Ces designers ont eux aussi placé les usagers au coeur de leur réflexion - analyse des usages, conception collaborative pour tester les solutions - et cherché la réponse la plus juste tout en renouvelant les modèles établis.

La réponse ? Des trames d'accrochage installées à demeure sur les murs avec des meubles et objets suspendus à des hauteurs personnalisables, téléviseur, cadres, porte-manteaux... la modularité permettant de s'adapter sans stigmatisation aux pertes d'autonomie des personnes âgées. Un important avantage fonctionnel a fait consensus : l'espace libéré au sol facilite la circulation des résidents avec canne, déambulateur ou fauteuil mais aussi l'entretien par le personnel et l'accès des soignants lors des transferts.

Les designers ont fait appel à Ligne Roset, fabricant français haut de gamme, pour prototyper les meubles puis les fabriquer. Alliant praticité et esthétique, ils sont solides et élégants, avec des angles arrondis pour ne pas blesser en cas de chute et des portes ou façades de couleurs différentes pour aider la mémorisation spatiale. Pour faciliter la préhension, surtout en cas de troubles cognitifs, la poignée est identique d'un meuble à l'autre.

Résultat : une chambre de 20 m2 aux espaces animés par les trames et à l'ambiance hôtelière grâce à la chaleur du bois, la rondeur des meubles, la douceur des couleurs... et dans laquelle vivent déjà plusieurs dizaines de personnes âgées.

La conception de la chambre d'Ehpad ne relève pas du seul exercice de style. Elle se diffuse. Elle a en effet participé du projet innovant de Cité des Aînés développé par le groupe mutualiste Aésio Santé « à partir d'une page blanche » et pour « révolutionner les codes de prise en charge des personnes âgées ». Il s'est déjà concrétisé par l'ouverture de trois Cités des Aînés en 2019, 2020 et 2021 à Saint-Étienne, Montpellier et Valence.

« Nous avons mené une enquête sur cette chambre en septembre 2021 : le taux de satisfaction chez ses occupants est de 95 % ! » se félicite Umu Kofalak, directrice de la Cité des Aînés de Saint-Étienne, primée au concours Villes amies des aînés 2021. Sur les 159 chambres de l'Ehpad, 70 chambres sont « tramées », réparties dans tous les services et pour tous les GIR : maison de retraite, personnes handicapées avancées en âge et unité de grande dépendance - seule exception, l'unité de vie protégée pour personnes Alzheimer déambulantes.

Chaque personne âgée entrante est accueillie, sa famille aussi, pour qu'elle s'approprie intimement l'espace et son aménagement, qu'elle se sente chez elle. Un ergothérapeute l'accompagne ensuite selon la régression de sa mobilité. « Avec un peu plus de deux ans de recul, certes moins que la durée moyenne de séjour de 2,5 ans et malgré l'impact de la crise sanitaire, nous pouvons tirer des enseignements intéressants, poursuit la directrice. Chaque chambre est vraiment personnalisée par la personne âgée, ce qui participe indéniablement de son bien-être, et l'ambiance y est "non hospitalière" ; du côté des équipes, la libération des espaces (absence de pieds de table), facilite l'entretien au quotidien même s'il y a des surfaces hautes à nettoyer (avec une fréquence moindre) et rien ne gêne le passage et les manipulations des soignants. »

La chambre a évidemment essaimé dans les deux autres Cités des Aînés et commence à intéresser d'autres Ehpad... Et pendant ce temps, parce que le futur c'est déjà demain, dans le cadre d'un partenariat entre Aésio Santé et l'École des Mines de Saint-Étienne, une autre innovation, encore en phase expérimentale, est testée par un résident GIR 4 : un lit high-tech issu de nombreuses séances de design thinking. Nul doute que nous y reviendrons !