Dans le médico-social comme dans la santé, attirer de nouveaux patients ou résidents reste un enjeu majeur. Mais les garder, les accompagner dans la durée, est tout aussi stratégique.
Acquisition et fidélisation : un virage stratégique pour le médico-social
Longtemps, l'acquisition et la fidélisation des patients, résidents ou familles ont été reléguées au second plan. Dans un secteur centré avant tout sur la qualité des soins et de l'accompagnement, ces dimensions étaient jugées accessoires, presque « commerciales ». Mais le contexte a changé. La concurrence entre établissements s'intensifie, les usagers - mieux informés et plus exigeants - attendent davantage de personnalisation et de considération. Parallèlement, la digitalisation bouleverse les habitudes de recherche et de communication, tandis que l'image employeur devient un critère déterminant pour attirer et retenir les soignants. Autant de raisons qui poussent aujourd'hui les directions à considérer l'acquisition et la fidélisation non plus comme des options, mais comme des leviers stratégiques pour assurer à la fois leur attractivité et leur pérennité.
Les nouvelles techniques d'acquisition
Aujourd'hui, la recherche de soins commence en ligne. Visibilité et crédibilité passent donc par le marketing digital ciblé : SEO local, campagnes Google ou réseaux sociaux... Aux États-Unis, la Mayo Clinic attire même des patients étrangers grâce à ces outils.
Autre levier incontournable : l'e-réputation. Dans un secteur fondé sur la confiance, avis et commentaires en ligne pèsent lourd. Répondre avec empathie, encourager les retours positifs et surveiller sa présence numérique deviennent des réflexes indispensables. En Allemagne, la plateforme Jameda* s'est imposée comme un outil de visibilité pour praticiens et établissements. Les contenus éducatifs complètent la panoplie : blogs, vidéos ou webinaires renforcent l'image d'expertise et d'innovation. Certains Ehpad n'hésitent plus à publier sur YouTube ou Facebook des témoignages ou présentations de pratiques de soins. Enfin, les partenariats locaux - avec médecins, pharmaciens, hôpitaux ou associations - créent des synergies puissantes, comparables à celles du retail.
La fidélisation, levier souvent sous-estimé
Dans la santé, on pourrait croire la fidélité « imposée » par la situation médicale. C'est faux. La fidélisation est un atout économique, qualitatif et humain. Certes, il n'est pas question de programmes à points comme dans la grande distribution. Mais des services additionnels - bilans gratuits, ateliers de prévention - renforcent la relation et l'engagement.
Des bénéfices concrets
- Réduction des coûts. Fidéliser coûte cinq à sept fois moins cher qu'acquérir un nouveau patient. Le départ d'un résident vers un autre Ehpad entraîne démarches, communication, visites... un cycle coûteux que de simples attentions - un SMS d'anniversaire, une fleur offerte - peuvent souvent éviter.
- Amélioration de la qualité. Une relation durable instaure confiance et continuité. Au Canada, un réseau de cliniques a montré que les patients suivis sur plusieurs années observaient mieux leur traitement (+25 %).
- Ambassadeurs naturels. Les familles satisfaites deviennent les meilleures prescriptrices. Au Japon, certaines maisons de retraite ont mis en place des services de conciergerie pour les familles, générant plus de 80 % de recommandations.
- Accélérateur d'innovations. Des résidents fidèles acceptent plus facilement de tester de nouveaux services : télémédecine, suivi connecté, réalité virtuelle... Des expérimentations qui, une fois validées, peuvent être déployées à grande échelle.
- Renforcement du lien quotidien. Un accueil chaleureux, une administration fluide, une personnalisation du parcours sont autant de facteurs qui nourrissent la confiance et ancrent la fidélité.
Acquérir attire, fidéliser construit
En définitive, l'acquisition reste indispensable, mais c'est la fidélisation qui consolide la réputation, favorise l'innovation et crée un cercle vertueux entre patients, familles et équipes. Dans un secteur où l'humain prime, elle devient plus qu'une stratégie : une philosophie de relation durable.
La fidélisation, un atout aussi pour les équipes
Dans un contexte de pénurie de soignants, la fidélité des patients et des familles dépasse la seule dimension économique : elle participe aussi à la motivation des professionnels. Des équipes qui voient les bénéficiaires revenir, exprimer leur confiance et partager leur satisfaction se sentent davantage valorisées et reconnues. Cette continuité nourrit le sens de leur mission et renforce l'engagement dans une relation durable. En France, un réseau de soins à domicile observe ainsi une corrélation entre fidélité des usagers et stabilité du personnel. Même si ces données ne sont pas encore publiées de manière officielle, elles mettent en lumière un cercle vertueux trop souvent sous-estimé : la satisfaction des uns alimente la fidélité des autres.
Créer des ponts intersectoriels : quand le médico-social s'inspire d'ailleurs
Et si le médico-social s'autorisait à s'inspirer d'autres secteurs pour enrichir sa relation avec les usagers ? L'objectif n'est pas de copier, mais d'adapter des pratiques éprouvées afin de mieux répondre aux attentes des résidents, des patients et de leurs familles.
Le numérique en éclaireur. Sur les plateformes de streaming, l'acquisition passe par l'essai gratuit, la fidélisation par la personnalisation. Dans nos établissements, cela pourrait se traduire par des dépistages gratuits, des newsletters ciblées ou encore des suivis digitaux adaptés aux profils.
Grande distribution : l'art de fidéliser. Promotions, cartes et exploitation des données clients ont transformé les habitudes de consommation. Dans le médico-social, ces logiques peuvent inspirer des outils de suivi digital ou de relation continue, au bénéfice de la satisfaction et de la confiance.
Leçon de l'hospitality. Certains groupes ont déjà transposé le confort hôtelier dans leurs établissements haut de gamme. Résultat : une expérience résidente valorisée, des prix rehaussés et une relation recentrée sur la qualité de vie au quotidien.
Un cadre contraignant. Le secteur reste toutefois soumis à des règles spécifiques - protection des données de santé, contrôles des tutelles, procédures administratives - qui limitent les marges de manoeuvre et ralentissent l'innovation.
Cap vers une culture client. Une transformation est pourtant en cours : IA ciblée, simplification grâce à « Mon espace santé » ou ICOPE, communautés de résidents et familles... autant de pistes pour fluidifier l'expérience usager. Le défi ? Développer une véritable culture client, sans trahir l'humanité et l'éthique qui fondent la relation de soin.
Et demain. Santé connectée, IA prédictive et personnalisation avancée ouvriront de nouvelles perspectives. Mais cette évolution ne pourra se faire qu'en préservant trois piliers essentiels : confiance, transparence et éthique. Car mieux connaître les résidents - leurs goûts, leurs habitudes, leurs besoins de santé - ne doit jamais se faire au détriment du respect et du bien-être.
Eric Castelnau
Président de SENS & Partners
Administrateur du SYNAPSE
