Une enquête menée auprès de 384 professionnels hospitaliers par le Pr Thibaud Damy (Hôpital Henri-Mondor, Créteil) dresse un constat alarmant : près d'un soignant sur deux présente un niveau élevé d'épuisement professionnel, tandis que plus de 90 % montrent des signes de décrochage émotionnel.
Une étude révèle l'ampleur de l'épuisement émotionnel des soignants à l'hôpital
Les chiffres sont sans appel. Parmi les soignants interrogés, majoritairement des femmes (90 %) disposant d'une solide expérience (16 ans d'ancienneté en moyenne), 48,1 % présentent un épuisement professionnel élevé et 92,3 % un taux de dépersonnalisation considéré comme alarmant par les auteurs de l'étude.
Des conditions de travail dégradées
Le quotidien de ces professionnels se caractérise par des semaines dépassant régulièrement 37 heures, avec des pointes au-delà de 50 heures pour certains. Si les relations au sein des équipes demeurent globalement satisfaisantes, les tensions avec l'administration sont manifestes : plus de trois quarts des répondants qualifient ces relations de moyennes ou mauvaises. Un soignant sur trois déclare par ailleurs des conflits au travail.
Face à la mort, un vide institutionnel
Confrontés en moyenne à 27 décès par an, dont près de 15 % de morts brutales, les soignants se retrouvent largement démunis. Près de 64 % estiment ne recevoir aucun soutien institutionnel lors du décès d'un patient. Plus frappant encore : 93,44 % jugent leur formation à l'accompagnement de fin de vie insuffisante.
Une santé mentale fragilisée
L'exposition émotionnelle laisse des traces profondes. Plus de la moitié des répondants déclarent des pensées intrusives, plus d'un tiers souffrent de troubles du sommeil, et 52,8 % présentent une hyperactivation physiologique durable. L'échelle IES-R, utilisée pour évaluer le stress post-traumatique, révèle que 15 % des soignants affichent un score compatible avec un traumatisme sévère.
La relation au patient, dernier rempart
Dans ce tableau préoccupant, une donnée résiste : 83 % des soignants considèrent leurs relations avec les patients comme bonnes. Ce lien constitue encore une source de sens et d'énergie, mais il ne saurait à lui seul compenser les défaillances structurelles du système.
Les auteurs de l'étude appellent à des mesures concrètes : renforcement de la formation à la fin de vie, allègement des charges de travail, investissement dans la santé mentale des professionnels et mise en place d'un véritable soutien institutionnel.
