Dans le n° 135-janvier 2022  -  Elles en action  12491

« Je crois aux services publics, à condition qu'ils soient développés avec les usagers et pas seulement pour les usagers »

Énergique et extravertie, engagée dans le secteur médico-social depuis près de 15 ans, Marie-Automne Thépot, responsable du laboratoire des solutions de demain à la CNSA, est une femme de conviction et d'action. Rencontre.

Quel est votre parcours ?

Très rapidement après mes études de Sciences politiques, j'ai voulu mener des projets, associant local et international. J'ai commencé par travailler à la communauté urbaine du Grand Nancy comme responsable des relations internationales, sur des projets de coopération et de développement. C'était passionnant d'interroger et de réfléchir à la manière dont un collectif de citoyens peut agir sur le monde qui l'entoure. Faire travailler ensemble des gens différents, se parler, se comprendre, pour mener des actions communes est véritablement ce qui m'anime. J'ai beaucoup oeuvré dans des collectivités locales (ville de Nancy et communauté urbaine, département du Nord, CCAS de Grenoble, cabinets ministériels et mission interministérielle...), mais ma spécificité est d'avoir souvent dû « inventer mes postes », définir mes moyens d'intervention. J'assume l'idée de service public, la grandeur de l'intérêt général, jusque dans ses failles hiérarchisées. Ce qui m'intéresse, c'est de mettre de l'humain, du doux, de l'agilité, de la joie et de l'envie de construire ensemble dans des dispositifs froids et technocratiques. Je crois aux services publics, à condition qu'ils soient développés avec les usagers et pas seulement pour les usagers. C'est vraiment le fil conducteur de mes actions.

Qui vous a accompagnée dans ce dédale ?

Martin Hirsch, sans aucun doute. Il m'a montré qu'au sein du service public, il était possible de communiquer avec tout le monde, de mobiliser des ressources diverses et complémentaires : l'université, la recherche, les financements du secteur privé, l'intelligence du terrain. Non pour revendiquer mais pour agir.

Lorsqu'il a créé le fonds d'expérimentation pour la jeunesse, laboratoire de politiques publiques, pour imaginer des solutions d'insertion sociale et professionnelle pour les jeunes de moins de 25 ans, Martin Hirsch m'a invitée à déployer ces initiatives à grande échelle. L'objectif : rendre ces services accessibles à 100 000 jeunes, pas à 20 élus triés sur le volet. C'est le même esprit qui prévaut aujourd'hui à la création du laboratoire des solutions de demain, pour répondre au défi du grand âge. On connaît tous des micro-projets formidables qu'il faut bien sûr soutenir. Et la CNSA le fait. Mais il est essentiel d'irriguer l'ensemble du secteur pour susciter l'envie, l'audace et les moyens d'essaimer et de faire grandir tout le monde. Pour moi, l'innovation ne peut pas être le fait de quelques champions. L'idée est de faire du collectif, d'étayer, d'élargir, penser et agir pour gagner en qualité et en ambition.

Vous avez démarré le 12 juillet dernier...

Oui et je suis hyper fière d'en être la responsable. Les solutions de demain trouvent leurs racines aujourd'hui. On est bien sûr dans des réflexions d'investissement mais aussi et surtout dans le lien. Il ne s'agit pas de définir des normes de construction, mais bien de créer un laboratoire d'innovation publique réunissant des profils, des compétences, des univers différents qu'il va falloir faire dialoguer pour construire ensemble l'avenir, à partir de la situation d'aujourd'hui. On note beaucoup de « petits irritants », de cailloux dans la chaussure, de blocages quotidiens qu'il faut arriver à éliminer, mais aussi penser plus large. On bénéficie d'un budget important, 1,5 milliard d'euros d'investissements publics qu'il va falloir utiliser intelligemment dans les trois ans, mais aussi de petits leviers à actionner dès maintenant pour faciliter le quotidien des toutes les personnes concernées (personnes âgées, familles, riverains, professionnels...). Notre défi, notre raison d'être, consiste vraiment à répondre aux besoins des baby-boomers qui vont entrer dans l'âge de la perte d'autonomie et à l'obsolescence de nos solutions.

Vous vous inspirez beaucoup des actions menées pour les personnes en situation de handicap...

Oui j'aimerais ! Lorsque j'ai travaillé à la mairie de Paris, j'ai été impressionnée par le dynamisme de la sous-direction à l'autonomie, et notamment le volet Handicap. Elle a tout de suite compris l'intérêt de travailler en transversalité, et d'inventer d'autres modèles, de la plus petite maille de terrain à des actions macros. C'est ainsi que durant la crise Covid, je me suis portée volontaire pour travailler dans cette sous-direction et soutenir les directeurs d'Ehpad. Puis j'ai eu envie d'aller plus loin et de mettre mes compétences de transformation et de co-construction d'intelligence collective au service du secteur médico-social. C'est ainsi que j'ai rejoint tout récemment la CNSA pour lancer les groupes de travail du laboratoire des solutions de demain.

Je ne suis pas une spécialiste, mais je trouve que le secteur du handicap a une expérience beaucoup plus aboutie de cette co-construction avec les personnes. Nous devons apprendre et utiliser ces savoir-faire pour mobiliser les personnes âgées quel que soit leur âge. Car dans « fin de vie », il y a vie. C'est un risque de considérer les personnes âgées comme des malades, des patients dont il faut s'occuper. Nous devons les réinvestir comme sujets et leur permettre de les associer aux réflexions pour trouver ensemble les solutions. Les futurs vieux sont en superforme et ont des choses à dire sur la manière dont ils voudraient être accompagnés dans l'étape d'après.

Nous devons enfin faire de la prospective, définir nos désirs pour notre vieillissement à venir et repérer ce qu'il faut mettre en place ici et maintenant pour atteindre ce but. Il faut partir des futurs souhaitables, non des solutions d'aujourd'hui, et convier l'imagination voire la science-fiction. Non pas pour améliorer les dispositifs à la marge mais pour rêver notre futur et créer les étapes pour l'atteindre. De même, je veillerai à ce que ce laboratoire ne devienne pas une fabrique de consensus mou. La diversité y est la bienvenue. On ne va pas attendre que tout le monde soit d'accord. Et surtout, nous donner le droit à l'erreur car c'est souvent de l'erreur que naît l'innovation.


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