Les nombreux mérites de l'intervention de l'Hospitalisation à Domicile (HAD) en établissement et service social et médico-social ont été largement mis en avant et mobilisés pendant la crise du COVID-19. Peu nombreux cependant sont celles et ceux qui savent comment cette innovation organisationnelle majeure est devenue progressivement une évidence, après avoir été rendue possible.
L'intervention de l'HAD en EHPAD puis en établissement ou service médico-social : le parcours professionnel, législatif et réglementaire d'une innovation organisationnelle majeure
Dans leurs fonctions antérieures, les deux co-auteurs -qui se sont récemment retrouvés fortuitement à l'occasion d'un autre dossier- ont été à la fois acteurs et témoins de ce cheminement, il y a 17 ans déjà pour la première mise en place expérimentale et 13 ans pour l'intégration officielle dans le code de la santé publique ! Ils ont convenu de faire partager cette histoire instructive.
De l'intuition à l'expérimentation locale dans le Maine et Loire
L'émergence et l'écoute du besoin
Alors directeur opérationnel d'un réseau de trois établissements privés sur Angers, constitué d'une clinique de court séjour, d'un EHPAD et d'un hôpital à domicile, Jérome Pollet a pu vivre au plus près les besoins transverses de soins entre les établissements de santé, le lien avec les EHPAD et la ville notamment sur les retours à domicile ou leurs substituts sociaux et médico-sociaux.
Force était de constater qu'un certain nombre d'hospitalisations de résidents pouvaient être envisagées différemment avec l'intervention de l'hôpital à domicile. Cette approche était pertinente à la fois pour le résident, les soignants et sur un plan sociétal.
Pour le résident tout d'abord, cette approche permet d'éviter les déplacements auprès des structures hospitalières et réduire ainsi les risques accrus de désorientation générés, de bénéficier de l'accompagnement par les mêmes équipes de l'EHPAD auxquelles il est habitué complétée de l'intervention à son chevet d'une équipe hospitalière expérimentée pour des soins aigus et complexes. De la même manière, à l'instar de la plupart des souhaits exprimés en matière de soins palliatifs et lieu de décès, ce dispositif permet pour le patient/résident d'être maintenu dans son lieu de vie habituel jusqu'au dernier moment.
Pour les soignants, ensuite, les équipes de l'EHPAD peuvent poursuivre leur accompagnement des résidents en évitant les coupures de séjours et désagréments liés aux désorientations de ces derniers suscités par les changements spatio-temporels corrélés à des hospitalisations. Cette approche, innovante à l'époque, permettait également de renforcer les équipes médico-sociales de l'EHPAD par un travail collaboratif avec les équipes hospitalières de l'HAD.
Enfin sur le plan sociétal, l'HAD apporte indéniablement une réponse dans l'articulation et la fluidification des actions des acteurs sanitaires, médico-sociaux, sociaux et de ville au service des patients/résidents. En effet, à la fois, comme précisé plus haut, par l'apport d'une réponse adaptée aux souhaits exprimés en matière de soins palliatifs et de lieu de décès mais également en contribuant à la réduction des durées moyennes de séjours et du recours à l'hôpital. Ainsi, les ressources humaines, techniques et logistiques apportées par l'HAD permettent d'offrir à domicile ou son substitut un haut niveau de soins et d'accompagnement pluridisciplinaires. Celles-ci contribuent grandement au maintien des résidents/patients dans leurs lieux de vie quotidienne.
Egalement, en qualité d'alternative à l'hospitalisation, l'HAD concoure à l'efficience du système de santé en favorisant le maintien des patients/résidents dans le lieu le plus adapté, avec les ressources adéquates et sur une durée répondant au mieux à ses besoins.
Le blocage issu de la règle de non double prise en charge par l'assurance-maladie
Une fois ces constats réalisés, la question de la faisabilité se heurtait à plusieurs écueils dont celui notamment du double financement par l'assurance maladie.
En effet, l'EHPAD fonctionne avec un triple financement : celui des soins est établi par l'Etat et assuré par l'assurance maladie, la dépendance est couverte par le conseil départemental, l'hébergement par le résident ou le conseil département dès lors que l'établissement est habilité à l'aide sociale, et si le résident est éligible du fait de faibles ressources.
Parallèlement, l'HAD est financé entièrement par l'assurance maladie sous forme de tarification à l'activité qui couvre tous les actes de soins médicaux & paramédicaux, pharmaceutiques, d'accompagnements psychologiques et sociaux, alors qu'une petite partie est déjà prise en charge et financée par la dotation soins de l'EHPAD. Même modeste, le double financement était indéniable.
La bonne rencontre avec la DDASS et la CPAM 49
Ayant à l'esprit l'ensemble de ces contraintes, Jérome Pollet adressa alors en 2003 à la DDASS du Maine et Loire et à la directrice de l'assurance maladie du département une requête permettant d'explorer, de façon expérimentale, la possibilité de pouvoir faire bénéficier les résidents de l'intervention des équipes de l'HAD au sein...