Dans le n° 169-juillet 2025  - Jean-Christophe Amarantinis, Président du Synerpa  18042

« Il est impératif de créer un choc d'attractivité pour les métiers du grand âge »

Alors que s'achève, ce 12 juin, Mandelieu (06) le 24è congrès du Syndicat national des établissements, résidences et services d'aide à domicile privés pour personnes âgées (Synerpa), Jean-Christophe Amarantinis s'inquiète du manque d'attractivité du secteur, et prépare déjà sa plateforme de propositions pour la présidentielle. Entretien.


Vous venez de clore votre 24è congrès annuel. Quels en étaient le thème et les enjeux ?

Le congrès annuel du Synerpa qui s'est tenu le 12 juin à Mandelieu (06) a placé la thématique cruciale des métiers et de leur non attractivité au coeur de sa programmation. Ce sujet concerne toute la filière sanitaire et gérontologique, quel que soit le statut juridique des établissements et services, et le métier exercé. Il est prioritaire. Pour la première fois, nous avons choisi de faire monter sur scène des salariés de tous les métiers (directeurs, soignants, hôteliers...), adhérents et non adhérents, pour évoquer leur quotidien et présenter des initiatives originales et sources de satisfaction. Nous avons une fâcheuse tendance à concentrer notre attention sur les difficultés. Nous avons donc rassemblé les dirigeants, les administrations et les professionnels de terrain, dans le domicile, les Ehpad, les résidences services seniors, chacun apportant sa pierre à l'édifice. Nous voulons par là-même préparer l'avenir et notamment l'entrée en campagne présidentielle. Il s'agit en effet de commencer à bâtir une plateforme de propositions, en nous appuyant sur les témoignages des professionnels. Tout le monde doit prendre conscience du choc démographique à venir (2030) qui va nécessiter beaucoup de recrutements (400 000 ETP supplémentaires). Il est impératif de créer un choc d'attractivité pour les métiers du grand âge et de valoriser chaque professionnel de terrain.

Quels sont les leviers à activer aujourd'hui ?

Il semble essentiel de mieux communiquer sur le quotidien des établissements. Nous devons aussi émettre des propositions en termes de formation (initiale et continue). Concernant la VAE par exemple, il est urgent d'augmenter le nombre de jurys pour diplômer des aides-soignants et des aides médico-psychologiques. Cela ne coûte rien de changer la réglementation mais cela permettrait d'éviter que des centaines de candidats se découragent à force d'attendre un jury pendant 2 ou 3 ans. Actuellement nous perdons des vocations. Il faut aussi simplifier la réglementation, et accepter les évolutions. Le forfait soins par exemple devrait être élargi pour y intégrer les personnels administratifs, qui viennent décharger les soignants en place. Quand on parle de pénibilité, on parle aussi de stress et de travail administratif auquel les professionnels n'ont pas été formés. La rémunération est également un volet important. Nous parlons de l'avenant 33 par exemple depuis deux ans maintenant. Tant que nous n'aurons pas une nouvelle convention collective performante, claire, rémunératrice, qui permettra une transversalité dans tous les métiers de la branche de l'hospitalisation privée, sera équitable et en capacité de concurrencer toutes les conventions collectives de tous les champs sanitaires et médico-sociaux, nous n'y arriverons pas.

Quelle est votre réaction au sujet de la (double) procédure lancée par la CFDT santé sociaux pour la non-application de l'avenant 33 ?

Nous ne comprenons pas cette procédure. A l'origine, lorsque cette convention collective a été signée par les partenaires sociaux Cfdt Unsa et la branche de l'hospitalisation privée, il était bien précisé qu'elle ne s'appliquerait qu'en cas de financement total de son coût par la puissance publique, à savoir la sécurité sociale. Les différents remaniements ministériels des deux dernières années n'ont pas permis d'obtenir confirmation du financement. La CFDT a peut-être perdu patience et a décidé, au-delà de ce qui était écrit dans l'accord formalisé au départ, d'assigner les fédérations et les établissements pour faire appliquer cette convention. Ces assignations ne correspondent pas à ce qui est écrit dans l'accord signé à l'origine, à savoir un financement intégral des pouvoirs publics. Sans financement, la convention ne s'applique pas. Mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas en lien avec les organisations syndicales et les ministères pour continuer d'avancer et peut-être trouver une solution prochaine.

En terme d'attractivité RH, comment se situent les Ehpad et services commerciaux par rapport aux publics et aux associatifs ?

D'une manière générale, l'ensemble des statuts sont en difficulté de recrutement avec énormément de turn-over et des problèmes pour fidéliser en CDI le personnel, et notamment le personnel soignant. 88% des établissements de la branche privée ont des difficultés de recrutement, avec des postes vacants pourvus par du CDD et de l'intérim. On compte aussi 50% de turn-over sur des postes d'infirmiers et 48 % d'aides-soignants. Mais le pire, c'est que 17% de nos salariés avaient plus de 55 ans en 2021. Cela signifie qu'on devrait avoir 18 000 départs en retraite anticipée dans les trois prochaines années. C'est une catastrophe. D'un côté, le nombre de salariés est insuffisant. De l'autre, il faut recruter 400 000 personnes... L'équation est complexe. On essaie du coup de travailler en inter-fédérations et avec les acteurs de l'emploi (Medef, France travail...) pour sensibiliser aux métiers du grand âge.

