Dans le n° 115-avril 2020  10976

Coronavirus et société du soin

Le nouveau monde c'est maintenant... Le réveil de la pandémie dans nos sociétés modernes, hypertechnologistes et productivistes, marque le retour du tragique... et de la modestie.

Nous sommes dans une société qui veut toujours avoir raison, avoir raison tout de suite... Avec le coronavirus, les certitudes vacillent, l'anxiété augmente et ce qui hier apparaissait impossible devient possible et nécessaire.

Sur un plan de politique globale, le coronavirus remet en cause des fondamentaux idéologiques qui se voulaient immuables : on ferme les frontières à l'extérieur et à l'intérieur de l'Europe, ou encore, on sort de la règle sacro sainte des 3% de déficit budgétaire, on évoque la (re)nationalisation de certaines entreprises, une limitation des licenciements, le président reparle de l'État Providence, etc. Sans oublier l'abandon de la réforme des retraites qui était présentée comme une urgence absolue... Ce n'est pas rien ces retournements et cela laissera des traces pour ensuite.

Est-ce le retour du care ?

D'un seul coup, la question de la santé redevient une question de santé... Pas juste une question budgétaire... Le président Macron, dans ses allocutions, a insisté dès le début sur le « quoi qu'il en coûte » pour lutter contre le virus délétère. On découvre la nécessité d'un personnel soignant hyper impliqué et la nécessité vitale de disposer de forces humaines compétentes et en nombre. Sans doute que les Français et les professionnels du soin s'en souviendront lorsque la grande crise sera passée. Il s'agira aussi de penser une autre organisation moins administrative, des normes moins rigides, des équipements en santé mieux adaptés, des personnels de soin et d'accompagnement mieux soutenus et plus nombreux...

Pour revenir aux effets de long terme, l'exemple de ces assouplissements qui sans doute resteront, sous certaines conditions, comme par exemple la possibilité de se faire délivrer un médicament sur ordonnance en pharmacie sans repasser par le médecin à chaque fois.

Mais beaucoup plus largement, le changement concernera la question du care . La saturation des services de réanimation montre bien que le cure a besoin d'être soutenu - et reste un enjeu majeur d'une politique de santé publique. Pour autant, la (re)découverte du rôle majeur des professionnels du soin ou la prise en compte du nombre de personnes âgées fragilisées devant être protégées, marque le retour d'une culture du care. Une culture qui passe par des moyens nouveaux et- plus encore- une considération renforcée pour les métiers du soin et de l'accompagnement. Une considération, y compris pécuniaire, pour les activités et actions concernant la santé et le bien être des personnes.

Plus encore, l'incitation d'abord, l'obligation ensuite, d'attention à soi pour ne pas contaminer les autres, renvoie directement à cette éthique de la sollicitude, qui peut être une définition de l'esprit du care. Le care, c'est aussi la notion de « soin mutuel ». Être attentif à soi, c'est bien ce qui a été demandé à chacun pour combattre à son niveau la propagation du virus. D'une certaine manière, la pandémie en imposant la conscience de l'autre, recréé du commun, donne, au moins à une partie de la population, le sentiment d'un destin collectif. Et si la pandémie allait nous permettre d'inventer ensemble la société solidaire de l'attention bienveillante ?

Serge Guérin

Professeur à l'Inseec SBE directeur de MSc « Directeur des établissements de santé ». Auteur de Les Quincados , Calmann-Lévy, 2019 et co-directeur de Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour et Contre ?, Michalon, 2019

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.