Dans le n° 87-décembre 2017  - VIE DE L'ÉTABLISSEMENT Métier  9643

Directeurs d'Ehpad : combien gagnent-ils?

On ne va pas dans le médico-social pour le salaire, diront les mauvaises langues. Mais encore ? À combien s'établit aujourd'hui la rémunération de ceux exerçant une fonction de direction d'un établissement médico-social (Ehpad) ? Selon le périmètre de responsabilité, le secteur d'exercice, mais aussi le profil (formation, diplôme, âge/expérience...), les salaires varient nécessairement. Enquête et perspectives d'évolution.

En France, le salaire moyen des cadres en poste est de 56 K€ (fixe + variable) selon l'édition 2017 de l'Apec1. Plus précisément, ce salaire moyen annuel brut est de 42 K€ pour les cadres exerçant des activités sanitaires, sociales et culturelles, de 51 K€ pour les fonctions d'administration, de gestion, d'organisation, tandis qu'il "grimpe" à 71 K€ pour les fonctions d'adjoint et de conseil de direction. Quant au salaire brut médian 2 de cette catégorie de professionnels (soit tous cadres confondus), il est de 48 K€ (fixe + variable).

Comme le souligne l'Apec, « l'âge est le déterminant principal du salaire », donc l'expérience professionnelle corrélativement. De plus, « la responsabilité hiérarchique et la gestion d'un budget exercent une influence sur le salaire des cadres de même que les caractéristiques de l'entreprise » (plus celle-ci est grande plus la rémunération est importante ; l'industrie propose des niveaux de rémunération supérieurs aux autres secteurs, dont celui des services par exemple). Notons enfin que le lieu de travail (Ile-de-France/province/étranger) influe également sur les niveaux de rémunération.

Mais ce qu'il faut retenir aussi et surtout, c'est la dispersion des salaires des cadres illustrant par là même une population très hétéroclite.

De 40 à 80 K€ pour les directeurs d'EHPAD

Dans le secteur médico-social commercial, la convention collective unique (CCU), et plus particulièrement la grille de classification de l'annexe spécifique aux EHPAD, prévoit plusieurs niveaux de rémunération des directeurs. La fourchette de rémunération oscille de 40 K€ pour les juniors sans expérience à 50-60 K€ annuels, les salaires pouvant atteindre jusqu'à 65-80 K€ pour les postes de direction régionale, à l'international ou en fin de carrière. « Le salaire minimum conventionnel, comme son nom l'indique, est un salaire plancher : l'expérience, l'ancienneté, les parcours de formation font qu'il est possible d'être au-dessus », explique Florence Arnaiz-Maumé, la déléguée générale du Synerpa (secteur privé commercial). Le salaire y serait ainsi d'environ 3135 € mensuel en moyenne3 , en début de carrière, sachant qu'il faut compter 10 à 20 % en plus lorsque l'exercice s'effectue en Ile-de-France.

Dans le secteur public (FPH)/associatif, les salaires sont un peu supérieurs, entre 50 et 80 K€ annuels selon notamment, là encore, la convention collective (CCN 51, CC Croix-Rouge française...) ou les grilles indiciaires du corps des directeurs d'établissements sanitaire, social et médico-social (D3S ou DESSMS, catégorie A, filière administrative) qui compte deux grades (classe normale et hors classe). Cette supériorité de rémunération s'expliquerait surtout par une délégation de pouvoir plus importante, sachant que la moyenne serait plutôt de 50 K€ variable incluse pour le secteur privé non lucratif. Dans le secteur public (FPH), selon les échelons fonctionnels, le traitement brut mensuel des D3S varie entre 2 000 € et 3 400 € en classe normale, et entre 2 900 € et 4 900 € hors classe.

À la rémunération fixe s'ajoute une part variable, de l'ordre de 5 à 10 % dans le secteur privé (soit environ un mois de salaire et jusqu'à 20 K€) où il s'agit pour l'essentiel de primes versées en fonction d'objectifs (qualité, budgétaires, financiers) atteints et/ou indemnités (de promotion, de carrière, différentielle, points supplémentaires pour sujétions spéciales). Autres avantages potentiels : la prévoyance, la participation, l'intéressement, le plan d'épargne entreprise (PEE), le plan d'épargne retraite collectif (PERCO), le téléphone, le véhicule de fonction (très rare, surtout pour les directeurs de région et/ou multi-sites)...

Des primes et indemnités diverses sont aussi à ajouter au salaire de base brut des directeurs du secteur public. Entre autres, la prime de fonctions et de résultats (PFR), l'indemnité pour les astreintes (IA), celle de résidence, la nouvelle bonification indiciaire (NBI)4... On en compte au total près d'une vingtaine.

L'ancienneté est aussi un élément qui peut venir s'ajouter à la rémunération. C'est le cas notamment dans le secteur privé commercial où elle s'élève à 1 % par an.

