Dans le n° 94-juin 2018  9939

La France n'aime pas ses vieux ?

Un avis récent du Comité consultatif national d'éthique sur le rapport de la France aux plus âgés affirme combien la société n'aime pas " ses " vieux 1 . Et nombre de médias d'entonner mécaniquement le refrain. Mais est-ce bien la société qui a un problème avec les vieux ?

Ce que je retire de mon expérience de plus de 20 ans d'analyse et de pratique du sujet, ce que je retiens de milliers d'entretiens, ce que l'on peut aussi analyser à partir de multiples sondages, c'est une vision beaucoup plus nuancée du rapport de la société avec les plus âgés.

Certes, il ne fait toujours pas bon d'être considéré comme un senior au sein de l'entreprise. Là, les représentations négatives peuvent commencer dès 45 ans... Certes, les plus âgés se sentent parfois infantilisés par leurs proches comme par le discours normatif des autorités. Il y a quelque chose d'insupportable au quotidien pour beaucoup d'âgés à subir les regards condescendants, les remarques décalées, les décisions inadaptées. De ce point de vue, rendre obligatoire la déclaration d'impôts par internet participe d'une indifférence, voire d'un mépris assumé, envers la situation de nombreux aînés. Et aussi de d'autres populations...

Les Français savent que l'âge social est un construit social.

Ainsi le baromètre Via Voice pour Aesio 2 met en évidence que pour les gens, si on est considéré comme âgé dans la société à partir de 68 ans, dans l'entreprise, c'est dès 57 ans... Remarquons aussi le très fort consensus, à tous les âges, pour récuser l'image de personnes âgées privilégiées que de nombreux commentateurs et politiques favorables aux décisions gouvernementales envers les retraités déclament sur tous les tons depuis des mois. Prenons l'exemple de la hausse de la CSG sur les retraités " aisés " 3 : seulement 21% des français, tout âge confondu, trouvent cela justifié 4 et 79% d'entre eux estiment que la politique "économique, sociale et fiscale" du gouvernement est "injuste" pour les retraités 5 .

Notons aussi que la considération pour les plus âgés dans leur vie quotidienne est souvent bien plus positive que celle portée par les décideurs. Ainsi, 56% de nos concitoyens estiment que les seniors sont bien intégrés à la société. Et ils sont 54% à relever que la société est en train de s'adapter aux seniors 6 . De même, le lien entre les générations continue, sondage après sondage, à être au plus haut. Alors qui n'aime pas les vieux ?

Serge Guérin

Sociologue. Professeur à l'INSEEC où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Co-auteur de " La guerre des générations aura-t-elle lieu ? ", Calman-Lévy, 2017 et de " La Silver économie ", La Charte, 2018.


01/04/2024  - Partie III

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
01/04/2024  - Chronique

Un café dans mon Ehpad!

Madeleine de Proust d'une France de carte postale, le café de village constitue souvent le seul lieu de rencontre et d'échange alors même que selon l'INSEE, 62 % des communes ne disposent plus d'aucun commerce.
01/04/2024  - Billet

Salut Richard

C'était d'abord une voix forte. Qui ouvrait des voies. Celles qu'il a défendues tout au long de sa carrière. Brillant et apprécié pour ses redoutables compétences lors des débats car travaillées constamment, méthodiquement, désintéressées et reconnues.  ...
01/03/2024  - Billet

Réjouissant de bon sens

Si j'étais taquin, j'aurais pu dire « décoiffant de bon sens ». Et Serge Guérin aurait su apprécier.  ...
01/03/2024  - Partie II

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.
01/02/2024  - Billet

L'espoir est dans la proximité

Bon, c'est désormais compris. Mais il en aura fallu du temps. Une grande majorité d'âgés veulent rester chez eux. Bien évidemment, la prise en compte de cette volonté n'était pas simple à structurer. Surtout lorsqu'on a fait le choix depuis des dizaines d'années d'un autre modèle reposant quasi exclusivement sur « l'établissement », par dogme ou conviction sincère, en particulier depuis 2003 et la grande canicule qui a traumatisé familles et politiques. ...
01/02/2024  - Partie I

Pas de société de la longévité sans valoriser les métiers du care

Répondre aux enjeux du vieillissement passera par la mise en oeuvre d'une société du care où l'accompagnement bienveillant et mutuel peut contribuer à sortir de la fragilité et aider chacun à devenir auteur de sa vie.
01/12/2023  - Billet

Vulnérables et capables

Fêter une ou un centenaire dans un établissement n'est plus une exception. Tant mieux. Pour autant, doit-on ne voir de cet âge, si souvent associé à une certaine déchéance, que cette facette festive et considérée comme une performance, accompagnée le plus souvent par les autorités et les médias locaux ? Il est d'autres réflexions qu'il faut considérer. Anne-Solen Kerdraon (théologienne à l'Institut catholique de Paris), dont le nom ne vous vient pas spontanément à l'esprit, évoque lors d'un échange (avec Clotilde Hamon, journaliste pour Famille chrétienne) cette séquence de la vie dont le philosophe Paul Ricoeur soulignait déjà ces deux particularités humaines : vulnérable et capable. ...
01/12/2023  - Partie II

Les «Fractures françaises» sont-elles une affaire d'âge?

À partir de l'étude « Fractures françaises », réalisée par Ipsos pour le Cevipof-Sc Po, nous avions le mois dernier constaté que les retraités sont plutôt plus confiants dans les institutions de la société que le reste de la population. Il apparaissait aussi que le critère social était bien plus prégnant que le fait générationnel pour expliquer les différences de ressentis.