Dans le n° 135-décembre 2021  -  Pr Claude Jeandel, Président du Conseil national professionnel de gériatrie  12502

« L'attractivité des métiers en Ehpad implique de considérer ces lieux de vie et de soins comme des lieux au sein desquels les pratiques professionnelles relèvent d'une haute valeur ajoutée »

Président du Conseil national professionnel (CNP) de gériatrie, le Pr Claude Jeandel se penche pour Géroscopie sur l'avenir et les réformes nécessaires du secteur. Interview.

Comment va le grand âge aujourd'hui ?

Le grand âge fait partie de l'âge tout court. Mais il cumule les difficultés rencontrées à la fois par le secteur sanitaire et le médico-social, notamment en matière de ressources humaines. Ce problème est désormais central. Il va impacter l'ensemble de l'offre, tant à domicile qu'en établissement.

Les concepts promus par la gériatrie se sont souvent avérés pionniers parce qu'issus d'une réflexion s'appuyant avant l'heure sur les enjeux de la double transition démographique et épidémiologique des maladies chroniques incapacitantes. Plus de 20 ans avant même sa reconnaissance officielle en tant que spécialité médicale, la gériatrie a ainsi promu l'approche globale sur le modèle bio-médico-psycho-socio-environnemental, l'évaluation pluridimensionnelle et pluriprofessionnelle, a initié des dispositifs innovants tels que l'organisation en filière gériatrique, les plateformes d'évaluation, les équipes mobiles, les unités spécialisées pour patients Alzheimer... et les dispositifs de coordination préfigurateurs d'un mode d'organisation en parcours de santé.

S'agissant des Ehpad et des unités de soins de longue durée, l'état des lieux établi grâce à l'étude d'objectivation des profils de soins a permis d'argumenter les 25 recommandations énoncées dans le rapport remis le 5 juillet dernier[1].

Plusieurs mesures devaient faire l'objet d'approfondissement par les directions concernées. Où en sont les réalisations ?

Le ministère vient d'annoncer la publication prochaine de la feuille de route ministérielle sur la médicalisation des Ehpad, corollaire de la priorité donnée au virage domiciliaire. Elle vise à donner de la visibilité aux acteurs du secteur sur les chantiers des prochains mois en matière d'établissements pour personnes âgées, dans la continuité des mesures importantes décidées dans le cadre de la LFSS 2022. Elle s'appuiera en particulier sur les recommandations du rapport de mission sur les profils de soins en USLD et Ehpad. Au travers d'une vingtaine de mesures, cette feuille de route proposera l'évolution des réponses sanitaires et médico-sociales dès lors que le maintien au domicile n'est plus possible. Elle portera également sur la réponse apportée par le secteur sanitaire à des personnes de tout âge, polypathologiques, ne pouvant demeurer à domicile. Elle dressera les enjeux prioritaires et les éléments de calendrier concernant l'offre de soins sanitaires des USLD comme des Ehpad en vue de les adapter à l'évolution de ces profils et des besoins de soins des résidents dans les années à venir. Elle abordera également la question du tarif soin global et de la prescription médicale en Ehpad. Nous serons avec Marc Bourquin, conseiller stratégie à la Fédération hospitalière de France (FHF), les référents de cette feuille de route Ehpad qui sera portée par la DGCS et la DGOS.

La question majeure reste celle des ressources humaines. Sans occulter les spécificités inhérentes aux métiers du grand âge, nous avons pu constater que sous l'impulsion d'un encadrement médical, soignant et médico-technique, les difficultés pour rendre attractives les unités de soins gériatriques hospitalières se sont significativement atténuées. Sans confondre ces unités avec l'Ehpad, il convient de s'inspirer de ces modes d'organisation et de revaloriser les métiers s'exerçant en Ehpad en considérant ces lieux de vie et de soins comme des lieux au sein desquels les pratiques professionnelles relèvent d'une haute valeur ajoutée, tant sur le plan des savoirs, que sur celui des compétences techniques, du savoir-être et de la démarche éthique. Nier la spécificité des profils de soins, en termes de sévérité et de complexité, expose au risque d'une sous-évaluation des moyens nécessaires en matière de soin et d'accompagnement mais également au risque d'une inadéquation des référentiels métiers adaptés à ces spécificités et indirectement à une insatisfaction des professionnels les exerçant, fragilisant par conséquent ce secteur.

Il faut donc améliorer la formation des managers...

Évidemment, et je l'avais signalé dans mon audition par la mission El Khomri. Certaines universités, comme celle de Montpellier, délivrent des masters dans cette optique. Le succès de ces formations repose sur la richesse de leurs contenus et sur la pluralité et complémentarité de leurs modules abordant à la fois les bases médicales et du soin, la gestion financière et des ressources humaines, le management, les aspects logistique et juridiques...

Il y a d'autant plus urgence que la population vieillit et les besoins augmentent...

L'entrée en Ehpad est aujourd'hui plus tardive et plus souvent consécutive à une défaillance d'organe ou à un événement médical intercurrent expliquant la plus grande fréquence des orientations issues du secteur hospitalier. On y accède moins fréquemment dans le cadre d'une démarche volontariste.

Nous entrons dans une période électorale. Comment faire de la question du grand âge une préoccupation des candidats ?

En effet, ce sujet est central. Le Conseil national professionnel de gériatrie va saisir cette opportunité pour communiquer sur la base de son manifeste qui compte aujourd'hui 22 mesures et qui fera l'objet d'une actualisation. Je pense que les représentants du secteur tireraient grand avantage à porter les propositions qui peuvent faire consensus, quelle que soit leur appartenance aux secteurs public, privé solidaire, privé commercial ou de la fonction publique territoriale, mais également les représentants des usagers, associations de familles...

Vous êtes très engagé au sein de la Fondation Partage & Vie. Quels sont ses projets dans le domaine du soin ?

Une de nos priorités repose sur le déploiement des interventions non médicamenteuses et plus particulièrement de la méthode Montessori. Nous initions un projet de recherche visant à évaluer l'impact de cette méthode dans l'ensemble des Ehpad de la fondation. À l'initiative et coordonnée par Partage & Vie, cette étude originale (IMeMoRi) va se dérouler sur trois ans et, implique également l'École doctorale de Montpellier, le Gérondif, la société AG&D et des partenaires (caisse des dépôts, AG2R La Mondiale).

Nous déployons également des formations sur les fondamentaux du soin. Le principe est de former les médecins coordonnateurs et les Idec afin qu'ils puissent eux-mêmes délivrer ces formations auprès de leurs équipes dans leur établissement. Une dizaine de thèmes ont été jugés prioritaires, dont le circuit du médicament. Cela s'inscrit dans la nécessité d'une actualisation des connaissances afin de professionnaliser et d'améliorer le niveau de compétences.

En parallèle, nous poursuivons avec Dominique Monneron le déploiement de la démarche éthique.

Formulez-vous un voeu pour cette nouvelle année ?

Je fais le voeu que les pouvoirs publics embrassent les enjeux du grand âge et s'engagent à la promulgation d'une loi Grand âge et ce dès les premiers mois de la prochaine mandature.

Il nous faut aussi parvenir à changer les représentations sociétales qui stigmatisent les plus âgés.


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