Dans le n° 99-décembre 2018  - Benoît Calmels, délégué général de l'UNCCAS  10204

« Les CCAS auront les cas les plus lourds à gérer alors qu'ils ont les contraintes les plus fortes »

L'UNCCAS a constitué, d'octobre à fin novembre, un groupe de travail sur la réforme de la tarification des EHPAD et la convergence tarifaire. Les conclusions de cette réflexion viendront alimenter la concertation "« Grand âge et autonomie". Quelles sont les attentes des établissements du secteur de la fonction publique territoriale ? Éléments de réponse avec Benoît Calmels, délégué général de l'Union nationale des CCAS et CIAS.

Qu'attend l'UNCCAS de la concertation « Grand âge et autonomie » ?

L'UNCCAS attend moins de la concertation « Grand âge et autonomie » que du projet de loi "Grand âge" promis pour la fin du premier semestre 2019. Sur ces questions de financement, le bât qui blesse, c'est Bercy, dont le rôle d'argentier est de limiter les dépenses. Bercy ne va pas mettre son "verrou" au moment de la concertation mais au moment de la discussion parlementaire du projet de loi, ce qui risque de bloquer les choses. On a trop vécu de promesses de grands soirs qui se sont transformés en petits exercices de tarification. On a rencontré trop de ministres qui nous ont promis la solvabilisation de la dépendance. C'est la première fois que l'on entend un Président de la République parler du financement de la dépendance alors qu'il se faisait reprocher de n'avoir aucune mesure sur cette question dans son programme de candidat aux élections présidentielles. Nous espérons que les engagements seront tenus.

La concertation compte notamment dix ateliers de travail. Quels sont ceux auxquels l'UNCCAS participe ?

L'UNCCAS contribue à l'atelier sur les métiers et à celui sur le cadre de vie, qui traitera plus particulièrement du parcours de la personne âgée dans la cité.
Au regard des thématiques des dix ateliers, nous sommes optimistes mais circonspects car les débats sont axés à nouveau sur des points techniques alors que la question centrale du financement de la dépendance, estimée par le Président de la République lui-même entre 7 et 9 milliards d'euros, a totalement disparu. Pour que les professionnels soient bien payés, il faut des sous. Pour que les personnes âgées soient bien soignées et bien accompagnées, il faut des sous. Les pouvoirs publics réfléchissent à la tarification, à créer des fonds d'urgence ou de soutien mais la question du "comment on finance ?" n'a toujours pas été réglée. Quelle est la philosophie politique ? Est-ce que l'on considère que la dépendance des personnes âgées est une problématique nationale et relève donc de la solidarité nationale et possiblement d'un cinquième risque ? Les pouvoirs publics sont en train d'imaginer des solutions dans un système qui lui-même ne peut plus tenir. Nous espérons que cette question du financement va vite réapparaître dans les débats car il ne faudrait pas que la future loi "Grand âge" ne débouche au final que sur un groupe de travail entre la Direction générale de la cohésion sociale [DGCS] et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie [CNSA] pour réformer la tarification des EHPAD.

Quelles solutions sur la question du reste à charge ?

Nous ne sommes pas certains que la question du reste à charge soit la priorité des discussions diverses et variées. On a même l'impression de noter un sourire gêné dans les cabinets ministériels quand on aborde cette question. Aujourd'hui, statistiquement parlant, les personnes retraitées sont, en moyenne, dans les classes sociales les plus aisées, car elles ont du patrimoine. Mais nous savons que les populations retraitées qui vont arriver, dans les 10 et 20 années à venir, vont être précaires, avec de plus en plus de difficultés financières. Les CCAS vont devoir prendre en charge des personnes non solvables, avec des pathologies lourdes, des problématiques psychiatriques. Ils auront les cas les plus lourds à gérer alors qu'ils ont les contraintes les plus fortes. Ils vont subir un "effet ciseaux" alors que leurs principaux financeurs, les départements, subissent eux-mêmes déjà un "effet ciseaux" du fait de ressources de plus en plus faibles et de dépenses sociales de plus en plus importantes. Les CCAS ont un vrai rôle à jouer pour maintenir ces services sur des zones non pourvues et aider des populations qui ne sont pas solvables. Si on n'aide pas le service public à le faire, les élus, dont certains ne sont pas loin de la fronde sur certains secteurs géographiques, vont arrêter de gérer ces services d'aide à domicile, les résidences autonomie et les EHPAD. Cela constitue un vrai risque pour les populations des zones rurales ou excentrées ou pour les populations très précaires ou en grande fragilité dans les zones urbaines. Attention à ne pas trop tirer sur la corde car le jour où on n'aura plus le service public sur ces zones-là, personne d'autre ne le fera. Nous avons rencontré Agnès Buzyn [ministre des Solidarités et de la Santé] et Marie-Anne Montchamp [Présidente de la CNSA] qui ont été attentives à ce point. Le Premier ministre a rappelé lors de son discours au congrès de l'UNCCAS [le 15 octobre à Nantes] que les CCAS et les CIAS étaient des acteurs essentiels de la cohésion sociale.

Le modèle de l' "EHPAD de demain" doit être également un point central de cette concertation. Quelles évolutions pour les structures ?

Est-ce que le "modèle EHPAD" ou le "modèle résidence autonomie" actuels sont encore pertinents pour répondre aux besoins et attentes des personnes âgées ? Les EHPAD ont tendance, de plus en plus, à devenir des annexes d'hôpitaux dans lesquels on permet aux personnes âgées d'avoir une fin de vie digne avec un accompagnement médical et non plus des lieux de vie pour ne plus vieillir seul à la retraite. Est-ce que l'on doit continuer à fonctionner en considérant l'EHPAD comme un lieu d'hébergement ? Dans vingt ans, les EHPAD ne répondront-ils pas davantage à une logique hospitalière que médico-sociale ? Il est nécessaire que toutes ces questions soient abordées dans le cadre de la concertation nationale.

L'UNCCAS a lancé un groupe de travail ouvert aux élus et professionnels des CCAS et CIAS sur la réforme de la tarification des EHPAD et la convergence tarifaire dont les conclusions, fin novembre, viendront alimenter la concertation « Grand âge et autonomie ». Quels sont les points étudiés ?

La DGCS et Pierre Ricordeau, au moment de sa mission sur la réforme de la tarification en EHPAD, avaient reconnu que la convergence tarifaire avait été une catastrophe pour les centres communaux d'action sociale [CCAS]. Le principal enjeu de ce groupe de travail est de comprendre pourquoi mécaniquement la convergence tarifaire a engendré des difficultés et d'analyser les mesures à mettre en oeuvre pour y remédier. Est-ce que les CCAS n'ont pas été bons ? Est-ce que les CCAS ont été bons mais le système lui n'est pas bon pour nous ? Ce groupe de réflexion va nous permettre d'alimenter nos prises de position au sein de la concertation nationale. Les propositions seront ensuite transmises à la DGCS.

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