Dans le n° 99-décembre 2018  -  5ème risque  10200

Perte d'autonomie : un risque à prendre pour l'assurance maladie ?

Depuis 1962, la question de la prise en compte collective de la perte d'autonomie liée au grand âge est sur la table. Nous attaquons, en seulement dix ans, la troisième « grande démonstration nationale » autour du financement de la perte d'autonomie.


Officiellement rien n'est encore décidé et le gouvernement explique attendre beaucoup de la plateforme participative « Comment mieux prendre soin de nos aînés ?». On progresse dans la sémantique avec la notion de « prendre soin » plutôt que « prendre en charge », même s'il est un peu dommage d'en rester encore à une vision assez paternaliste, d'évoquer « nos » aînés, plutôt que « les aînés »... Les aînés n'appartiennent à personne... Et moins encore à l'État.

Quelle politique de la longévité ?

Rappelons aussi que depuis les années 2000, il y a eu de nombreuses améliorations comme la création de l'Allocation personnalisée Autonomie et la mise en oeuvre de la CNSA, la loi d'Adaptation de la société au vieillissement... Pour autant, des problématiques très lourdes autour de la situation des Ehpad, du reste à charge pour les familles qui s'accroît alors même que le pouvoir d'achat des retraités a toutes chances de continuer de baisser.

Surtout, la question de fond autour de la construction d'une vision politique d'une société de la longévité n'a pas été réglée.

Élargirl'assurance maladie à la prise en charge du risque de perte d'autonomie ?

Régulièrement la question de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée au financement collectif du risque de perte d'autonomie ressurgit sans qu'aucun gouvernement ne s'y soit réellement impliqué. Manque d'envie, peur des coûts et absence de vision sur le sujet ? Une nouvelle piste est maintenant évoquée, qui serait de maintenir tout ou partie de la cotisation de la CRDS mise en place pour rembourser la dette de la sécurité sociale et qui devrait s'éteindre à l'horizon 2025, pour l'affecter à la perte d'autonomie... Peut-être faudrait-il faire plus simple et élargir l'assurance maladie à la prise en charge du risque de perte d'autonomie ? Ce serait sans doute plus facile à mettre en oeuvre et cela éviterait de pointer du doigt les plus âgés. L'autre avantage de cet élargissement serait qu'ainsi il s'agirait d'accompagner et financer le risque de déficit d'autonomie sans que l'âge ne soit un critère et en prenant en compte le fait qu'il s'agit d'un risque et non d'une fatalité. Cesserait enfi, la barrière d'âge artificielle censée distinguer dépendance et handicap. Ce serait aussi peut-être une manière plus entrainante pour faire de la prévention un principe de santé publique à tout les âges.

Nos sociétés se veulent toujours plus performantes, mais génèrent toujours plus de vulnérabilité. A quand la performance dans la prise en compte collective de la perte d'autonomie, pour en faire un levier d'innovation technologique et social ?

Serge Guérin

Sociologue. Professeur à l'INSEEC où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé.

Co-auteur de « La guerre des générations aura-t-elle lieu ? », Calmann-Lévy, 2017 et de « La Silver économie », La Charte, 2018.

01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.