Dans le n° 35-juillet 2013  - Interview Alain Lecerf, directeur d'Arefo-Arpad  1573

Pour le maintien du ''forfait soins''

Nous avons rencontré Alain Lecerf, directeur d'Arefo-Arpad, une organisation gérant 37 EHPA et 19 EHPAD.

Qu'attendez-vous des commissions sur le logement foyer et les logements intermédiaires?

Nos établissements relèvent de réglementations différentes: le code de la construction et de l'habitation (CCH) et le code de l'action sociale et des familles (CASF). Nous sommes confrontés, et parfois malmenés, depuis de trop nombreuses années, à cette double réglementation, peu lisible pour le grand public. Il est plus que souhaitable que l'on puisse enfin se référer à une réglementation harmonieuse. Ceci est essentiel, très important pour, notamment, tous les gestionnaires car, par exemple, cela impacte aussi bien le statut du résident que le contrat de séjour, la tarification, avec son contenu (notamment les prestations obligatoires et/ou prestations annexes).

Dans le cadre de la préparation du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, la DGCS a souhaité poursuivre les travaux engagés dans un passé déjà lointain (notamment les travaux du Groupe Grunspan en 2000, de la DGAS en 2005) et anime donc, depuis le mois de mars, un nouveau groupe de travail sur deux thèmes essentiels, à savoir:

- des préconisations d'évolution du cadre normatif des logements foyers

- les autres formes d'habitat intermédiaire pour les personnes âgées.

Y participent les représentants des différents acteurs de ce secteur (fédérations de gestionnaires, de professionnels, ministère du logement, de l'intérieur, de la Direccte.

Je forme le voeu que l'ensemble de nos propositions soient, non seulement, entendues mais intégrées dans la future loi. C'est ainsi que l'on pourra renvoyer une image très nette des EHPA et peut-être pourrons nous sortir le logement foyer de ce regard négatif que l'on porte sur lui, depuis presque vingt ans. Nous souhaitons, quant à nous, trouver une vraie cohérence entre le fonctionnement que nous avons mis en place à l'AREFO, depuis des années, et ce qui sera décidé.

L'effort consenti ces quinze dernières années par les pouvoirs publics en direction des EHPAD s'est traduit par une nette amélioration de l'offre, tant d'un point de vue quantitatif que qualitatif. Les plans pluriannuels de création de places - plan Vieillissement et Solidarités 2003-2007, plan Solidarité Grand âge (PSGA) 2007-2012- ont permis un accroissement significatif du nombre de places. Certains estiment ainsi que «nous sommes passés en une décennie d'un état de relative pénurie de places en maison de retraite à un relatif équilibre de l'offre et de la demande». La qualité de la prise en charge de la perte d'autonomie, voire de la dépendance, a progressé elle aussi sous l'effet de la politique de conventionnement qui a contribué à renforcer le taux d'encadrement (accompagnement et soins) des établissements.

L'accompagnement social et médico-social des personnes vieillissantes se caractérise en France par un clivage entre le « tout domicile diffus » et le « tout EHPAD ». Or, d'ici à 2030, on estime à +1,5 million la croissance du nombre de personnes âgées de 85 ans et plus à autonomie maîtrisée. Plusieurs observateurs invitent, ainsi, l'État à soutenir le développement de formules d'habitat intermédiaire pour accueillir une partie de cette population qui en exprimerait le besoin et ce pour divers motifs bien connus (rapprochement familial, sécurisation, lien social, «le vivre ensemble»). Ces structures jouent en effet un rôle essentiel en matière de prévention de la perte d'autonomie : elles permettent de développer le soutien et le maintien au domicile, ou au substitut de domicile, et de retarder l'entrée en EHPAD.

L'individu, au cours de sa vie, évolue en fonction de ses choix de vie de ses possibilités, de sa santé. En fonction de sa situation, chacun doit avoir la liberté de choix. Entre le domicile diffus et des solutions extrêmes type EHPAD et/ou long séjour, il doit exister d'autres offres: logements foyer, habitat intermédiaire (lieux d'habitat collectif, de partages, de services), accueils de jour, hébergement temporaire, prenant en compte le degré d'autonomie ou de pathologie.

Toutes ces structures jouent en effet un rôle essentiel en matière de prévention de la perte d'autonomie: elles permettent de développer le soutien et le maintien au domicile, ou au substitut de domicile, et de retarder l'entrée en EHPAD.

L'avenir des logements foyers

Si la pertinence de ce type d'habitat dans l'offre gérontologique de proximité et le parcours résidentiel, son inscription dans la filière gérontologique, n'est plus à démontrer, il convient aujourd'hui de lever les freins à leur essor.

