Dans le n° 68-mai 2016  -  Les risques au travail  5610

Compte prévention pénibilité : comment appliquer la loi en Ehpad ?

Présenté comme un nouveau levier pour diminuer la pénibilité au travail et, en particulier, l'exposition à dix facteurs de risques professionnels, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est progressivement mis en oeuvre depuis le 1er janvier 2015. Il repose sur l'identification par l'employeur des salariés - de droit privé - pour lesquels l'exposition à un ou plusieurs facteurs dépasse des seuils annuels prédéfinis. Focus sur ce dispositif qui a vocation à s'appliquer notamment dans les Ehpad à but non lucratif et ceux du secteur privé commercial.

La pénibilité au travail se caractérise par une exposition, au-delà de certains seuils, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels - liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail - pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé.

En Ehpad, ces facteurs de risques sont potentiellement liés aux manutentions manuelles de charges qui induisent chez les personnels des lombalgies et troubles musculo-squelettiques, première cause d'arrêt de travail et d'inaptitude, à certains agents chimiques, au travail de nuit...

Grands principes et cadre législatif

Créé par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, le dispositif de prévention de la pénibilité prévoit pour les salariés du secteur privé exposés à certains facteurs de pénibilité l'élaboration d'une fiche de prévention et la création d'un compte personnel de prévention de la pénibilité. Alimenté en points (plafonné à 100 points sur l'ensemble d'une carrière), ce dernier permet aux intéressés de financer des formations pour accéder à des postes moins ou non exposés à la pénibilité, de passer à temps partiel sans baisse de salaire, ou encore, d'anticiper jusqu'à deux ans leur âge de départ à la retraite.

Le dispositif a depuis été assoupli. La fiche individuelle de prévention est désormais remplacée par une déclaration dématérialisée via le logiciel de paie - et les employeurs peuvent appliquer des référentiels professionnels de branche homologués pour évaluer plus facilement l'exposition de leurs salariés à la pénibilité (réévalués a minima tous les cinq ans). De même, les seuils de pénibilité ont été modifiés pour les facteurs bruit et travail répétitif. La mise en place complète du compte a été décalée au 1er juillet 2016 (décrets d'application n°2015-994 du 17/09/2015; décret n°2015-1885 du 30/12/2015 relatif à la simplification du CPPP et décret n°2015-1888 du 30/12/2015 modifiant certains facteurs et seuils de pénibilité).

Qui est concerné ?

Le dispositif concerne les salariés de droit privé affiliés au régime général de la Sécurité sociale ou à la Mutualité sociale agricole (MSA) disposant d'un contrat de travail (CDI, CDD, intérim, apprentissage...) d'au moins un mois et remplissant les conditions d'exposition aux facteurs de pénibilité. En Ehpad, les salariés du secteur privé sont concernés par ce dispositif, mais pas les salariés sur secteur public.

Facteurs et seuils de pénibilité retenus

Dix facteurs de pénibilité ont été retenus. Ils sont définis par une intensité et une temporalité (mesurée par une durée d'exposition en heures ou une fréquence). Les seuils sont appréciés après prise en compte des moyens de protection collective et individuelle mis en oeuvre par l'employeur.

Quatre facteurs ont déjà été mis en place depuis le 1er janvier 2015. Il s'agit du travail :

- de nuit (au moins 1h de travail entre minuit et 5h du matin)/seuil de 120 nuits par an. À savoir : " lorsque [...] l'employeur apprécie l'exposition d'un travailleur au travail de nuit, il ne prend pas en compte les nuits effectuées dans les conditions du travail en équipes successives alternantes " (article D. 4161-3 du code du travail) ;

- en équipes successives alternantes/seuil de 50 nuits par an ;

- répétitif (caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l'exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte)/seuil de 900 h par an ;

Les six autres facteurs applicables au 1er juillet 2016 sont :

- les manutentions manuelles (lever ou porter, pousser ou tirer, déplacement du travailleur avec la charge ou prise de la charge au sol ou à une hauteur située au-dessus des épaules, cumul de manutentions de charges)/seuil de 600 h par an ;

- les postures pénibles (positions forcées des articulations)/900 h par an ;

- les vibrations mécaniques/450 h par an ;

- les agents chimiques/seuil déterminé à partir d'une grille d'évaluation spécifique ;

- les températures extrêmes/seuil de 900 h par an ;

- le bruit (période de référence de huit heures d'au moins 81 décibels)/seuil de 600 h par an.

Comment déclarer ?

Le dispositif ne nécessite pas de déclaration supplémentaire de la part de l'employeur. Pour chaque salarié, celui-ci déclare via ses déclarations sociales - déclaration sociale nominative (DSN), déclaration annuelle des données sociales (DADS) ou déclaration trimestrielle de salaire (DTS) - le ou les facteurs de pénibilité au plus tard le 31 janvier de l'année suivant celle de l'exposition. En pratique, il lui suffit de sélectionner, dans la déclaration, sous la rubrique "S 65 - données annuelles" le ou les facteurs auxquels le salarié a été exposé sur l'ensemble des périodes d'activité.

Les périodes d'exposition correspondent au contrat (pour un CDI, la période d'exposition correspond à la totalité de l'année civile). Les facteurs d'exposition sont déclarés contrat par contrat.

À savoir :

- des modalités transitoires sont prévues pour les entreprises n'utilisant pas la DSN pour leurs déclarations ;

- en cas d'erreur, l'employeur peut rectifier la déclaration initiale relative à l'exposition, dans un délai de 3 ans dans le cas où la rectification est faite en faveur du salarié et dans les autres cas jusqu'en avril de l'année qui suit celle au titre de laquelle elle a été effectuée ;

- l'absence de référentiel au sein d'une branche ne constitue pas une dispense de déclaration. Ainsi si ses salariés étaient exposés à l'un ou plusieurs des 4 facteurs de pénibilité concernés en 2015 (voir ci-dessus), l'employeur devait donc déclarer l'exposition à ces facteurs sur sa DADS, DSN ou DTS avant le 31 janvier dernier (1).

Quelles cotisations ?

- Une cotisation de base (taux fixé à 0,01 % de la masse salariale), effective seulement à partir de 2017, sera due par tous les employeurs de droit privé (à l'exception des particuliers employeurs) au titre de la solidarité interprofessionnelle.

- Une cotisation additionnelle sera due par les entreprises employant des salariés exposés. Son taux est différencié selon l'exposition : 0,1 % pour un seul facteur pour 2015 et 2016, puis 0,2 % à compter de l'exercice 2017 et 0,2 % pour plusieurs facteurs pour 2015 et 2016 et 0,4 % à compter de 2017.

Richard CAPMARTIN,

Président/Directeur Associé du Cabinet RC Human Recruitment, Cabinet de Conseil en Recrutement et d'Approche directe des professionnels de santé, notamment dans le secteur du médico-social "

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