L'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a publié, en 2017, une méthode d'analyse de la charge physique de travail pour le secteur sanitaire et médico-social. Explications de Laurent Kerangueven, ergonome et expert d'assistance conseil en prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) à l'INRS.
« La prévention des TMS est un chantier permanent »
Quel est l'intérêt de la méthode d'analyse de la charge physique de travail développée par l'INRS ?
Le programme TMS Pro va être renouvelé pour la période 2019-2022 et un accent particulier sera mis sur les EHPAD. Cette méthode d'analyse de la charge physique de travail* sera proposée aux établissements pour leur permettre d'avancer dans la démarche de prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS). Cette méthode permet, dans une première phase, de repérer les situations de travail à forte charge physique dans l'EHPAD. La deuxième phase consiste à analyser de manière plus détaillée, grâce à des grilles d'identification, chacune de ces situations de travail et donc, dans une troisième phase, de s'orienter vers des pistes de prévention pertinentes. Enfin, la quatrième étape est celle de l'évaluation des actions mises en oeuvre à court, moyen et long termes à partir d'un certain nombre d'indicateurs : l'absentéisme, le turn-over, les accidents du travail, les restrictions d'aptitude, les plaintes que les salariés font remonter auprès des instances représentatives du personnel ou de la direction... La prévention des TMS doit s'inscrire dans le temps, elle est un chantier permanent.
Cette analyse approfondie de la charge physique de travail repose sur cinq indicateurs. Quels sont-ils ?
Une première grille d'analyse est centrée sur les efforts physiques notamment sur la manutention des résidents, la deuxième sur le dimensionnement de la situation de travail, la troisième sur les caractéristiques temporelles, la quatrième sur les caractéristiques de l'environnement et enfin la cinquième sur l'organisation du travail.
Les liens sont établis entre TMS et risques psycho-sociaux (RPS). Cette méthode permet-elle de mesurer également la charge mentale au travail ?
Cette méthode s'appuie en partie sur le recueil du ressenti des salariés. A ce titre, j'invite souvent les établissements à ajouter des commentaires aux différentes grilles d'analyse qui sont souvent riches d'informations sur le vécu des salariés quant à leur charge physique mais également à la charge mentale ou, émotionnelle qu'ils peuvent ressentir dans leur activité et qui peut être à l'origine de risques psycho-sociaux.
Le directeur d'EHPAD doit-il impliquer le personnel dans cette démarche ?
Un des préalables indispensables à l'utilisation de la méthode d'analyse de la charge physique de travail est de mettre en place un groupe de travail pluridisciplinaire. Les EHPAD peuvent également faire appel à des ressources extérieures telles que les services de santé au travail, les contrôleurs sécurité des Carsat (Caisse d'assurance retraite et de santé au travail), les Aract (associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail), ou les cabinets-conseils en ergonomie. La mise en discussion de l'activité de travail est au coeur de la démarche de prévention, l'analyse menée au travers de la méthode, les pistes de prévention envisagées doivent être partagées par l'ensemble des personnes concernées par les situations de travail étudiées. Laisser une place importante à l'expression du ressenti des salariés est indispensable pour tenir compte de la réalité du terrain.
