Dans le n° 27-décembre 2012  -  Juridique  1173

La rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée permet d'organiser un départ d'un commun accord dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail, issus de la loi n° 2008-587 du 25 juin 2008.

Cette loi était une véritable révolution dans le Code du travail et a rencontré un succès considérable auprès notamment des petites et moyennes entreprises.

1. L'organisation de la rupture conventionnelle

L'employeur et le salarié conviennent d'un commun accord des conditions de la rupture en respectant une procédure spécifique qui n'est ni un licenciement, ni une démission. La rupture conventionnelle ouvre droit à une indemnité de rupture qui, selon l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, ne peut être inférieure au montant de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. En revanche, il est clair que dans le principe de formalisation de la rupture conventionnelle, il n'est pas dû à proprement parler de préavis.

2. La procédure

Conformément aux dispositions de l'article L. 1237-14 du Code du travail, l'accord des parties doit être matérialisé par une convention de rupture dont un exemplaire doit être transmis à l'Inspection du travail (DIRECCTE) pour homologation. Le formulaire d'homologation CERFA contient un certain nombre d'informations devant permettre à l'autorité administrative de vérifier que les règles encadrant la rupture sontremplies. Le document est souvent complété par le comptable de l'entreprise.

La Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi a un délai de quinze jours ouvrables pour répondre. Il faut donc compter trois semaines après l'envoi en lettre recommandée du document. Préalablement, on considère qu'il faut un ou plusieurs entretiens qui sont mentionnés d'ailleurs dans le document conventionnel, le salarié pouvant se faire assister lui-même. Il est préférable de faire une véritable convocation, à la suite peut-être du premier entretien informel, en indiquant au salarié qu'il a la possibilité de se faire assister comme à un entretien préalable à licenciement, soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit, en l'absence d'institution représentative du personnel, par un conseiller choisi sur la liste dressée par l'Administration, selon la taille de l'entreprise.

La lettre de convocation ressemble alors à une lettre de convocation à licenciement dans la forme. L'employeur peut également se faire assister par une personne de son choix, à l'exception d'un avocat (circulaire DGT n° 2008-11 du 22 juillet 2008).

A l'issue des entretiens, le formulaire d'homologation sera signé par les deux parties. Il y aura alors un délai de quinze jours de rétractation, de quinze jours calendaires cette fois. A l'issue de ce délai de quinze jours calendaires, la convention est envoyée à la DIRECCTE par lettre recommandée avec accusé de réception. Trois semaines après, faute de réponse, la rupture est acquise par décision implicite.

L'homologation peut se faire, c'est plus rare, par acceptation explicite. La DIRECCTE peut également notifier un rejet de l'homologation.

3. Les difficultés actuelles

Le succès rencontré a très largement dépassé les attentes du législateur et la DIRECCTE qui est censée examiner les demandes de rupture conventionnelle, dans la plupart des cas autorisait tacitement la rupture. Dès lors, la simplicité du système, et le fait que sur un seul document administratif il y ait à la fois convention de rupture et demande d'homologation, a entraîné une inflation de ce mode de rupture qui convenait aux employeurs qui n'avaient pas à motiver une lettre de licenciement, et également aux salariés qui, ne souhaitant pas démissionner, étaient bénéficiaires, dans le cadre de la rupture conventionnelle, d'allocations Pôle Emploi, et globalement de leur indemnité de licenciement.

Le mode de rupture présentait une certaine sécurité pour les parties, suite à l'autorisation administrative, même tacite, dans la mesure où le délai de contestation était limité à 12 mois devant le Conseil de prud'hommes. Les problèmes cependant ont surgi du fait de la multiplication des contestations portant sur l'absence de consentement des salariés. 

L'appréciation du consentement

L'article L. 1237-11 du Code du travail précisant que la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties, le juge a été amené à se poser la question de la liberté du consentement du salarié. C'était théoriquement le rôle de l'Administration. Il a été retenu par les juges que la rupture conventionnelle, pour être valable, devait s'effectuer en l'absence de tout litige et de toute pression psychologique sur le salarié, le rejet s'imposant dès lors dans un contexte de harcèlement moral, de pression psychologique, mais aussi lorsque de nombreux griefs professionnels avaient été invoqués dans le cadre notamment d'avertissements multiples.

Devant ces incertitudes, les employeurs proposent aujourd'hui, en accompagnement du document CERFA, une convention de rupture conventionnelle qui expose les faits, l'information du salarié sur ses droits qui met en évidence son consentement libre et éclairé, et qui est envoyé à la DIRECCTE en même temps que le document administratif. Cela n'empêche cependant pas les recours et, dès lors, on voit apparaître de plus en plus des transactions venant en complément de la procédure spécifique de rupture conventionnelle, rajoutant des sommes à verser aux salariés à titre de concession, et visant l'article 2044 du Code civil qui interdit toute contestation devant le juge prud'homal ; la transaction ne pouvant cependant porter sur la rupture, mais sur les sommes à verser.

Le contournement des règles est prohibé

Il est apparu que les employeurs avaient pu utiliser le mécanisme de rupture conventionnelle pour contourner les règles de procédure du licenciement collectif pour motif économique. La procédure de rupture conventionnelle ne mentionne aucun motif, mais l'Administration a été invitée à vérifier l'existence ou non d'un contournement de la procédure de motif économique lorsqu'elle constate un volume anormal de ruptures conventionnelles pour une entreprise (instruction Direction générale du travail n° 02 du 23 mars 2010).

De même, la rupture conventionnelle, selon une circulaire du 17 mars 2009 (n° 2009-04) ne sera pas utilisée lors d'une suspension du contrat de travail du salarié prolongée, tels que le congé de maternité, des arrêts imputables à un accident de travail ou à une maladie professionnelle. Elle sera exclue dans le cadre d'une procédure d'inaptitude et, dès lors, la rupture conventionnelle sera déclarée nulle. De même, concernant les salariés protégés, un formulaire spécial sera envoyé. C'est bien une procédure d'autorisation expresse qui doit intervenir; le salarié protégé ne peut bénéficier d'une simple rupture conventionnelle par homologation. De même, le comité d'entreprise devra donner un avis. 

Conclusion

Pour l'instant, les cours d'appel adoptent des positions diverses et contradictoires qui vont à l'encontre de l'esprit du législateur de 2008 qui devait permettre aux parties, employeurs et salariés, sans le recours à un avocat, d'organiser la rupture sous contrôle théorique de l'Administration. La remise en cause de plus en plus fréquente des ruptures conventionnelles va recréer une insécurité et nécessite déjà la rédaction de documents qui n'étaient pas prévus initialement, voire même d'une transaction qui, rappelons-le, ne peut être signée qu'après l'autorisation de l'Inspection du travail et au terme de laquelle l'employeur doit nécessaire faire de nouvelles concessions par rapport à celles octroyées dans le cadre de la rupture conventionnelle.

La rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée permet d'organiser un départ d'un commun accord dans les conditions prévues par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail, issus de la loi n° 2008-587 du 25 juin 2008. La prudence s'impose donc face à ce mode de rupture qui n'est peut-être pas aussi simple qu'il y paraît...

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