Profiter de la vie en maison de retraite, toute le monde en parle, encore faut-il proposer quelque chose de tangible. C'est ce qu'a fait la maison de retraite de Telhuet à Port-Jérôme-sur-Seine, en Seine Maritime, en créant un bar à vins à destination de ses résidents (la résidence qui appartient à l'association Coallia dispose de 74 lits dont 14 en unité protégée). Inauguré le jeudi 21 janvier 2016 et ouvert une fois par semaine, les résidents sont invités à s'y retrouver, en petit comité de 5 résidents, pour une dégustation très agréable et conviviale.

Mme Chevalier et Mme Dorbeaux, animatrices de la résidence, se sont inspiré d'une expérience menée depuis 2014 par le service de soins palliatifs du CHU de Clermont-Ferrand qui avait constaté l'effet thérapeutique de cette activité qui invite les personnes à se remémorer leurs bons moments de vie. Reprenant cette idée, elles proposent des rendez-vous hebdomadaires aux résidents. Ces rendez-vous peuvent être associés avec un atelier : fabrication d'une tarte aux pommes suivie d'une dégustation et d'un verre de cidre, préparation de toasts suivie d'une dégustation d'un verre de Bordeaux, etc.

"Le rendez-vous du bar à vins permet de continuer à vivre normalement, explique Isabelle Dorbeaux. C'est un moment de partage qui dure 1 heure ou 2 heures lorsque les résidents apprennent à connaître des spécialités culinaires. Cela fait remonter des souvenirs. Toutefois c'est encadré : le medecin coordonnateur donne son avis. Pour les personnes qui ne peuvent boire de l'alcool nous préparons des cocktails sans alcool ou des jus de fruits...".

On prête au vin la qualité de délier la langue, alors quoi de plus bénéfique pour des personnes âgées que de parler grands crus, souvenirs, voyages... Un coin de la cafétéria est en cour d'aménagement style bistrot d'antan. Pour cela, ils recherchent une vieille malle ou un tonneau bar...

Boire et vieillir, avec modération !

Catherine Le Grand-Sébille, socio-anthropologue, enseignante et chercheuse, qui a mené une enquête sur le thème "fins de vie. Plaisir des vins et des nourritures" montre qu'il y a deux attitudes diamétralement opposées : emprise de la médicalisation et de l'hygiénisme sur l'existence ou démédicalisation de la fin de vie en ne s'interdisant pas les nourritures terrestres, même légèrement transgressives. Elle note que le vin en EHPAD n'est pas toujours autorisé, voire souvent rationné... Elle regrette l'emprise du médical pour qui "La possibilité de boire un verre devient une "décision thérapeutique". Elle note aussi que "boire du vin en institution est un gage de citoyenneté".

encadré

Le projet d'un bar à vin a germé dans le centre de soins palliatifs à l'hôpital nord de Cébazat (CHU de Clermont Ferrand) afin que les patients en fin de vie du Docteur Virginie Guastella, chef du service, partagent un instant de communion avec leur famille. Une entorse aux soins quotidiens pour faire émerger un instant de plaisir partagé. Réintroduire un petit rituel familial permet aussi de réhumaniser la vie.