Où en sont les taux d'occupation dans le secteur lucratif ?

Ils remontent depuis 2023. La crise de confiance semble être derrière nous et tous les baromètres sont au beau fixe aujourd'hui. Les T0 oscillent entre 89 et 92%. Mais depuis la fin 2024, nous sommes entrés dans le creux démographique des classes d'après-guerre, qui va nous amener jusqu'à 2030, et le tsunami démographique. On se retrouve dans une configuration étrange de sortie de crise où le secteur est un peu affaibli, dans un creux qui impose une stagnation de l'activité et donc une contrainte financière. Il est essentiel d'investir sur les équipes en place pour les stabiliser car nous aurons besoin d'elles en 2030.

Comment va le groupe Colisée ? Va-t-on vers plus de concentrations dans les établissements et services commerciaux ?

Concernant le groupe Colisée, je lis dans la presse qu'ils sont en train de renégocier leur dette, et donc de trouver des solutions avec leurs créanciers. Pour le reste, je n'ai pas l'impression que les gros opérateurs aient tendance à se développer, se diversifier et à reprendre des établissements. Je pense qu'aujourd'hui, on est plutôt sur un plateau. En sortie de crise, les adhérents sont en train de se restructurer financièrement, commercialement, en termes de ressources humaines, de projets d'entreprise et d'établissement. Tout le monde se concentre sur l'existant. On essaie d'être performant en matière de management, pour sortir de cette spirale infernale de difficultés de recrutement en associant les résidents et les familles. Mais on reste quand même très inquiet sur l'avenir de ce secteur.

Les Ehpad commerciaux sont-ils volontaires pour s'organiser en centre de ressources territorial (CRT) ?

Bien sûr. Beaucoup de nos adhérents ont pris le virage ambulatoire. Ils se diversifient à domicile. Certains ouvrent des structures d'accueil de jour pour personnes âgées, d'autres convertissent des places en hébergement temporaire. De même, beaucoup d'opérateurs déposent des dossiers de CRT. L'objectif est fixé à 500 CRT en 2028. Aujourd'hui il y en a 250. Le problème, c'est que nos adhérents déposent des dossiers mais seuls 8% des CRT autorisés aujourd'hui le sont dans le secteur commercial. Nous militons par ailleurs pour que tous les établissements tous secteurs confondus puissent bénéficier d'une transversalité des autorisations. Aujourd'hui il faut demander une autorisation pour l'hébergement permanent, une autre pour l'accueil de jour, une 3è pour l'hébergement temporaire, pour le domicile... Chacune de ces demandes nécessite sa propre instruction, ses propres délais et ses propres motivations... C'est complètement fou et cela ne va pas du tout avec l'Ehpad hors les murs. La règlementation n'est pas adaptée à ces évolutions et a besoin d'être simplifiée.

Les résidences services seniors (RSS) intéressent-elles encore les opérateurs du Grand âge ?

Notre confédération s'est séparée du Synerpa RSS en janvier 2025 mais 3 mois plus tard, elle récupérait 120 nouveaux adhérents à la fois dans les résidences seniors, les résidences autonomie et les colocations seniors. Beaucoup d'opérateurs se diversifient dans le champ de la colocation seniors. Elle répond à une demande de personnes autonomes, qui n'ont pas forcément envie d'aller en Ehpad. Les capacités de ces « nouveaux » opérateurs sont plus petites. On est passé de 120 logements à des petites unités de 15 à 60 logements, à taille humaine, et accolées ou à proximité d'Ehpad ou de services à domicile.

Que retenez-vous des bilans des contrôles ARS/Conseil départementaux en ce qui concerne les Ehpad commerciaux ?

Nous pouvions craindre en sortie de crise Orpea que l'ensemble du secteur commercial soit dysfonctionnant. Mais après parution des rapports de contrôle, il apparaît que sur le petit nombre de 55 établissements ayant fait l'objet de sanctions graves, seule la moitié est de statut commercial. C'est toujours trop et c'est la raison pour laquelle nous demandons à nos adhérents d'appliquer notre Charte d'engagement des acteurs privés du grand âge, d'être plus transparents et d'aller au-delà des exigences réglementaires mais cela ne concerne que 25 adhérents sur 2000. C'est rassurant.

Vous avez révélé les résultats d'un sondage lors de votre congrès. Quels en sont les grands enseignements ?

Ce sondage Ifop vise à comprendre les ressentis et besoins des Français comme des professionnels face à notre secteur. Des entretiens en face en face ont permis de faire émerger plusieurs éléments. D'abord, un fort engagement des équipes lié à un besoin d'utilité sociale, et l'existence de liens très forts entre elles. Mais on enregistre aussi une grande frustration des professionnels face aux manques de moyens humains et financiers. On observe ensuite une inquiétude importante des Français face au choc démographique qui se profile et au peu d'intérêt et de mobilisation que ce choc suscite à la fois auprès des pouvoirs publics que des jeunes qui peinent à s'engager dans ces métiers.

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