Dans le n° 106-juin 2019  - Interview  10505

« Le mouvement de concentration des groupes d'EHPAD commerciaux n'est pas fini »

Raoul Tachon, consultant indépendant, spécialiste du secteur médico-social revient pour Géroscopie sur les principaux axes de la stratégie de développement des groupes d'EHPAD privés commerciaux.

ORPEA a annoncé vouloir devenir un « leader » du secteur en Amérique latine. La course à l'international s'intensifie ?

Le Groupe ORPEA a toujours été pionner en terme d'internationalisation. Il a été le premier à s'implanter en Europe puis à chercher des marchés plus lointains comme la Chine puis l'Amérique latine. Mise à part l'Afrique subsaharienne, la dépendance est un problème mondial. Les marchés sont vastes et il y a de la place pour tout le monde. Dans chaque pays, il y a une classe moyenne supérieure qui dispose du pouvoir d'achat, une partie de la population qui est solvable pour "faire vivre" une dizaine d'EHPAD. Chaque marché est spécifique et présente ses particularités, au niveau national et parfois même, les choses se jouent au niveau régional. Pour les groupes, il ne s'agit pas de faire un simple copier-coller de ce qu'ils font en France. Il y a plusieurs paramètres dont il leur faut tenir compte : la solvabilité de la population, la part des financements collectifs, les contraintes réglementaires, le taux de recours à l'EHPAD, les particularités culturelles.

Et la Chine ?

Le développement en Chine paraît relativement limité alors que le marché est colossal. Avec la politique de l'enfant unique, la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées sera un vrai problème. Les groupes français d'EHPAD commerciaux qui s'y sont installés [Orpéa, Colisée, DomusVi] n'ont que 1 ou 2 établissements alors que la Chine vise la création de 8 millions de lits [d'ici 2020]. Contrairement à d'autres marchés, les groupes partent de zéro et importent leur savoir-faire. Mais il est très compliqué de créer de grands réseaux en Chine. Les opérateurs doivent faire face à des barrières administratives, culturelles.

D'ici à 2040, l'Espagne sera le plus vieux pays d'Europe et devrait se retrouver en tête du palmarès mondial de l'espérance de vie. Le Groupe Korian vient en début d'année de s'y implanter. Ce pays est-il une cible majeure pour les groupes ?

L'Espagne en tant que marché n'existe pas, il y a des particularités régionales entre l'Andalousie et la Catalogne par exemple. La part de financement collectif est faible et au regard du niveau de vie des Espagnols, les groupes devront être capables de pratiquer des tarifs relativement bas. Le pourcentage d'Espagnols hébergés en institution est trois fois plus faible qu'en France. 70% des Espagnols ont un enfant qui habite à moins de deux heures de leur domicile contre 40% pour les Français.

Concernant la diversification par l'activité, les groupes d'EHPAD vont-ils devoir se positionner sur l'ensemble de la filière gériatrique ?

C'est déjà le cas pour certains d'entre eux. La priorité est de construire des parcours gériatriques : SSIAD, SAAD, SPASAD, résidences services seniors, EHPAD, cliniques, SSR, HAD, et ne plus être des "pure player" EHPAD. Aucune de ces activités ne sera aussi rentable que le modèle de l'EHPAD sur lequel les groupes ont bâti leur croissance. L'EHPAD sera réservé aux GIR 1, 2, 3 et il faudra être en mesure d'offrir une palette de services aux GIR 4 et 5. L'EHPAD peut également devenir le pivot de l'aide aux aidants, au-delà de l'accueil des personnes âgées. Mais si l'on continue à avoir une augmentation du GMP [Gir moyen pondéré] et du PMP [Pathos moyen pondéré] tous les ans, cela va accentuer le malaise des soignants et l'EHPAD va se transformer en clinique gériatrique de la dernière année de vie. Cela posera davantage encore la question du taux d'encadrement, du financement mais également celle de trouver le personnel nécessaire.

Korian a fait l'acquisition du groupe Omega, DomusVi est en passe de reprendre Residalya. Les plus gros vont absorber les plus petits ?

On a le club de trois grands groupes qui ont plus de 200 établissements en France puis très vite on descend puisque Colisée n'en a même pas 100 en France. La reprise de Residalya avec ses 35 établissements permet à DomusVi de rester dans la course par rapport à ORPEA et Korian. Quant à Korian qui fait déjà la course en tête, il renforce ses positions sur le sol français en rachetant Omega. Les groupes qui ont 15, 20, 30 EHPAD sont bloqués dans leur développement et n'ont pas forcément les reins assez solides pour faire des acquisitions au prix fort ni la structure nécessaire pour aller à l'international, donc ce qui leur pend au nez, c'est de se rapprocher des grands groupes. Le mouvement de concentration des groupes d'EHPAD commerciaux n'est pas fini.

L'investissement dans les nouvelles technologies digitales va-t-il changer la donne pour les groupes ?

Les groupes d'EHPAD qui n'auront pas franchi le pas de la digitalisation vont être ringardisés. Les enfants et petits-enfants des résidents veulent des moyens techniques pour maintenir le lien avec leur parent en établissement. Ne serait-ce que pour le lien social, le numérique va s'imposer. La totalité des établissements du groupe Maisons de famille, soit quinze établissements situés dans toute la France, est en train de s'équiper du robot humanoïde Zora. Demain, il sera considéré comme surprenant qu'un EHPAD ne dispose pas de son robot.

Vous considérez également que le numérique est indispensable pour améliorer l'efficience des établissements et de la prise en charge (EHPAD connectés, télémédecine, digitalisation du parcours de soins, EHPAD à domicile, nouveaux services...).

Oui, le développement du numérique est rendu également indispensable par le fait devoir connecter l'EHPAD à tout son environnement. Cela demande des investissements pour les groupes. Pourquoi ne pas permettre demain à l'EHPAD de concentrer les moyens médicaux sur un territoire comme on a fait des maisons médicales autour des cliniques. Que l'EHPAD ait un « plateau technique », ou du moins des moyens numériques mis à la disposition de la population médicale et paramédicale des environs. La question pour les groupes est de trouver l'intérêt économique d'ouvrir l'EHPAD sur des activités qui ne sont stricto sensu leur métier d'origine. Les groupes doivent être capables de négocier des financements complémentaires. Si les pouvoirs publics veulent généraliser ce processus, il faut penser à des modes de financements adaptés. Cela questionne tout l'écosystème, tout le modèle économique du secteur.

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