les personnes et les organisations à trouver par elles-mêmes une voie de dialogue et d'apaisement. Explications.
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...
25/04/2024  - Ehpad publics

Hausse de 5%: «un ballon d'oxygène» pour la FHF

La FHF commente le projet d'instruction budgétaire 2024, présenté par le ministère le 22 avril aux fédérations du grand âge.
18/04/2024  - Rapport

Participation citoyenne directe: 12 propositions de l'Igas pour le champ du grand âge

Un rapport de l'Igas porte sur la place mais aussi la portée de cette forme d'implication directe des personnes dans trois politiques de solidarités qui les concernent, dont celle du grand âge, à côté des formes plus classiques de concertation avec les parties prenantes.
01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.