Les impayés en Ehpad fragilisent leur équilibre financier, il leur est d'autant plus nécessaire d'être vigilants en amont de l'admission du résident.
Prévenir les impayés de frais de séjour
L'affaire d'impayés jugée par la Cour d'appel le 11 mai 2023* est caricaturale : le résident admis est âgé de 91 ans, une autonomie limitée, isolé, pas de personne de confiance, pas de caution, pas d'APA, 3400 euros de frais de séjour pour une retraite de 1500 euros ! Caricaturale mais riche d'enseignement. Que dit l'arrêt de la Cour ? En sa qualité de « professionnel de l'hébergement des personnes âgées », il appartenait à l'Ehpad de « s'assurer de la capacité de ce résident à assumer les frais de séjour » et si tel n'était pas le cas, de « l'aider à entreprendre des démarches » afin qu'il bénéficie de l'aide sociale légale et de l'APA. De ce fait, le défaut de règlement des frais de séjour était dû « à la négligence » de l'Ehpad... La Cour confirme « des fautes dans l'exécution du contrat de séjour » (jugement en première instance).
Plan de financement
La prévention des impayés s'anticipe bien avant la première facture et doit s'appuyer sur un contrat de séjour (et annexes) clair et juridiquement solide qui précise les conditions de facturation et de paiement, les recours en cas d'impayés et les modalités de rupture anticipée. En amont ? « La question des finances ne doit pas être éludée avant l'admission en Ehpad » insiste Jennifer Ripert, avocate et formatrice, qui plaide d'ailleurs pour la généralisation des commissions d'admission : « il n'est en tout cas pas suffisant de demander le montant de la retraite» - ce qui arrive souvent dans le public quand la personne admise sort de l'hôpital. Epargne, patrimoine, dettes, situation des obligés alimentaires (« souvent près de la retraite »), cautionnement, tout doit être mis sur la table, l'idéal, pour elle, étant d'avoir un plan de financement sur plusieurs années, calé sur la durée moyenne du séjour dans l'Ehpad. Evidemment, le travail en amont « suppose un échange approfondi avec la famille ».
La demande d'aide sociale
Pour bénéficier de l'aide sociale à l'hébergement (ASH), le résident ou sa famille doivent déposer un dossier de demande au conseil départemental, une démarche souvent fastidieuse et parfois conflictuelle. Or l'ASH n'est rétroactive qu'à la date de dépôt et les obligés alimentaires ne sont pas contraints de participer tant qu'aucune décision judiciaire n'a été rendue. l'Ehpad a donc intérêt à donner un délai clair de dépôt, idéalement un mois après l'admission (avec récépissé comme justificatif) pour éviter une accumulation de la dette sur plusieurs mois, parfois jusqu'à sa prescription...Pour rappel selon le Code de la consommation, les dettes liées à des prestations de services, y compris les frais de séjour en Ehpad, se prescrivent au bout de deux ans. Les Ehpad doivent mettre en place une politique de relance amiable dès le premier impayé. Alors que leur trésorerie est souvent en souffrance, le temps joue contre eux.
Attention : avec la mise en place des tarifs différenciés depuis le 1er janvier 2025**, la situation et les capacités contributives des nouveaux résidents doivent être examinés avec soin, en particulier ceux dont les ressources sont comprises entre le tarif habilité à l'aide sociale et le tarif « libre ».
Catherine Maisonneuve
*11 mai 2023, Cour d'appel de Paris RG n° 21/03862.
** FAQ tarifs différenciés urlr.me/t29KEa
