Dans le n° 26-novembre 2012  -  Analyse  1077

Quel avenir pour la fin de vie ?

Le débat sur la fin de vie et la légalisation de l'euthanasie est relancé. Pourtant, la plupart des professionnels de santé et les juristes pensaient la question définitivement réglée par la loi LEONETTI votée, faut-il le rappeler, à l'unanimité (loi du 22 avril 2005).

Le candidat HOLLANDE avait cependant, dans son programme, inséré une proposition visant à légaliser l'euthanasie. C'est en tous cas ce qui a été compris car la proposition 21 est plus nuancée. Aujourd'hui, dans un contexte économique et social qui ne rend peut-être pas la question prioritaire, il a été confié une mission de réflexion au Professeur Didier SICARD qui doit rendre un rapport pour le 25 décembre prochain. Les débats publics seront organisés d'ici cette date, le dernier devant se tenir le 15 décembre prochain à la Sorbonne.

La question de la fin de vie est débattue depuis les années 70 avec une augmentation de la durée de la vie et des progrès de la médecine qui ont permis une médicalisation à l'extrême; les décès intervenant la plupart du temps à l'hôpital sans que l'on puisse toujours déterminer l'état clinique du patient. Selon le directeur de l'espace éthique de l'AP-HP, on était arrivés à des zones d'" indistinction ", les personnes ne se trouvant ni côté mort, ni côté vie... Dès lors, la crainte de l'acharnement thérapeutique avait permis de créer un consensus autour de la loi LEONETTI dont on s'aperçoit aujourd'hui qu'elle est mal connue des français mais aussi des praticiens.

1. Le dispositif de la loi du 22 avril 2005

L'impulsion législative s'est organisée autour de l'affaire HUMBERT. Ce jeune homme, paralysé après un grave accident de voiture, avait alerté l'ancien président de la République, Jacques CHIRAC, demandant le droit de mourir. Il est décédé des suites d'une intervention de sa mère et d'une injection mortelle du médecin réanimateur. Les juristes ont pu être surpris par les réquisitions de non-lieu du Parquet. La mère et le médecin auraient agi sous la contrainte, compte-tenu notamment de l'importance de la pression médiatique... D'autres médecins cependant ont depuis été renvoyés devant les Assises pour des faits similaires.

L'euthanasie, aux termes de la loi, reste toujours criminelle. L'euthanasie passive pouvait cependant ne pas être considérée comme une infraction puisque le Code de déontologie médicale de 1995 précisait lui-même que le médecin, s'il n'a pas le droit de provoquer lui-même délibérément la mort, peut licitement la laisser arriver en cessant des soins intensifs sans objet. Le rôle du médecin dans le processus de fin de vie n'était cependant pas particulièrement bien défini, aujourd'hui encore les médecins ont tendance à se désintéresser de l'agonie. Soigner, guérir, telles sont les missions... Il apparaît que les malades arrivent tard en soins palliatifs après des traitements actifs poussés à l'extrême. De même la prise en compte de la douleur est relativement récente. La loi pour le " laisser mourir " a constaté le refus de l'acharnement.

- La loi LEONETTI réaffirme l'interdit fondamental de donner la mort délibérément à autrui

- Les actes ne doivent pas être poursuivis avec une obstination déraisonnable lorsqu'ils paraissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien de la vie. Ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10 du Code de la santé publique.

- L'article 2 de la loi précise que si le médecin ne peut soulager la souffrance d'une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade...

- La loi impose au médecin de respecter la volonté du patient.

Quatre cas sont envisagés : Le cas où refuser ou interrompre le traitement met la vie du patient en danger. Dans ce cas, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour convaincre le patient d'accepter les soins indispensables. Si le malade réitère sa décision après un délai raisonnable, le médecin doit s'incliner. Le deuxième cas concerne la situation du malade en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable qui décide de limiter ou d'arrêter tout traitement. Dans ce cas, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informé des conséquences de son choix. Les deux autres situations concernent l'hypothèse où la personne n'est pas en état d'exprimer sa volonté, que la limitation ou l'arrêt du traitement soit susceptible de mettre sa vie en danger ou que le médecin décide de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne. Dans ces deux cas, le médecin doit d'une part respecter la procédure collégiale définie par le Code de déontologie médicale et, d'autre part, consulter la personne de confiance ou la famille ou, à défaut, un des proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne.

La loi réaffirme le principe de la volonté du malade, l'information et la consultation de la personne de confiance et l'organisation des " testaments de vie " ou directives anticipées.

- Enfin, la loi oblige à soulager la douleur. Lorsque les traitements, considérés comme déraisonnables sont arrêtés ou limités, la loi fait obligation au médecin de tout mettre en oeuvre pour soulager la douleur psychique ou physique et respecter la dignité du malade.

Elle autorise la mise en place d'une sédation en utilisant des médicaments adaptés. Le praticien va diminuer la vigilance du patient. Cette médication peut abréger la vie, la sédation pouvant être utilisée de façon ponctuelle ou sur un temps plus long. Il n'y a cependant pas d'acte positif pour abréger la vie.

2. Les critiques et les propositions

Des associations ont critiqué l'hypocrisie supposée de la loi LEONETTI en rappelant que la mise en place de traitements, tel que la sédation, ont bien pour effet d'abréger la vie... Normalement, le patient ou plus vraisemblablement l'entourage, doivent être informés de la décision de sédation et l'intention du médecin devrait être consignée dans le dossier médical. La question de la communication et de l'accord du patient ou de sa famille est parfois très théorique. On reproche également au processus de sédation sa brutalité puisqu'il s'agit en fait d'une mise en coma artificiel avec privation d'alimentation et d'hydratation. D'après le président de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, il s'agirait alors d'une mort de faim et de soif atroce pouvant prendre jusqu'à trois semaines... La proposition n° 21 dont il est question aujourd'hui évite cependant le terme d'euthanasie. Le candidat indiquait " je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander dans des conditions précises et strictes à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité... "

La proposition ne dit rien sur les modalités et on pourrait penser, mais faut-il un nouveau texte de loi, qu'il s'agirait uniquement de développer des soins appropriés pour la fin de vie, étant précisé qu'il y a nécessairement une grave carence dans le traitement des soins palliatifs en France. S'agit-il au contraire de faire évoluer la législation LEONETTI vers une législation semblable à celle de très peu de pays d'Europe tels que les Pays-Bas ou la Belgique qui ont des bilans contrastés ? C'est ce qui a été compris...

Il n'est pas sûr que les praticiens souhaitent aller au-delà de la loi qui, en refusant l'acharnement thérapeutique, permet d'alléger les fins de vie, sans douleur. L'aspect collégial de la décision et l'information de l'entourage restent également capitales. Il y a, sur ce point, également, du travail à faire. Enfin, au centre des débats, on retrouve la question de la dignité de la personne et de la vision bien personnelle que l'on a de sa propre image ou de celle de ses parents.

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