Dans le n° 77-février 2017  - Aidants  6174

Perdre la mémoire, mais pas seulement...

Dans son livre « Aime-moi jusqu'à la fin de ma vie » (1) , Marie-Edith Quoniam, loin du syndrome du sauveur, n'est pas politiquement correcte et le revendique. Confrontée pendant 10 ans à une forme galopante et sévère de la maladie d'Alzheimer sur son mari âgé de 60 ans, elle raconte sa douleur, sa peur et surtout sa colère face à son grand amour, son meilleur ami, son confident , un homme qu'elle ne reconnaît plus.

Piégée par une grande marée

Pour Marie-Edith, ça ressemble à un iceberg dont la partie visible se remarque à peine durant plusieurs années. « La partie immergée n'éveille aucun soupçon puis c'est comme une grande marée d'équinoxe : tout est calme, la mer monte lentement, s'immisce sournoisement dans les moindres replis du sable et quand on s'en aperçoit, il est trop tard et rien ne peut arrêter le déferlement du flux fatal. » Le proche assiste impuissant à la mort psychique de l'autre. Il se sent abandonné, trahi, submergé par un immense sentiment d'impuissance, un chagrin insoutenable doublé d'une grande colère et il doit faire face, garder son sang-froid pour être efficace. « Les aidants sont terriblement seuls, perdus, incompris, muselés, ignorés...» En témoignant du pire, de l'insoutenable, de l'inhumain, l'auteure dit avoir été « une aidante impatiente, impitoyable, souvent méchante jusqu'à la maltraitance peut-être... » « Je ne suis plus sa femme, son amie, sa compagne. Sans le chagrin, j'aurais capitulé, sans la colère je n'aurais pas surmonté mon chagrin. » Après l'orthophoniste, l'aide du SSIAD et des membres de l'équipe mobile, l'hébergement temporaire dont elle sait que c'est le pas vers l'hébergement définitif; après la déambulation induisant le manque crucial de sommeil, l'aphasie, l'incontinence, les insultes et de nombreux épisodes très violents où elle est frappée par ce fantôme humain encore puissant physiquement mais plus pour très longtemps, l'homme de sa vie entre en USLD.

Et c'est à ce moment que la culpabilité arrive et que se pose la question : « Comment faire le deuil d'un mari vivant ? ». Dans son ouvrage, elle rend hommage aux professionnels « leur dévouement, leur patience, leur sens humain, leur compassion naturelle et leur gaité qui ont été des supports indispensables à sa survie ».

Un récit déchirant, poignant qui devrait aider les professionnels à mieux comprendre comment la colère, voire l'agressivité des conjoints ou des enfants est provoquée par une frayeur intérieure incontrôlable quand l'être aimé devient une ombre mais une ombre vivante qui se débat toujours ; vision irréelle d'un reste humain décharné et absent, d'un fantôme qui conserve des moments de perception aigüe provoquant une terreur obscure...

Les aidants reconnus par la loi

La loi d'adaptation de la société au vieillissement de la population donne des droits et une place aux « proches aidants ». Elle précise qu'il s'agit du « conjoint, pacs, concubin, parent ou allié définis comme aidants familiaux, personnes résidant avec la personne âgée ou entretenant des liens étroits et stables, qui lui viennent en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne. »

Leur droit à recevoir des informations claires, fiables et détaillées est mis en oeuvre par le biais du portail www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr, par les CLIC et les CCAS.

La Conférence des financeurs doit définir un programme de financement incluant le soutien aux actions d'accompagnement des proches aidants.

Les aides techniques doivent faciliter l'intervention des aidants auprès de la personne aidée.

La section IV de la CNSA contribuera à la formation des aidants familiaux.

La plan d'aide APA doit tenir compte systématiquement de leur rôle et de leurs besoins, avec notamment, un droit au répit indispensable, en leur ouvrant la possibilité de bénéficier de 500 euros annuels (2) dont l'utilisation sera discutée avec l'équipe médico-sociale du Conseil départemental et de 900 euros (3) en cas d'hospitalisation de l'aidant pour un accompagnement de la personne malade.

La loi réforme le congé de soutien familial, désormais dénommé « Congé de proche aidant ». De trois mois, renouvelables jusqu'à un an, il est ouvert aux proches aidants non familiaux (1 aidant sur 5) ainsi qu'aux aidants des personnes vivant en établissement. Encore faut-il le connaître. Jusqu'à présent, seuls un peu plus de 20% des aidants connaissaient leur droit en matière de congé de soutien familial et 2% en faisaient la demande. L'employeur n'est pas tenu de l'accepter et ce congé n'est pas rémunéré.

Le nouveau Conseil départemental de la citoyenneté et de l'autonomie formule des recommandations pour le respect des droits, la bientraitance, l'éthique et le soutien des proches aidants.

C'est trop peu mais c'est un premier pas. Il faudra aller plus loin, beaucoup plus loin. Les statistiques de France Alzheimer, soutien indéfectible de Marie-Edith, donnent des chiffres qui font réfléchir : 900 000 cas recensés en 2015, 225 000 nouveaux cas par an, 1 français sur 4 touché en 2020, 4ème cause de mortalité en France.

Non, la maladie d'Alzheimer, ce n'est pas que perdre la mémoire, c'est aussi et surtout un drame humain et un enjeu de santé publique pour les malades comme pour leurs proches aidants.

Encadré : Des mains à l'écoute du corps

Pour rapprocher son mari de la porte de la grotte où il était enfermé, l'auteure a tout essayé, y compris la fasciathérapie. En décrispant nos fascias, ces fines membranes qui enveloppent muscles et organes, cette technique manuelle, indolore, soulage les blocages, dissipe la fatigue et le stress, remet le corps et l'esprit au diapason.

Les fascias (du latin "fascia" qui signifie bande, tissu) sont de fines membranes qui entourent les muscles, les os, les viscères, le cerveau, la moelle épinière, les ligaments, et les relient entre eux comme une toile d'araignée. Très élastiques, ils maintiennent les organes et amortissent les chocs. Sous l'action du stress, ces tissus conjonctifs se contractent pour se rétracter ensuite. Des signes fonctionnels apparaissent alors, comme des douleurs, de la fatigue, un mal-être, des maux divers qui, souvent, préparent le terrain à la maladie proprement dite.

L'objectif est de traiter ces signaux dès qu'ils se manifestent, en décrispant les fascias pour qu'ils retrouvent leur place, leur rythme et laissent circuler l'énergie. Comme on se sent mieux, on résiste également mieux aux effets du stress.

Cette thérapie douce par massages soulage les patients atteints de la maladie d'Alzheimer au même titre que le Shiatsu, plus connu.

Le fasciathérapeute est médecin, kinésithérapeute ou ostéopathe.

Pour plus d'infos : Groupement international de fasciathérapie - 159 rue Blomet, -75015 Paris - Tél. 01 44 19 78 33.


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