Nous travaillons, en interne, avec nos bailleurs sociaux, sur la relation qui doit exister entre leur activité de logeur de populations aux revenus moyens et nous qui gérons des structures d'accompagnement et de service de personnes vieillissantes à ressources modestes. Des propositions de service peuvent être développées à partir des logements foyers ou à partir des Ehpad. Nos établissements peuvent jouer le rôle de plateforme dans ces réponses à apporter. Pourquoi ne pas imaginer, comme nous pouvons déjà le faire, d'accueillir des retraités du quartier ou de la commune dans les restaurants de nos établissements, développer des services et créer du lien entre les personnes, entre les populations.

Cela ne peut-il pas créer des difficultés de gestion?

Cela va nécessiter des efforts, des adaptations supplémentaires de nos établissements. Cela doit passer par de nouveaux partenariats, des remises à plat de nos pratiques, davantage de travail en réseau, davantage de coordination: avec les services à domicile, les SSIAD, les différents acteurs des quartiers. Il faut mobiliser nos efforts et apporter plus de pertinence, d'efficience dans nos actions.

3 commissions ont planché sur ces sujets afin d'alimenter le débat. A l'instar des préconisations du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), l'un des rapports propose de sortir ces établissements du pré carré dans lequel les a placés le législateur en leur assignant l'accueil de personnes valides. Il recommande aussi l'instauration «d'un forfait autonomie» qui ferait office de crédits destinés à la prévention, tout en réservant l'admission en logements foyers et autres EHPA aux seules personnes en GIR 5 et 6. Un tel dispositif permettrait de laisser dans les lieux les résidents qui le désirent, y compris si leur perte d'autonomie venait à s'accroître.

La prévention du vieillissement ou du mauvais vieillissement est désormais plus que jamais à l'ordre du jour. Sur ce point, nous sommes très heureux du fonctionnement, dans 8 de nos établissements, du «forfait soins courants''. Aujourd'hui sur les 2500 logements foyers existants 10% bénéficient de ce conventionnement. Cela correspond pour l'assurance maladie à une ligne financière de 4€/résident/jour, qui nous permet d'effectuer un travail de prévention, d'écoute et de présence. Cet outil passe par l'embauche d'une infirmière à mi-temps, d'aides-soignants à temps partiel. Ce n'est pas une activité de soins mais du prendre soin. Cela génère bien évidemment des économies pour la sécurité sociale mais le gain d'une telle démarche est assez difficile à évaluer. Dans nos établissements qui en bénéficient le GMP constaté est plus faible que dans les autres. Cet outil évite des hospitalisations. Il permet d'avoir des référents pour les intervenants extérieurs, notamment les services à domicile. Les gestionnaires de logements foyers souhaitent son maintien mais en outre son extension à l'ensemble des logements foyers de France et de Navarre. Loin de vouloir faire de ces établissements des lieux de soins, ils mettent en avant les bénéfices de ce dispositif et rejettent l'idée de transférer à la CNAV ce financement car celle-ci, expérimente, en effet, un forfait pour l'autonomie mais qui vise exclusivement des actions ponctuelles sous forme de prestations de type ateliers mémoire ou des animations.

Enfin, les gestionnaires réaffirment leur volonté de maintenir les logements foyers dans leur vocation sociale d'habitat intermédiaire entre le domicile diffus et l'EHPAD, mettant en oeuvre une offre de vie et des services adaptés et de qualité à des personnes âgées à autonomie maîtrisée. Ils précisent, pour des questions de sécurité et d'accessibilité que l'élévation du GMP, proposé par le rapport Broussy, impliquerait notamment une mise aux normes des établissements au regard de la réglementation afférente à la sécurité incendie.

Cette élévation, bien évidemment, conduirait à la nécessité d'avoir des moyens supplémentaires, notamment en personnel.

Enfin, sur l'essor des résidences avec services:

Des résidences avec services pour seniors et autres formules innovantes d'habitat, souvent intergénérationnelles se développent aujourd'hui à l'initiative d'opérateurs immobiliers et en marge de la loi 2002-2. Certaines de ces structures offrent des prestations très proches de celles des logements foyers (locaux collectifs, services), mais elles échappent néanmoins à l'encadrement de la réglementation sociale et médico-sociale: régime d'autorisation, (CCH, CASF), habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, planification, évaluation de la qualité, etc.

Les personnes âgées accueillies dans ces établissements ont en outre le statut juridique de locataires et non d'usagers, soumis à des contrats différents de ceux des logements foyers.

Soumettre ces structures au régime du code de l'action sociale et des familles risquerait de brider l'initiative privée et l'innovation. A l'inverse, l'absence de régulation pourrait susciter, à termes, des difficultés en termes d'adéquation de l'offre aux besoins et de qualité des prestations.

Pour les acteurs du secteur social et médico social, cela reviendrait à avoir des régimes différents. Celui qui impose des règles en favorisant la cohésion et la cohérence sur un territoire mais aussi l'équité et la solidarité, et celui du libre marché.

Le législateur pourrait alors permettre l'existence de ces deux régimes juridiques distincts avec un socle commun d'exigences sur l'évaluation de la qualité.


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