Reste que « le diplôme (l'exigence de qualification des dirigeants des établissements et services sociaux et médico-sociaux a été revue à la hausse depuis le décret de 2007 avec un niveau 1 requis, soit Bac+5 - NDLR), l'expérience professionnelle et le périmètre de responsabilité constituent le triptyque des éléments du salaire », précise Jean-Marie Dupré, DRH de Mutuelle MBV, privé non lucratif. « La gestion d'un établissement de 60 lits n'est en effet pas la même que celle d'un autre de 120 lits ou celle encore d'une direction multi-sites », poursuit ce dernier. De la même manière, la responsabilité/gestion directe ou la délégation de pouvoir impliquent des obligations, des charges différentes.

Des évolutions internes multiples...

Une fois en poste, quelles sont les voies d'évolution possibles pour ces directeurs ?

Dans le privé commercial, « les bons éléments [mais qui n'ont pas le niveau de qualification requis, NDLR] peuvent être formés dans des écoles de commerce. Ils démarrent avec un profil d'adjoint pendant quelques mois puis, une fois leur formation achevée, sont propulsés sur des sites », explique Florence Arnaiz-Maumé. « Cette tendance qui s'observe depuis 5-10 ans est une entrée en matière dans le secteur, un tunnel de formation qui s'offre aux jeunes », poursuit-elle.

Pour ceux occupant déjà des fonctions de direction d'établissement, la mobilité sur le territoire national peut être une option d'évolution en interne.

Autres possibilités de progression professionnelle : les directions multi-sites ou de plus forte dimension mais aussi désormais les postes de coordination régionale sur lesquels des directeurs régionaux viennent en appui de ceux d'autres sites environnants ou multi-sites. « Ces postes se développent au fur et à mesure que les groupes grandissent », observe la déléguée générale du Synerpa. « Chez Colisée, ces postes, ouverts aux directeurs ayant au moins 3 ans de direction d'établissement à leur actif et pour ceux à fort potentiel, s'inscrivent dans un parcours d'évolution et de formation de l'ordre de 18 à 24 mois qui mixte développement personnel, mise en situation professionnelle et accompagnement sur le management », indique Estelle Prot, DRH du groupe.

Le secteur de l'aide à domicile se révèle aussi une autre opportunité d'évolution au sein de ce groupe qui se diversifie. Certes, cela reste encore marginal mais « le développement de passerelles » est en cours. « Un directeur d'EHPAD du groupe est en passe de devenir directeur régional sur ce secteur de l'aide à domicile », précise ainsi la DRH.

De même, le secteur du handicap est-il encore une autre des possibilités d'évolution offertes aux directeurs d'EHPAD.

Last but not least l'international, là encore pour le secteur privé commercial qui peut s'enorgueillir d'exporter « un modèle français co-construit par les professionnels et les pouvoirs publics », remarque Florence Arnaiz-Maumé. Initialement présents en Belgique, en Allemagne (Korian 1er opérateur dans le pays), en Italie, les groupes français sont aujourd'hui implantés au Canada (Domusvi), en Chine (Orpea, Colisée...), en Autriche, en République tchèque, en Pologne, au Portugal, au Brésil... Et plus ils s'étendent à l'étranger plus ils ont besoin de cadres "maison" pour valoriser leurs savoir-faire et expertises.

... voire dans le sanitaire !

On notera enfin que le secteur sanitaire peut aussi être un potentiel vivier d'opportunités pour les directeurs d'Ehpad : « Tous les directeurs SSR du groupe ont eu une expérience en EHPAD et clairement des directeurs d'EHPAD sont intéressés par les soins de suite et de réadaptation (SSR) », indique Estelle Prot. En moyenne, dans le secteur privé, un directeur de clinique de type SSR peut gagner entre 50 et 70 K€, entre 65 et 110 K€ en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Certes « les rémunérations peuvent être supérieures, de l'ordre de 10 % maxi en plus pour les directeurs SSR ». Pour autant, « le métier est différent, prévient la DRH. La relation au temps y est autre ; il s'agit avant tout de lieux de soins, et le management des médecins et des équipes soignantes n'est pas comparable à celui pratiqué en EHPAD ». Même constat pour la déléguée générale du Synerpa : « L'évolution vers le MCO, le SSR, est un des mouvements que l'on constate évidemment. Cela tient aussi à la diversification de l'offre que proposent nos adhérents qui peuvent apporter à leurs directeurs(trices) des évolutions de carrière très diversifiées. »

Il n'empêche, aujourd'hui le salaire ne fait pas, ne fait plus tout. C'est un élément parmi d'autres. Ceci est vrai pour la plupart des secteurs et peut-être plus encore dans le médico-social, très porteur de sens, de valeurs fortes aujourd'hui recherchées par nombre de cadres et les nouvelles générations notamment. À bon entendeur...

Danielle Julié - Richard Capmartin

Cabinet RC Human Recruitment


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