Dans le n° 104-mai 2019  -  Politiques publiques  10457

Le secteur public à l'épreuve des réformes

Quelle sera la place des EHPAD publics dans la transformation de l'offre sanitaire et médico-sociale en cours et à venir ? Alors que les établissements sont déjà sous tension budgétaire, les syndicats de directeurs de la fonction publique hospitalière reviennent, pour Géroscopie, sur les mutations décisives inscrites dans les différentes réformes des politiques publiques.

2019 sera une année chargée pour le secteur public en terme de réformes. Le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, adopté le 26 mars en première lecture par l'Assemblée nationale, vise à « poursuivre une dynamique de décloisonnement à tous les niveaux : entre hôpital, ville et médico-social ». L'une des mesures phares de ce texte est de labelliser, d'ici 2022, entre 500 et 600 hôpitaux de proximité sans chirurgie ni maternité, mais recentrés sur la médecine générale, la gériatrie et certaines consultations de spécialité. Cette nouvelle organisation hospitalière s'appuiera sur des groupements hospitaliers de territoire (GTH) renforcés. Remis le 28 mars à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé en vue d'alimenter le futur projet de loi « grand âge et autonomie » annoncé pour l'automne 2019, le rapport Libault plaide également pour une transformation de l'offre pour les personnes âgées. Dans sa proposition n°145, Dominique Libault propose d'inscrire dans les travaux sur les hôpitaux de proximité une responsabilité vis-à-vis de la population âgée de leur territoire grâce à une "palette de services". Des services qu'i faudra préciser « dans le cadre des missions socles et optionnelles des hôpitaux de proximité ».

Des EHPAD reconfigurés

Pour le Syncass-CFDT, premier syndicat des directeurs d'EHPAD de la fonction publique hospitalière, cette transformation de l'offre sanitaire et médico-sociale pourrait donner un nouvel élan aux EHPAD publics autonomes confrontés à des vacances de postes de direction faute de candidatures suffisantes, à des intérims de direction à répétition et de plus en plus longs. « La configuration de l'offre est sans aucun doute à requestionner. L'établissement de 80 à 100 lits, isolé, refermé sur lui-même, dans un exercice professionnel isolé pour le directeur n'est pas le modèle de demain. Si les établissements restent dans cette configuration, ils ne répondront pas à la demande de la transversalité de la réponse et donc à une reconfiguration de l'offre qui soit plus pertinente, plus construite, plus graduée, plus complémentaire, plus transversale comme le décrit le rapport Libault ou le rapport du HCAAM », considère Emmanuel Sys, secrétaire national D3S du Syncass-CFDT « Des regroupements sont en marche par le biais de directions communes ou entre EHPAD mais ils ne sont pas suffisamment importants pour apporter une réponse à de nombreux établissements disséminés sur le territoire. L'outil central qui est à la fois présenté et détaillé dans le rapport Libault et dans le projet de loi santé est l'hôpital de proximité. Le pont est là, l'enjeu est là ! Le rapport Libault a l'intelligence de dire que l'EHPAD d'aujourd'hui n'est pas l'EHPAD de demain et que la connexion avec l'hôpital de proximité doit impérativement se faire dans une recomposition de l'offre. De la même manière, et en effet miroir, le projet de loi santé place l'hôpital de proximité comme la réponse de premier recours aux besoins de santé de la population et notamment à destination des populations âgées. La vraie question est de savoir comment il va se décliner. L'hôpital de proximité est censé être le pivot de la prise en charge gériatrique, la question est celle du modèle de demain des hôpitaux de proximité et des EHPAD reconfigurés.», poursuit-il.

Pour mettre fin à l'isolement des directeurs d'EHPAD publics autonomes et pour répondre à la transformation de l'organisation de l'offre sur les territoires, le SMPS porte, pour sa part, l'idée de la mise en oeuvre de groupements médico-sociaux territoriaux (en coordination avec la psychiatrie, le domicile et les autres modes de prise en charge innovants). « Ces regroupements de plusieurs ESSMS permettraient de la coordination sur les territoires entre les acteurs, d'avoir toutes les compétences reliées. Par exemple, si un directeur a une compétence en GRH, un autre en finances, un troisième en informatique et qualité, par exemple), nous trouverons mieux des solutions et nous pourrons réfléchir pour l'ensemble des établissements. Ces regroupements offrent également la possibilité de mutualiser la blanchisserie, le recrutement, la formation, etc. », explique Frédéric Cecchin, vice-président D3S au SMPS. «Il faut réfléchir à ce que seront nos établissements demain avec l'EHPAD hors les murs, le relayage, les services à domicile, des structures avec une partie EHPAD et une partie résidences services seniors, le lien intergénérationnel, l'habitat inclusif », égrène-t-il.

Synergies territoriales

Si les représentants du secteur public sont favorables à engager les EHPAD sur la voie de la transformation de l'offre au niveau des territoires, l'hostilité est, en revanche, totale concernant le projet de loi de réforme de la fonction publique. Depuis plusieurs semaines, les organisations syndicales de fonctionnaires se mobilisent contre ce texte. Dans leur viseur notamment : le recours accru aux contractuels aux postes de direction. Pour Pascal Martin, vice-président du CH-FO, le rejet syndical de ce texte dépasse la question statutaire et « la trajectoire et le sort individuel des directeurs » et vise au maintien des services publics dans les territoires. «Les établissements font face à une situation déjà en extrême tension à tous les niveaux et il y a donc une urgence à prendre en compte le besoin d'avoir des pilotes dans les avions. Il faut dans le schéma actuel des EHPAD publics autonomes, des directeurs ancrés dans leurs territoires pour conduire leurs missions d'accueil, d'hébergement et de soins auprès des personnes les plus vulnérables. Pour cela, ils ont besoin d'être soutenus notamment financièrement, et installés dans des synergies sur les territoires permettant des parcours d'accompagnement des résidents. Il y a un seuil objectif de petits établissements qui sont déjà regroupés. On a un maillage du territoire qui ne faut pas sous-estimer. Il ne faut pas oublier que la France a une dimension rurale forte, la question de la proximité est essentielle », argumente le vice-président du CH-FO.


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